
« On sent chez les épargnants une réelle inquiétude sur l’avenir, nourrie par le contexte d’incertitude tant national qu’international »
Quelles sont les tendances les plus marquantes, selon vous, de la 23ème édition du baromètre Ipsos/Cesi école d’ingénieurs/le Cercle des épargnants sur « les Français, l’épargne et la retraite » ?
Le premier constat qui ressort de cette enquête c’est la forte augmentation de l'intention des Français d'épargner, puisqu’elle passe de 31% à 39% d’une année sur l’autre. C’est la première fois depuis que nous réalisons ce baromètre que nous constatons une augmentation d’une telle ampleur. Le deuxième constat est que cette volonté d’épargner traduit chez les Français la résurgence forte d’un réflexe d’épargne de précaution plutôt que d’amélioration de leur situation économique. On aurait pu penser qu’ils souhaitent épargner davantage du fait de la baisse récente de l’inflation qui aurait amélioré leur situation financière, mais en réalité plus de la moitié des Français estiment que leur pouvoir d'achat a baissé en 2024. On sent une réelle inquiétude sur l’avenir, nourrie par le contexte d’incertitude tant national qu’international. Troisième point notable : cette volonté d'épargner est plus forte chez les jeunes elle est due là aussi d’abord à la volonté de se constituer une épargne de précaution, suivie par la préparation à la retraite.
Comment se traduit cette volonté d’épargner ?
Les Français privilégient toujours les placements peu risqués malgré une légère augmentation dans le temps de l'intérêt pour les produits plus risqués. Seuls les jeunes et ceux ayant un patrimoine financier important sont enclins à investir dans des produits moins liquides mais plus rentables. Globalement, si la tendance à prendre plus de risque a progressé au cours des dernières années, nous avons constaté un léger repli en 2024, signe là aussi d’une montée des craintes chez les épargnants. Cela reflète l’inquiétude des Français depuis la dissolution de l’Assemblé nationale et l'instabilité politique qu’elle a provoquée. A cet égard, le baromètre est totalement cohérent avec le sentiment de vulnérabilité qui se développe dans ce pays, dans un contexte de polycrise.
On note par ailleurs une montée de l’intérêt des Français pour les sujets liés à l’épargne…
En effet, les Français sont de plus en plus concernés par les sujets d’épargne et de placements financiers : 58% nous disent s’y intéresser contre 42% en 2019. Les jeunes hommes de moins de 35 ans s'intéressent particulièrement à ces questions. Globalement, si les banques restent la principale source d'information sur l'épargne, les jeunes préfèrent se tourner vers leurs proches et les médias spécialisés.
Le baromètre s’intéresse également plus particulièrement aux crypto-monnaies et aux actions.
Oui, pour la première fois cette année, nous avons voulu tester la perception des Français à l’égard des crypto-monnaies et des actions, et les résultats sont très intéressants. Les crypto-monnaies suscitent une grande défiance, mais c’est un peu moins le cas chez les jeunes. Les jeunes trouvent les crypto-monnaies plus accessibles que les actions traditionnelles et de fait les jeunes détiennent plus de crypto-monnaies en direct que d’actions.
En outre, seulement 31% des Français se sentent bien informés sur les actions cotées en bourse. Un chiffre qui est assez faible et révèle une vraie ligne de fracture générationnelle : les 60 ans et plus s'estiment bien informés sur les actions cotées en bourse, mais absolument pas sur les crypto-monnaies. Plus marquant, enfin, un tiers seulement des Français ont une bonne image des actions cotées en bourse, et 35% en ont une mauvaise image.
Alors que le débat a ressurgi sur la réforme des retraites, que nous dit le baromètre ?
Nous constatons d’abord que l'inquiétude concernant le système de retraite français est repartie en à la hausse, puisque 77% des Français se disent inquiets sur le financement des retraites, soit un bond de 11 points en un an, après une baisse de 12 points entre 2021 et 2024. De même, 58% des Français se disent aujourd’hui inquiets pour leurs retraites (+8 points en un an), un taux qui atteint 66% parmi les non-retraités.
Dans ce contexte, quelles mesures sont privilégiées par les Français pour assurer le financement du système ?
Les Français préfèrent très clairement augmenter les cotisations plutôt que de reculer l'âge de départ à la retraite. C’est une constante dans notre baromètre, avec 49% des sondés qui estiment qu’il faudrait augmenter les cotisations contre 35% qui pensent qu’il faudrait reculer l’âge de départ à la retraite. Mais le plus spectaculaire est probablement que, pour financer les retraites, 55% des Français estiment aujourd’hui qu’il faudrait développer les fonds de pension. Ce score élevé peut être surprenant au premier abord mais se confirme d’année en année et révèle bien une fracture entre le monde politique pour qui le mot « capitalisation » est tabou et les Français. On sent en effet que ces derniers cherchent de plus en plus à assurer leurs arrières par leurs propres moyens car ils sont inquiets que le système par répartition ne leur permette pas de partir à la retraite dans de bonnes conditions,
Y-a-t-il selon vous d’autres éléments notables ?
Un dernier me semble important : du fait des nombreuses incertitudes sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la préoccupation pour le financement de l’assurance maladie a atteint un niveau record cette année. Elle demeure devant la préoccupation pour le financement des retraites. Quand on demande aux Français ce qui les inquiète le plus à titre personnel, pas simplement pour le pays, la santé arrive 9 fois sur 10 en numéro un. La question du financement de la protection est donc toujours aussi prioritaire.
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