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Vouloir réduire le taux d'épargne c'est commettre trois erreurs.

  • Photo du rédacteur: Cercle des Épargnants
    Cercle des Épargnants
  • il y a 6 jours
  • 5 min de lecture

Jean-Marc Daniel, économiste et essayiste, professeur à l’ESCP Business School


Portrait de Brice Tinturier
Jean-Marc Daniel

Alors que le débat public, en France, ne cesse de réclamer une baisse du taux d’épargne, vous faites partie des rares économistes à recommander, au contraire, de l’augmenter. Pour quelles raisons ?


Ceux qui appellent à réduire le taux d’épargne des Français commettent trois erreurs économiques fondamentales. La première, c’est de croire que le plus important pour un pays est de tout faire pour soutenir la consommation, ce qui implique d’augmenter le pouvoir d’achat et de réduire simultanément le taux d’épargne. Cette vision keynésienne, très en vogue en France, considère que la consommation doit être le moteur de l’activité, alors qu’en réalité la consommation est le but de la croissance. C’est parce qu’il y a de l’activité et de la création de richesse que les gens peuvent consommer, pas l’inverse. Au contraire, même : faire de la consommation le but de l’activité, c’est aboutir à accroître les déficits extérieurs. Cela me rappelle ce vieil adage qu’on nous a servi à toutes les sauces : « remplir les Caddies, c’est vider l’ANPE », sous-entendu, si vous consommez, vous réduisez le chômage. Mais quand un pays n’a pas les moyens de répondre au surplus de demande, cet adage devient alors : « remplir nos caddies en France, c’est réduire le chômage en Allemagne », autrement dit importer des produits fabriqués en Allemagne. Nous perdons sur tous les tableaux.

 

Quelles sont les deux autres erreurs commises par les détracteurs de l’épargne ?

Ils oublient qu’une épargne insuffisante accroît le déficit de la balance des paiements courants. La fonction macroéconomique de l’épargne est en effet de permettre le financement des déficits publics et des investissements. Lorsqu’elle n’y parvient pas, alors un pays doit faire appel aux capitaux extérieurs pour financer ces deux postes, ce qui aboutit à un déficit de la balance des paiements courants, donc un accroissement de la dépendance extérieure. Or, la France est en déficit courant depuis 2002, à l’exception de 2024 où nous avons connu un excédent du fait des Jeux olympiques. La troisième raison pour laquelle l’épargne est fondamentale est qu’elle permet de compenser les déséquilibres démographiques. La France, aujourd’hui, n’a plus assez de jeunes pour produire sur son territoire. Dit un peu brutalement, nous devons acheter des usines à l’étranger. Cela signifie conserver les centres de décision et la recherche sur notre territoire et acquérir des usines dans les pays émergents. Or, pour procéder à ces acquisitions, nous avons besoin d’épargne.

 

Y a-t-il un taux d’épargne optimal ?

Cette notion est toute relative. Nous avons aujourd’hui retrouvé le niveau d’épargne du début des années 70. Globalement, lorsque l’inflation est inférieure à 8 %, les ménages ont tendance à épargner davantage, car ils considèrent que l’épargne est une manière de se prémunir contre l’érosion liée à la hausse des prix. Mais au-delà de 8 %, l’inflation est telle que les ménages considèrent qu’ils ne peuvent pas s’en protéger et cela les pousse à consommer davantage à court terme. Dans les années 60, l’inflation était faible et les ménages avaient donc tendance à épargner. Le choc pétrolier a fait bondir l’inflation et cela a conduit à une baisse de l’épargne dans les années 70.


Mais l’épargne est toujours opposée à la notion de pouvoir d’achat dans le débat public…

Le problème des dirigeants politiques français est qu’ils considèrent que le problème essentiel dans ce pays est celui du pouvoir d’achat et que le rôle de l’État est donc de tout faire pour l’augmenter. Cela conduit notamment à maintenir les cotisations sociales à un niveau inférieur à ce qu’elles devraient normalement être. Cela débouche sur des déficits sociaux compensés en partie par l’État, aux alentours de 70 à 80 milliards d’euros, ce qui représente près de la moitié du déficit budgétaire. Si l’on réduisait les déficits de la Sécurité sociale, en faisant payer aux Français le vrai coût de leur protection sociale, alors nous aurions moins besoin d’épargner pour combler les déficits et celle-ci financerait les investissements pour le long terme. Quelque part, aujourd’hui, les Français ont un pouvoir d’achat trop élevé, qui n’est pas en adéquation avec la réalité économique du pays. Le meilleur moyen d’accroître ce pouvoir d’achat, c’est de travailler davantage. Lors des JO, justement, nous avons connu brièvement un excédent courant. Pourquoi ? Parce que nous avons importé des ressources de l’étranger (des touristes) et que les Français ont travaillé davantage pour organiser cet événement.


Que peut-on répondre à ceux qui voient dans l’épargne une simple réserve qui dort dans des coffres et pourrait être utilisée pour relancer le pays ?

Il est temps d’en finir avec la vision du Père Goriot, de Balzac ! L’épargne n’est pas une thésaurisation, un bas de laine : l’épargne sert à financer les déficits et, si possible, les investissements sans avoir recours au crédit. Voilà pourquoi le débat sur les fonds de pension est toujours si mal orienté dans notre pays. Pourtant, le rapport Charpin, remis à Lionel Jospin à la fin des années 1990 – déjà ! – expliquait que, pour financer les retraites, il fallait repousser l’âge de départ à 64 ans en 2020 et créer des fonds de pension. Le drame est que les partenaires sociaux, à cette époque, étaient d’accord avec ce constat. Mais aujourd’hui, on en est loin. Le seul espoir reste du côté de la bascule progressive vers la retraite par capitalisation. Le PER est l’instrument qui nous permettrait d’y parvenir. D’ailleurs, il engrange quelques beaux succès auprès des ménages. Il faut aller plus loin, et il faudrait même le rendre obligatoire.

 

Êtes-vous inquiet des orientations prises par le débat budgétaire actuel ?

Plus encore que la volonté de taxer les riches, ce qui m’inquiète le plus dans ce budget et dans le discours ambiant, c’est la volonté d’appauvrir les plus âgés, par exemple en rognant sur les pensions de retraite ou en désindexant certaines prestations. Ce que je dis peut paraître contre-intuitif, mais il faut bien garder à l’esprit que, dans notre pays, le patrimoine et l’épargne sont très majoritairement concentrés sur les retraités. Si ces derniers craignent pour leurs revenus, leur réflexe sera d’épargner davantage encore et surtout de concentrer leur épargne sur les produits sans risques, qui sont les moins utiles pour financer l’avenir de notre pays. Au contraire, ce qu’il faudrait faire, c’est les rassurer, en garantissant un maintien de leurs revenus, et faciliter le transfert de leur patrimoine en allégeant les droits sur les donations et les droits de succession sur les placements à long terme, de sorte que ce soient leurs enfants qui récupèrent cette épargne, qu’ils investiront de manière plus risquée sur plus long terme, typiquement en actions.


Et quid de lancer un grand emprunt ?

Nous pourrions en effet envisager un « Pinay vert ». Dans les années 1950, Antoine Pinay avait lancé un vaste emprunt pour financer la modernisation économique. Mais, comme on lui prédisait l’échec de ce plan, il avait décidé d’exonérer de droits de succession les titres de cet emprunt. Si bien qu’avant de mourir, beaucoup de Français prenaient du Pinay pour alléger les droits de succession ! Il faudrait refaire un Pinay « vert » en France, en fléchant un grand emprunt vers les investissements de long terme en matière de développement durable. Ce serait une bonne manière de montrer que l’épargne et l’exonération de droits de succession sont utiles au pays !

1 commentaire


macsimmons1996
il y a 5 jours

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