Taxer les contrats en euros : quand le législateur risque de mordre la main de ses propres financeurs
- Cercle des Épargnants
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On aurait pu croire à un 1er avril, mais ce n’était qu’un 1er novembre ! En décidant, à la veille de la Toussaint, d’intégrer les contrats d’assurance-vie en euros dans l’assiette du nouvel impôt sur la « fortune improductive », l’Assemblée nationale a frappé le cœur même du financement de la dette publique française. Car derrière chaque contrat en euros, derrière chaque épargnant prudent, qui place son capital à rendement garanti, se cache en réalité… un prêteur de l’État.
Avec près de 2 000 milliards d’euros d’encours total de l’assurance-vie, est le premier produit d’épargne des Français. Or, selon les données du Sénat et de la Banque de France, les compagnies d’assurance détenaient en 2025 environ 350 milliards d’euros d’obligations d’Etat françaises, soit près de 10% de la dette publique (essentiellement des OAT), sur les quelques 45% de dette publique détenue par les résidents français.
Alors que les compagnies d’assurances ont progressivement réduit leur exposition à ces actifs, du fait de la baisse des rendements depuis les années 2000, ce sont les parts des contrats de l’assurance-vie les plus prudents et garantis qui constituent l’un des principaux piliers de financement de la République.
Qualifier ces placements de “revenus improductifs” revient donc à taxer ceux qui, depuis des décennies, assurent la stabilité de l’épargne nationale et la solvabilité de l’État. Le geste est politiquement habile — il flatte une apparente justice fiscale — mais économiquement dangereux du fait de l’attachement des Français à ce produit d’épargne : on mord la main qui prête, sans forcément pénaliser les plus riches.
Un signal dévastateur pour la confiance
Pour les épargnants, le message est brouillé. Ces contrats, présentés comme “sécurisés” et fiscalement stables, deviennent du jour au lendemain des cibles potentielles. Même s’il est probable que le texte soit rejeté au Sénat, l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot, pourrait, en confirmant cette option, alourdir la fiscalité sur les rendements des fonds en euros, déjà bien modestes, autour de 3 % brut en 2024.
Plus grave encore, à moyen terme : si les épargnants délaissent encore un peu plus les fonds en euros, les assureurs devront revoir leur allocation d’actifs. Moins de flux vers les obligations souveraines, c’est moins de financement domestique pour la dette française, donc davantage de dépendance aux investisseurs étrangers. Autrement dit, l’État impose une taxe… sur sa propre dette.
Cette boucle absurde pourrait, à terme, contribuer un peu plus à renchérir le coût de financement de la France. En affaiblissant le lien de confiance entre les épargnants et la dette publique, la mesure fait peser un risque structurel sur la stabilité budgétaire du pays.
L’épargne de précaution, nouvelle cible fiscale
Derrière ce débat se cache le risque de condamner l’épargne complémentaire qui pourrait finir par appauvrir l’ensemble du pays. En assimilant la prudence à de l’improductivité, on introduit une confusion inquiétante entre spéculation et stabilité. L’épargnant de long terme, celui qui prépare sa retraite ou une transmission familiale, se voit soudain rangé dans la même catégorie que le spéculateur de court terme.
Ce glissement sémantique pourrait marquer une rupture profonde dans la manière dont l’État considère l’épargne populaire : non plus comme un outil de financement et de stabilité, mais comme une réserve à ponctionner. Qualifier les fonds en euros de « patrimoine improductif » apparait pour le moins comme un contresens.

