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« L'absurde rejet de la capitalisation »

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    Cercle des Épargnants
  • il y a 22 minutes
  • 3 min de lecture
Portrait de Philippe Dupuy
Jean-François Boulier

Par Jean-François Boulier


Les années passent et la capitalisation ne trouve toujours pas la place qu'elle mérite dans le système de retraite de notre pays. Ce n'est pas faute d'être utile à titre individuel. Ce n'est pas non plus par manque d'intérêt pour l'économie de notre pays. Alors pourquoi tant de freins à cette évidence et pourquoi ne pas, sans bouleverser le système existant, progressivement le consolider en apportant une dose de capitalisation ? La situation pourrait néanmoins évoluer car plusieurs enquêtes récentes, dont le Baromètre 2025 du Cercle des Epargnants, tendent à confirmer que l'opinion est maintenant plus favorable, voire majoritairement favorable à l'introduction de capitalisation dans le cadre de la retraite.

 

Que la capitalisation soit bénéfique aux épargnants tous les adhérents aux contrats d'assurance vie le savent. D'ailleurs, plus l'allocation d'actifs des fonds épargnés s'oriente vers les actifs réels, en particulier les actions, et plus l'efficacité est grande. En Europe l'historique des performances boursières montre que l'épargne est en moyenne multipliée par deux en terme de pouvoir d'achat, c’est-à-dire nette d'inflation, tous les quinze ans environ. C'est tous les dix ans pour les actions américaines. En conséquence, pendant les plus de quarante ans d'une vie professionnelle l'épargne en actions se trouve en moyenne multipliée par 7 ! La prudence de gestion veut néanmoins que les portefeuilles soient équilibrés entre actions et obligations. Selon l’OCDE, c'est environ 40% d'actions pour les fonds de pensions hollandais par exemple et de l'ordre de 60% pour leurs équivalents américains[1]. Cet équilibre est vertueux car il permet de réallouer tactiquement les portefeuilles pendant le cycle économique. En bas de cycle, après une forte baisse des bourses, on pourra bénéficier de taux bas pour vendre à profit des obligations et acheter des actions. En haut de cycle on pourra inversement vendre les actions qui se sont renchéries et acheter des obligations à des taux élevés.

 

Au-delà, la capitalisation est profitable au pays dans lequel les entreprises opèrent. Par exemple, l'utilité de la souveraineté économique s'est rappelée à nous ces dernières années, pendant la crise sanitaire, pendant la guerre en Ukraine ou encore en raison de la guerre des tarifs douaniers menée par l'administration américaine. Peser sur les choix des entreprises en détenant leur capital permet ainsi de mieux assurer la satisfaction des besoins du pays en privilégiant les intérêts locaux. Sans une gouvernance influencée par les acteurs locaux les entreprises pourraient être tentées de rechercher de meilleures opportunités loin de leur siège social et plus près de leurs actionnaires étrangers. Des travaux scientifiques tendent à montrer que les pays ayant développé des systèmes de retraites par capitalisation au cours du vingtième siècle ont des économies plus prospères et plus stables[2].

 

Alors pourquoi les nombreux projets d'introduction de la capitalisation dans le système de retraite français ont-ils jusqu’ici échoué ? Si c’est par crainte de voir la répartition, à la base de notre système de retraite actuel, menacée par la capitalisation, il faut rappeler que tous les pays où se sont développés des fonds de pensions ont également gardé une part très substantielle fondée sur la répartition (OCDE, 2017). La diversité des systèmes est un atout pour les futurs retraités car elle diminue le risque financier pesant sur leurs retraites futures en les faisant aussi bénéficier de la productivité du capital alors que la répartition les fait dépendre de la démographie et de la productivité du travail.

 

Actuellement les flux de la retraite complémentaire (dite le deuxième pilier) sont gérés par des organismes comme l'Agirc-Arcco. Ces organismes investissent d’ores et déjà leurs excédents sur les marchés financiers. Ils seraient donc tout à fait à même de gérer un système basé aussi sur la capitalisation. Ces mesures sont certes coûteuses pour l’Etat à mettre en place et diminuent les ressources financières pour d'autres projets. Mais à la différence de pays comme les États Unis, la France jouit heureusement d'une épargne abondante (de l’ordre de 18% selon l’INSEE) qui pourrait être utilement employée à cette cause nationale et faire ainsi bénéficier la population de fonds de retraite, gérés par eux même ou par des professionnels.


[1] Do pension funds provide financial stability: Evidence from European countries", Seda Peksevin, 2023, Journal of Financial Services Research.

 

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