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Entretien avec Benoist Lombard, Président de Maison-Laplace

Portrait de Benoist Lombard, Président de Maison-Laplace
Benoist Lombard, Président de Maison-Laplace (Groupe de Gestion privée)

Le débat politique, en France, a vu émerger à nouveau ces dernières semaines l’idée de « taxer les rentes ». Qu’en est-il réellement aujourd’hui de la taxation de l’épargne ?


Un premier point fondamental est que la France affiche le plus fort taux de prélèvements obligatoires de l’Union Européenne à 48% en intégrant les cotisations sociales. Nous sommes très largement au-dessus de la moyenne de l’Union européenne (41%). Notre voisin immédiat, la Belgique, est à 46%. Autrement dit, avant même de parler de « rente » ou d’épargne il faut partir du constat que la création de richesse, l’activité, est déjà extraordinairement taxée dans notre pays. S’agissant plus spécifiquement de la fiscalité de l’épargne, une étude de l’OCDE datée de 2016 a démontré qu’elle représentait 6% du PIB en France, contre 3,5% dans la zone euro. Dans ce domaine également, nous souffrons donc d’un grand manque de compétitivité.


 Comment se répartit cette fiscalité de l’épargne ?


On peut la répartir en trois grandes familles : l’imposition sur les revenus tirés des actifs financiers et immobiliers, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), et les droits de mutations à titre gratuit. L’imposition sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values de cession de valeurs mobilières est désormais caractérisée par une « flat tax » au taux global de 30% instaurée par Emmanuel Macron à son arrivée après que le quinquennat précédent a voulu taxer cette épargne au même niveau que le travail, ce qui avait abouti à la fameuse révolte « des pigeons ». Cette « flat tax », outre sa simplicité, a incontestablement eu des vertus salvatrices même si son taux de 30% est supérieur à celui de la moyenne des pays développés si l’on y ajoute la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) de 4%. En allégeant la taxation du capital, la « flat tax » a libéré des ressources adressées au financement de l’économie en renforçant les fonds propres de nos entreprises. Les revenus fonciers, eux, demeurent taxés lourdement : aux 45% de la tranche marginale du barème progressif de l’impôt sur le revenu, s’ajoutent la CEHR et les prélèvements sociaux au taux de 17,2%, soit une taxation à 66,2% l’année de la déclaration. C’est parfaitement confiscatoire.


S’attaquer aux « rentiers », n’est-ce pas un peu une posture politique classique en France ?


Le terme même de rente est galvaudé car, dans l’esprit commun, le rentier est assimilé à celui qui possède. Mais le rentier, c’est tout simplement celui qui bénéficie d’une rente, qui vit de ses rentes. Et les premiers rentiers, de très loin, ce sont ceux qui bénéficient de prestations de retraites, du produit périodique que lui verse non un capital mais l’organisme auprès duquel il a cotisé durant sa vie professionnelle. Toute hausse de taxation de la rente signifierait, littéralement, taxer les retraités qui ne sont pas forcément ceux possédant le plus de biens. Si l’idée est de davantage taxer l’épargne, une fois encore la France est déjà un champion olympique. Le seuil de consentement à l’impôt est atteint, le franchir serait contreproductif. Au fond, toute réforme ne peut avoir qu’un seul objectif : rendre la fiscalité plus équitable et plus favorable à la compétitivité.


Que pourrait-on faire, alors ?


Des économies ! Cela pourrait passer par exemple par la suppression d’une partie des niches fiscales, en France, ce qui redonnerait des recettes supplémentaires en limitant les dépenses de l’Etat puisque les niches sont, formellement, considérées comme des dépenses publiques. Les 465 niches fiscales représentent un coût cumulé de plus de 90 milliards d’euros c’est-à-dire un quart des recettes fiscales de l’Etat. Or plusieurs de ces dispositifs fiscaux de soutien à certains secteurs économiques n’ont pas démontré leur efficacité. La Cour des comptes dénonce régulièrement l’absence de pilotage de ces mécanismes de faveur. Mais elle n'est ni écoutée, ni entendue.

Le problème de l’Etat n’est pas un problème de recettes mais un problème de dépenses : nous sommes dans un système ou l’impôt est considéré d’abord et avant tout comme devant être redistributif alors que son but premier devrait revenir à celui qui lui a été historiquement assigné : financer la prise en charge des dépenses régaliennes. N’oublions pas que la dette actuelle de la France dépasse la barre des 3000 milliards d’euros et que cette créance est détenue à plus de 52 % par des investisseurs français au premier rang desquels, les épargnants, directement ou par le truchement de leur placement favori : l’assurance-vie. La trajectoire de la dette publique est inquiétante, elle devient dangereuse depuis les hausses successives des taux d’intérêt. Il est temps que l’Etat prenne des mesures drastiques de réduction du déficit public par le seul canal acceptable : une réduction des dépenses


Pourrait-on revoir aussi la fiscalité sur les transmissions ?


Deux constats : les droits de mutation à titre gratuit en France sont deux fois plus élevés que la moyenne des pays de l’OCDE. Et l’accroissement heureux de l’espérance de vie emporte comme conséquence que l’âge moyen des héritiers est aujourd’hui de 50 ans tandis qu’il était de 40 ans dans les années 80 et sera de 58 ans dans 25 ans. Or, depuis 2012, le barème des droits de succession est plus violent et l’abattement en deçà duquel il n’y a pas de taxation est figé à 100 000 euros tous les 15 ans. Il faut donc libérer les patrimoines conservés par nos parents afin qu’ils puissent transmettre à leurs enfants, petits-enfants voire arrière-petits-enfants. L’augmentation de l’abattement, de sa reconduction et de ses bénéficiaires permettrait de rééquilibrer les richesses de nos compatriotes en faveur des jeunes générations.

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