Les résultats des élections législatives ont plongé les marchés et les milieux patronaux dans une incertitude notable. Face à une Assemblée nationale fragmentée, les chefs d'entreprise se montrent à la fois inquiets et prudents, anticipant les répercussions économiques d'une telle situation.
La surprise des milieux patronaux a été marquée par la montée du Nouveau Front Populaire (NFP) au second tour des élections législatives, après une première percée du Rassemblement National (RN). Eric Chevée, vice-président de la CPME, résume bien l'état d'esprit : "On pensait le RN fort, mais il ne l'était pas tant que ça ; on nous a expliqué pendant trois semaines que le front républicain ne marchait pas et il a marché ; tout cela conduit à beaucoup, beaucoup d'humilité." Cette déclaration souligne la sidération et l'humilité face à l'ampleur de la participation électorale.
L'inquiétude principale réside dans le programme économique du NFP, particulièrement sur l'endettement de la France. La CPME et le Medef mettent en garde contre les effets récessifs potentiels des mesures proposées, comme l'augmentation du SMIC à 1600 euros, l'indexation des salaires sur l'inflation, et la hausse des impôts.
D’après Benjamin Melman, Global Chief Investment Officer chez Edmond de Rothschild Asset Management, la situation politique actuelle ne devrait pas provoquer de crise économico-financière à court terme. Toutefois, il souligne que la France est confrontée à une période d'instabilité où aucune solution claire n'émerge. Aucun des blocs politiques n'a de majorité et il est peu probable qu'une grande coalition puisse mettre en œuvre la politique d'austérité nécessaire pour respecter les engagements financiers du pays vis-à-vis de Bruxelles et des agences de notation.
Analyse similaire du côté de François Pascal, directeur de la gestion diversifiée chez Mandarine Gestion, lequel souligne que bien que les élections législatives françaises aient conduit à une majorité relative du NFP, un scénario de crise est écarté à court terme. Cependant, le gérant anticipe une légère augmentation des minima salariaux et des impôts, ainsi que des difficultés à réduire les déficits publics. Les perspectives à moyen terme pour les actions européennes restent cependant intéressantes estime-t-il, notamment en raison des valorisations relatives plus attractives par rapport aux actions américaines.
La pression commence cependant à monter du côté des agences de notation : Moody's a ainsi prévenu que l'abrogation de la réforme des retraites et une baisse de la volonté gouvernementale de faire des économies pourraient avoir un impact négatif sur la notation de la France. Actuellement notée Aa2 avec une perspective stable, l'agence avertit que cette perspective pourrait être abaissée à « négative » en fonction de l'impact des tractations politiques sur la trajectoire budgétaire ou de croissance. Au lendemain des élections, Standard&Poor’s avait adressé un message semblable.
Les prochains jours s’annoncent donc encore tendus.
Sources :
Leila De Comarmond et Nathalie Silbert. "Face au blocage à l'Assemblée, le patronat se montre à la fois inquiet et prudent." Les Echos, 8 juillet 2024.
Le Figaro avec AFP. "Dette : l'agence de notation Moody's met en garde contre une abrogation de la réforme des retraites." Le Figaro, le 09 juillet 2024.
Pascal, François. "Dans la gestion, se projeter à moyen terme implique de regarder au-delà des évènements politiques." Mandarine Gestion, le 09 juillet 2024.
Damourette, Marie. "Elections législatives : impacts patrimoniaux et fiscaux. La prudence et la patience sont de mise !" Neuflize OBC, le 09 juillet 2024.
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