L’Astuce

« Il est indispensable de se préoccuper de la question de l’épargne verte »

par | Juin 1, 2023 | Actualités, Entretiens

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On constate de plus en plus que les jeunes générations sont davantage portées vers l’investissement en bourse. C’est une excellente chose

Jean-François Boulier, président d'honneur de l'AF2I, membre du comité scientifique du Cercle des Epargnants

Livret vert pour les jeunes, « crédit d’impôt vert »… les pouvoirs publics fourmillent d’idée pour financer le développement durable. N’en fait-on pas trop, au risque de créer de la confusion ? 

Il est indispensable de se préoccuper de la question de l’épargne verte car les besoins en matière de financement de la transition énergétique sont colossaux. Le rapport « Les incidences économiques de l’action pour le climat », publié récemment par l’économiste Jean Pisani-Ferry évoque le chiffre de 66 milliards d’euros de besoins de financements par an mais j’ai vu circuler d’autres estimations beaucoup plus élevées. Quels que soient les montants rééls, notre Etat impécunieux ne peut y faire face seul. Il a même besoin d’une partie des fonds d’épargne pour faire face à ses propres besoins. Difficile pour lui d’inciter au financement de la transition énergétique par de nouveaux crédit d’impot qu’il n’a plus vraiment les moyens de mettre en place. Il faut donc essayer de trouver collectivement la meilleure façon de mobiliser cette épargne de façon efficace sans pour autant assécher les autres canaux traditionnels d’épargne, dont l’Etat a besoin lui aussi. Nous sommes au début de la réflexion, il faudrait faire un véritable plan Marshall !

La France est-elle si en retard que cela en matière de financement vert ?

Les institutionnels français sont clairement en avance sur les aspects climats, ce que l’on appellerait le « E » de l’acronyme ESG. En revanche sur les sujets sociaux et gouvernementaux (les S et G) nous sommes parfois en retard. Contrairement aux apparences la France a beau avoir des penchants sociaux très développés nous restons derrière plusieurs autres pays nord européens dans ce domaine et notre pays a des marges de progrès à faire en matière de gouvernance.

L’avance prise dans l’environnement date de la préparation des accords de Paris. Du côté des investissements institutionnels le tournant date de 2015 environ, moment où cette pratique de l’investissement responsable est devenue majoritaire chez les institutionnels.

S’agissant des particuliers, en revanche, la tendance est moins nette. Les travaux de recherche publiés sur le sujet montrent une plus grande diversité d’approche. Ils révèlent un appétit pour des thèmes « verts », comme l’eau, plutôt que pour des mesures de réduction de CO2 : les particuliers préfèrent, semble-t-il,  investir sur des sujets concrets dont ils comprennent la nécessité dans leur vie de tous les jours. Par ailleurs, d’autres travaux montrent également une forme d’antagonisme chez les épargnants entre compétence financière et appétit pour l’épargne verte.

On note un enthousiasme plus grand pour les questions « vertes » chez ceux qui ont moins de connaissance financière

C’est très marquant chez les jeunes notamment : on note un enthousiasme plus grand pour les questions « vertes » chez ceux qui ont moins de connaissance financière. Ceux qui ont plus de connaissance semblent en revanche plus sceptiques. Comme s’ils doutaient qu’investissement responsable pouvait s’accompagner de rentabilité.

Le financement des déficits de retraite et de la transition verte sont-ils compatibles ? 

Totalement. Mettre des objectifs de long terme (financement de la retraite) face à des besoins de long terme (financement de la transition énergétique) serait même le plus efficace, si on arrivait à bien lier ces deux thèmes.

Plus généralement, dans ce contexte de forte hausse des taux que pensez-vous du comportement des épargnants français ?

On ne sent pas de panique chez les épargnants dans le contexte actuel. Il y aura probablement un effet retard car ne nous leurrons pas une forte inflation n’est pas bonne pour les épargnants. Mais pour le moment cela se passe plutôt bien. Est-ce dû au fait que les marchés actions offrent de bonnes performances pour le contexte, donnant l’impression que la tendance est globalement positive ?

Quelles sont les grandes tendances de l’épargne selon vous ? 

On constate de plus en plus que les jeunes générations sont davantage portées vers l’investissement en bourse. C’est une excellente chose car quand on investit sur le long terme en actions on est beaucoup plus gagnant et moins sensible à la volatilité.

On ne sent pas de panique chez les épargnants dans le contexte actuel

Ensuite, pour en revenir à la question de l’épargne verte on perçoit très bien que l’épargne responsable est clairement une tendance lourde et il faut s’attendre à une multiplication de produits innovants sur ce thème dans les prochaines années. Enfin, au plan des technologies, autant je suis dubitatif sur l’intérêt des cryptomonnaies comme produit d’épargne, autant je crois que nous aurons beaucoup de changements provoqués par la technologie blockchain qui va faciliter les échanges, qui seront encore plus désintermédiés et donc in fine limiter les frais de gestion. L’épargnant en profitera, même indirectement.

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