Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’épargne réglementée ! La Cour des Comptes vient de publier un rapport de synthèse sur l’évolution de l’épargne réglementée entre 2016 et 2021 expliquant non seulement son fonctionnement mais aussi ses enjeux, dans un climat incertain pour les taux d’intérêt et d’inflation à long terme.
Le rapport démarre par un rappel toujours utile : « L’épargne réglementée occupe une place particulière dans l’épargne des ménages français depuis le XIX e siècle. Avec un encours global de près de 834 Md€, soit 14% de l’épargne financière des ménages, elle constitue l’un des éléments principaux de la stratégie d’épargne de la quasi-totalité d’entre eux, notamment du fait de son rôle de précaution, et contribue, par le processus de transformation bancaire, au financement du logement social et d’autres secteurs de l’économie ».
L’un des objectifs des magistrats de la rue Cambon est d’étudier comment il est possible, dans le contexte actuel, de faire évoluer l’épargne réglementée et ses usages. « Ces évolutions doivent être conduites avec prudence pour ne pas mettre en péril le financement de certaines politiques publiques, ni remettre en cause la confiance que les épargnants accordent à ces produits, expliquent-ils. Sans bouleverser des équilibres subtils ni léser les épargnants confrontés par ailleurs à une dégradation de la rémunération réelle de leur épargne, il paraît opportun d’envisager des adaptations qui permettraient de redonner des perspectives et de sortir de situations figées et sources de rentes ».
D’abord dans le viseur : le Livret A
Alors que l’épargne réglementée se concentre de plus en plus sur les catégories de ménages les plus aisés et les plus âgés, le doublement du plafond du livret A a accentué le phénomène, la « sur collecte » de 2020-2021 ayant concerné les déciles les plus élevés (en termes de revenu et de patrimoine) de la population française. Ainsi, l’accumulation des sommes aux plafonds sur les deux livrets contribue à alourdir la dépense fiscale qui est, de fait, concentrée sur les encours de livrets les plus élevés.
Sans se mouiller particulièrement, la Cour des Comptes envisage plusieurs solutions, telles que la fusion du Livret A et du LDDS, ou alors la mise en place d’un plafonnement global incluant les deux livrets. Mais « les sommes rendues ainsi disponibles seraient replacées par les épargnants sur d’autres produits, probablement l’assurance vie pour la majorité, entraînant des flux massifs qui ne seraient pas nécessairement souhaités par les compagnies d’assurance dans le contexte actuel ».
Se pose enfin la possibilité de revoir la fiscalité de l’épargne réglementée. Néanmoins, au terme d’une longue analyse figurant dans le rapport, la Cour estime que « l’élément fiscal ne peut donc être considéré comme déterminant pour l’épargne réglementée et il est probable qu’une fiscalisation des intérêts des livrets d’épargne réglementée aurait un coût politique non négligeable pour un espoir très mince voire nul de réallocation de l’épargne concernée au profit de produits plus risqués ».
La rémunération du Plan épargne Logement sur la sellette
En revanche, s’agissant de l’épargne logement, le rapport est beaucoup plus insistant. Il s’agit, selon la Cour, de « redonner un sens à l’épargne-logement », le système ayant été « en partie dévoyé ». L’analyse se penche notamment sur les plan-épargne logement (PEL) : « l’épargne -logement connaît depuis plusieurs années une diminution du nombre de livrets et du taux de détention dans la population française (22% en 2016, 19% en 2020), mais une progression toujours rapide de ses encours, essentiellement parce que les intérêt servis peuvent être capitalisés, au-delà même du plafond. Le nombre d’ouvertures est, depuis 2017, inférieur au nombre de clôtures »
Surtout, l’épargne-logement contribue de moins en moins à sa vocation initiale de financement des projets immobiliers des ménages. Entre 2016 et 2020, le flux de nouveaux prêts, déjà faible en 2016, s’est fortement réduit pour conduire à une production quasi-nulle.
Le PEL s’est ainsi détourné de l’objectif historique d’accession à la propriété pour devenir un produit d’épargne de long terme. Autrement dit, « pour les banques, l’épargne-logement est devenue une ressource dont elles ne se servent plus directement pour financer le logement et qu’elles replacent à la BCE moyennant une rémunération très inférieure à ce que la ressource leur coûte. Pour les ménages, c’est un placement financier s’apparentant, pour les PEL anciens, à une véritable rente, au bénéfice notamment de détenteurs âgés détenant des encours élevés. » Dans ces conditions, il faut engager une réflexion entre acteurs bancaires et pouvoirs publics estime la Cour des Comptes.
La réflexion devrait d’abord porter sur la rémunération : À fin décembre 2021, la Banque de France estime que le taux moyen (pondéré par les encours) des PEL ouverts avant 2011 est de 4,51 %, garantissant un rendement sans équivalent au regard du niveau de risque encouru.
Et partant de là, il faut réfléchir à la fiscalité. Là aussi, la cour des comptes cite la Banque de France pour qui « si les PEL ouverts avant 2021 étaient rémunérés au taux en vigueur pour les nouveaux PEL, soit 1 %, il en résulterait un gain de l’ordre de 3,9 Md€ en matière de ressources pour le financement de l’économie française ».