L’Astuce

Entretien avec Brice Teinturier, Dg Ipsos France

par | Mar 31, 2021 | Actualités, Entretiens

  • Twitter

Philippe Waecheter, Chef Economiste à Ostrum AM

Directeur Général Délégué Ipsos (France). Brice Teinturier est un expert reconnu des évolutions de l’opinion, tant dans la sphère politique et électorale que sociétale. Il intervient depuis plus de 20 ans auprès de dirigeants économiques et politiques pour les aider à mieux comprendre leurs enjeux d’opinion, gérer la réputation de leurs marques et leur propre réputation.

Diplômé de Sciences-po, d’un DEA d’études politiques et d’un DEA de philosophie, il est membre du jury du livre politique et du jury du livre économique et enseigne à l’école de la Communication de Sciences-Po.

Il exerce au sein d’Ipsos des missions de Direction générale et supervise directement les activités et le développement des services Line Public Affairs, Corporate Reputation, ERM, Observer, Advise ainsi que les problématiques d’accompagnement et de conseil de nombreux clients en amont et aval des études.

Brice Teinturier est l’auteur de nombreux articles notamment dans le Monde et L’Hémicycle ainsi que de nombreuses publications. En 2017, il obtient le Prix du Livre Politique pour son ouvrage « Plus rien à faire, plus rien à foutre – La vraie crise de la démocratie ».

« L’expérience de la vulnérabilité et de l’incertitude du lendemain vécue par les Français depuis un an modifie en partie leur rapport à l’épargne » » 

L’un des sujets majeurs de la période totalement atypique que nous vivons concerne l’épargne des Français. De ce point de vue, l’enquête annuelle d’Ipsos pour le Cercle des Epargants apporte de précieux enseignements sur notamment 5 points majeurs :

–              Tout d’abord, l’épargne et les sujets financiers intéressent 44% des Français, une proportion importante et en nombre croissant  (+ 2 par rapport à 2020, + 4 par rapport à 2019).

–              Ensuite et surtout, l’expérience de la vunérabilité et de l’incertitude du lendemain vécue par les Français depuis un an modifie en partie leur rapport à l’épargne. 37% estiment qu’il vaut mieux « mettre de côté et épargner au cas où, ou pour l’avenir » contre 40% qui penchent pour « dépenser et profiter du présent car on ne sait pas de quoi demain est fait ». Une attitude qui progresse légèrement (note moyenne de 5,1 contre 4,9), tandis que l’idée d’acquérir des produits d’épargne pour se constituer une épargne de précaution ne cesse de baisser (67% de citations en 2018, 55% aujourd’hui) même si elle reste la première raison invoquée.  Les fondamentaux du rapport à l’épargne en France sont cependant toujours là : la majorité des Français privilégie un placement qui rapporte peu mais peu risqué et une proportion quasi identique qui rapporte peu à terme mais qui est très liquide. L’incertitude de la période pousse donc toujours vers une aversion au risque mais également, une demande de disponibilité de son argent qui reste très forte. De même, les Français restent hostiles à toute taxation et optent beaucoup plus en faveur d’un placement qui « rapporte peu mais est très peu taxé pour les héritiers dans le cadre d’une succession » que l’inverse.

–              L’intervention de la BCE depuis le début de la crise du Covid 19 semble avoir dilué l’identification des autorités qui fixent le niveau des taux d’intérêt du livret A en France : en 2019 et 2020, 58% des Français déclaraient qu’il s’agissait des responsables et autorités politiques françaises contre 46% seulement aujourd’hui.

–              Les meilleurs produits d’épargne restent aux yeux des Français l’assurance vie (34% de citations), suivie des livrets A/LDP/LEP/ Livret jeunes (30%) mais on note la forte progression du PER tant en perception qu’en intention d’y souscrire

–              Le PER s’impose enfin devant l’assurance vie en leader comme meilleur produit pour la retraite : 32% de citations, + 7 par rapport à 2020. Même s’il gagnerait encore à être connu (48% seulement en ont une connaissance bonne ou vague), 78% de ceux qui possèdent un PERP, un PERCO ou un contrat Madelin ont l’intention de le transformer en PER et les Français qui déclarent le connaître y voient un produit attractif fiscalement, relativement souple et simple. La possibilité de récupérer son épargne en capital de façon anticipée dans certains cas de force majeure et le versement en cas de décés des sommes épargnées sous forme de capital ou de rente aux héritiers ainsi que la possibilité de choisir à l’âge de la retraitre pour un versement en capital, en rente ou un mixte des deux sont ses principaux atouts et confiment l’importance de la disponibilité de l’épargne aux yeux des Français. La dynamique du PER devrait donc se poursuivre.

 

 

Le baromètre du Cercle des épargnants est également constitué d’un bloc de questions autour de la retraite. Au-delà des permanences, comme la peur de manquer d’argent au moment de prendre sa retraite, toujours prégnante pour 82% des Français, et le fort sentiment des actifs que les retraités n’ont pas de ressources suffisantes pour vivre correctement, contaire à ce que déclarent les retraités eux-mêmes, deux évolutions importantes apparaissent :

 

–              L’inquiétude quand on pense à sa propre retraite baisse. Toujours majoritaire à 60%, elle est cependant en retrait de 4 points par rapport à 2020 et de 11 points par rapport à 2019, tandis que la confiance s’établit à 24%. Ce résultat, apparement paradoxal dans une période de fortes tensions sanitaires et économiques, est à mettre au compte d’une mise entre parenthèse, provisoire ou définitive, de la réforme des retraites qui elle, inquiétait fortement les Français.

–              Les Français sont cependant conscients qu’un problème de viabilité perdure. Mais s’ils restent plus que jamais hostiles à un recul de l’âge de départ en retraite, ils sont davantage favorables à une augmentation du montant des cotisations tout au long de la vie (48%, + 9 points) et au développement des fonds de pension (53%, + 11 points). Surtout, ils sont eux-mêmes pesonnellement prêts à augmenter le montant de leurs cotisations tout au long de leur vie (49%, + 8) ou à souscrire à un fond de pension (39%, + 4).

 

 

Au final, le baromètre du Cercle des Epargnants reste toujours un formidable et passionnant outil d’analyse et de suivi des attitudes et du comportement des Français en matière d’épargne, de produits financiers et de rapport à la retraite.

 

M