Laurence Boone, Cheffe Economiste à l’OCDE
Cheffe économiste de l’OCDE et Directrice du Département des Affaires économiques, Laurence Boone est Membre du Comité stratégique de l’Agence France Trésor, du Conseil stratégique SDA Bocconi et Professeur associé à Sciences-Po.
Auparavant, elle a été Chef économiste du groupe AXA – Directeur de la recherche AXA-IM – Membre du Management Board, AXA IM
Conseillère économique du Président de la République François Hollande à partir de juillet 2014, Chef du pôle Economie et Finances puis conseillère spéciale pour les affaires économiques et financières multilatérales et européennes, Sherpa.
Managing Director et Chef économiste Europe de BofA Merrill Lynch Global Research.
En 2004, elle a occupé les fonctions de Cheffe économiste à Barclays Capital France.
Laurence Boone a d’avord été économiste au département affaires économiques de l’OECD, chercheuse au Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII).
Titulaire d’un PhD d’Econométrie Appliquée de la London Business School
E.A. d’Analyse Quantitative et de Modélisation et d’un Master d’Economie de Paris X Nanterre, d’un Master d’Econométrie de Reading University, Laurence Boone a enseigné à l’Ecole Polytechnique, à l’ENSAE et l’Ecole Normale Supérieure de Cachan.
« Tous les pays doivent profiter du soutien existant à la demande et des besoins de reconversion pour mettre en œuvre les réformes structurelles. »
Le taux d’épargne a beaucoup crû dans les principaux pays européens, que voyez-vous comme conséquences et quelles opportunités / risques cela présente?
Le taux d’épargne a crû pour deux raisons: la réduction des opportunités de dépenser pendant la période de confinement (alors que dans le même temps les gouvernements ont soutenu les revenus) et la hausse de l’épargne de précaution des personnes inquiètes pour leur avenir, leur emploi.
La première raison représente plutôt une opportunité pour la reprise, comme nous avons déjà constaté pendant l’été: la croissance du troisième trimestre devrait être soutenue, notamment grâce à une consommation accumulée. C’est aussi une opportunité si les gouvernements arrivent à diriger cette consommation différée vers des secteurs plus verts, afin d’accélérer la transition vers une économie plus durable.
La deuxième raison, l’épargne de précaution, présente en revanche un risque pour la poursuite de la reprise. Les indicateurs de confiance des ménages restent bas et nous craignons que de nombreux licenciements et faillites d’entreprises cet hiver – quand les programmes de soutien des gouvernements atteindront leurs limites pour assurer la survie des secteurs les plus faibles – renforcent ce phénomène d’épargne de précaution. Il est donc capital que les gouvernements ne réduisent pas leurs programmes de soutien trop vite, mais aussi qu’ils encouragent la transition vers d’autres secteurs via des programmes de soutien à l’activité mieux ciblés, un assouplissement de certaines structures, afin de renforcer la confiance des ménages dans l’avenir.
Quelles perspectives économiques en Europe?
Après un fort rebond au troisième trimestre de cette année, tiré par le rattrapage de la consommation et de l’investissement, nous anticipons la poursuite de la reprise mais à un rythme plus modéré. En effet, l’épidémie est toujours là, mais la mise en place d’une vaccination large ne sera sans doute pas possible avant la fin de l’année prochaine. En conséquence, nous nous attendons à ce que de nombreux secteurs de services, comme le transport ou le tourisme, continuent à être durement affectés. Cela conduira à un niveau d’activité à la fin de 2021 inférieur à celui d’avant la crise : après une chute d’activité de près de 8% en 2020, la zone euro devrait croître de 5% en 2021 dans notre scénario central. En outre, les divergences de croissance risquent de s’accentuer entre pays européens selon la structure de leur économie.
Nos prévisions restent cependant très incertaines. Selon l’évolution de l’épidémie et des progrès pour la combattre, la croissance en 2021 pourrait être 2 points plus élevée ou 2-3 points plus basse, selon nos scénarios alternatifs. L’action des gouvernements et des banques centrales jouera aussi un rôle capital. Il sera essentiel de garder une politique macro-économique accommodante en Europe tant que la reprise ne sera pas bien installée.
Quels plans de relance vous paraissent les plus adaptés ?
La situation de chaque pays étant différente, il n’existe pas un modèle idéal, unique de plan de relance. Le soutien de l’activité à court terme doit concerner les ménages (comme les aides au chômage partiel et à la reconversion) comme les entreprises (comme les reports / baisses d’impôts ou les garanties, ou des injections de fonds propres sous certaines conditions). Au-delà du soutien à l’activité à court terme, les pays doivent saisir cette opportunité pour investir dans la transition énergétique. Au sein de la zone euro, une forte relance des pays qui en ont les moyens est aussi l’occasion d’aider indirectement ceux qui ont moins de marges de manœuvres en soutenant leurs exportations.
Tous les pays doivent aussi profiter du soutien existant à la demande et des besoins de reconversion pour mettre en œuvre les réformes structurelles permettant un ajustement plus facile de leur économie vers d’autres secteurs d’activité.
Enfin, il est important d’éviter une réduction trop rapide des plans de soutien une fois la reprise enclenchée car la croissance restera fragile pendant encore de nombreux mois. Cela veut dire qu’une politique de ciblage est nécessaire pour aider la réallocation du travail comme du capital des activités en retrait vers les secteurs en croissance.