Denis Ferrand, Dg de Rexecode
Docteur en économie de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble, Denis Ferrand a été enseignement-chercheur et a co nduit des études de terrain en Thaïlande et en Corée du Sud avant de rejoindre Rexecode en tant qu’économiste puis, directeur de la conjoncture.
Il est Directeur Général de Rexecode depuis décembre 2008 et assure le suivi conjoncturel et les perspectives pour la France.
Denis Ferrand est également chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut Gestion de Patrimoine de l’Université Paris-Dauphine et membre de la Commission « Economie, compétitivité et finance » du Medef.
Denis Ferrand est président de la Société d’économie politique depuis novembre 2016.
La remontée du risque sanitaire est là, le virus n’est pas endigué ou la consommation est tributaire du risque sanitaire. Très directement, les restaurants, les activités culturelles sont impactées.
Au quatrième trimestre, nous avions estimé que le seul effet du couvre-feu allait déjà peser sur ses branches pour un montant de l’ordre de 4 milliards d’euros (0,2 point de PIB annuel). Certes, la consommation de produits manufacturés a augmenté dès juillet mais après, elle a ralenti.
Le nouveau confinement met un coup d’arrêt au rebond de l’été. Ce rebond, qui a effacé 80% de la chute d’activité intervenue depuis le début de la crise, s’essoufflait déjà avec le retour en force de la Covid-19 et l’instauration du couvre-feu. En tenant compte de ce dernier et de la saisonnalité, un mois de reconfinement se traduirait par une perte d’activité de 25,5 mds € et un recul du PIB de 4,2% au 4e trimestre, et de 9,3% sur l’année 2020. Si ce reconfinement durait 2 mois, un coût de 60 mds € serait probable. La contraction du PIB serait alors de 10,8% au 4e trimestre et sur l’année 2020.
Ce reconfinement ne sera pas propice à un retour de l’épargne accumulée par les ménages dans le circuit de la dépense et s’il n’ y a pas plus de consommation, il n’y a pas plus de production. Celle-ci est en outre freinée par le fait que cette crise si particulière touche certains de nos points forts industriels comme l’aéronautique ou le luxe. On aboutit alors à la situation paradoxale dans laquelle, bien que la facture énergétique se soit allégée avec la baisse du prix du pétrole, le déficit extérieur se creuse. Il faut bien faire le distinguo: ce n’est pas une crise économique qui s’opère, c’est une crise sanitaire qui a un impact économique doublé d’une crise sociale.
Jusqu’alors, on connaissait le modèle de crises qui touchent l’industrie, ce secteur amplifie toujours les crises au gré de cycles manufacturiers et la croissance des activités de services était en comparaison plus inerte. Cette fois, outre l’aéronautique, ce sont les branches de services qui sont les plus durement affectées. Les domaines qui sont les principales victimes de cette crise représentent 9% de la valeur ajoutée du pays selon l’INSEE.
On se demande si les coiffeurs, les cafés vont surmonter l’épreuve en arrivant à joindre les deux bouts. C’est un secteur qui, d’une certaine manière, n’a jamais fait le test de la récession. Le problème, c’est que ce «crash test» est bien réel, ce n’est pas qu’un test! Les domaines qui sont les principales victimes de cette crise représentent 9% de la valeur ajoutée du pays selon l’INSEE. Les plans de relance qui ont été votés vont permettre de transformer l’économie mais il n’y a pas que l’économie qui change, l’épargne aussi.
On ne peut pas à proprement parler d’épargne. Durant le confinement, il s’est agi d’une épargne forcée, d’une épargne qui s’est accumulée du fait de l’impossibilité d’accéder à des espaces commerciaux et de dépenser un revenu qui a été plutôt préservé durant cette période. Il y a donc un taux d’épargne très élevé qui se traduit par un gonflement du stock d’épargne mais qui ne va pas se retrouver rapidement dans le circuit économique car l’incertitude sanitaire persiste, et alimente par ricochet les inquiétudes sur l’emploi. Il y avait déjà une préoccupation sur l’emploi mais elle portait sur le renouvellement de CDD et le chômage partiel, désormais ce sont les cadres aussi qui sont fragilisés, l’emploi sous toutes ses formes – Rexecode prévoit de fortes pertes : -710.000 emplois en 2020 puis encore – 60 000 en 2021. Dès lors, le taux d’épargne autour de 20% devrait rester élevé durablement et se porter principalement sur des supports sans risque tels que les livrets ou, même maintenus sur des dépôts à vue donc pas forcément vers l’assurance vie pour laquelle on observe plutôt des flux de décollecte. Mais au total, elle ne va guère financer l’activité productive ou se porter vers des supports portant du risque.
Le gouvernement a mis en place des réponses de nature uniforme avec les PGE pour soutenir les entreprises. Le problème est que les situations sont hétérogènes, certains perdent beaucoup alors on gagnerait à avoir des dispositifs ciblés. Une politique de soutien par types de publics nous semble désormais plus adaptée, que l’on parle des étudiants qui n’ont plus leur petit job mais pas le RSA non plus ou les indépendants sans filet de sécurité. L’identification des trous dans la raquette pour savoir qui a perdu et à qui on ne verse pas des subsides à fonds perdus devient cruciale, sinon une partie des aides s’évanouira dans le sable….
Au-delà de 2021, le rythme tendanciel de la croissance sera probablement affaibli par rapport aux tendances antérieures. Cela renforce la légitimité des mesures de soutien de la croissance potentielle déjà prises (baisse des cotisations sociales, réforme de la fiscalité du capital, lois travail) ainsi que l’orientation des mesures du PLF.
Le plan de relance stimulera la croissance française à hauteur de 1 point de PIB en 2021 et produira un effet durable à moyen-long terme, principalement grâce à la baisse des impôts de production. Rexecode table cependant désormais sur un recul du PIB de -10,66% en 2020 puis un rebond de 6,44% en 2021. Pour renforcer la relance, Rexecode recommande deux dispositifs disruptifs pour un véritable renforcement des fonds propres des entreprises. Les mesures visant à renforcer le financement des entreprises et à soutenir l’investissement paraissent en effet trop limitées dans leurs modalités et leur montant. Elles prévoient de garantir à hauteur de 2 milliards d’euros des prêts participatifs aux PME et aux ETI et de créer un label d’encouragement à des fonds d’investissements alternatifs. Nous proposons deux dispositifs susceptibles de mobiliser plusieurs dizaines de milliards d’euros supplémentaires : • De véritables prêts participatifs sans échéance fixée, garantis par l’Etat. Les remboursements seraient indexés sur les résultats futurs.• Un fonds de rendement à capital garanti afin d’ouvrir largement l’investissement dans les entreprises non cotées. L’épargne des ménages est abondante mais en quête de sécurité, alors que l’investissement productif est risqué. Le risque peut être diminué par la mutualisation dans des fonds, voire supprimé par une garantie de l’État sur la valeur des parts de ces fonds, garantie qui serait rémunérée. Le point clé est que le stock d’épargne accumulée pendant le confinement (environ 70 milliards d’euros) ne se réintroduira pas dans le circuit de la dépense avant quelques trimestres probablement.
La proposition précédente nous parait d’autant plus décisive qu’elle fait suite à la forte montée de l’endettement des entreprises avec le déploiement des PGE lors du confinement. Ce sont des réponses nouvelles en termes d’apport en capital frais qui sont à déployer dans les entreprises face à la remontée des périls économiques et financiers mais dans un contexte où l’appétit pour le risque de l’épargnant est très faible. La mise en place de fonds à capital garanti qui serait fléchés vers le renforcement des fonds propres des entreprises nous paraît à ces différents titres une piste à explorer.
Il me paraît important également d’éviter une dérive de la dette publique française préjudiciable à la croissance. Le choc de 2020 et 2021 conduira à une hausse de la dette publique de près de 20 points de PIB. La stabilisation du ratio à ce niveau peut déboucher sur un régime relativement stable si le taux d’intérêt reste durablement très bas et si le déficit primaire est ramené assez rapidement vers l’équilibre. Sinon, la dette publique pourrait amorcer une dérive difficilement soutenable, dommageable pour la croissance française et la stabilité de l’euro.
Vous êtes un acteur de l’investissement ISR, que représente la part des fonds socialement responsables chez Ecofi Investissements ?
Ecofi est une société de gestion engagée, avec le statut d’entreprise à mission. Ainsi, 100%* de notre gamme de fonds ouverts est gérée à travers notre processus ISR. Certains mandats et fonds dédiés sont également ISR. Nous gérons également des fonds solidaires à forte utilité sociale et/ou environnementale.
Comment cette approche est-elle déclinée? Quels sont les marqueurs de votre gestion ?
Ecofi Investissements a une approche engagée et exigeante de l’Investissement responsable.
Notre processus, IMPACT ISR, est appliqué en amont de l’analyse financière, et s’applique depuis janvier 2019 à 100%* de notre gamme de fonds.
Ce processus se décline en trois temps :
1/ D’abord, les exclusions sectorielles (armements controversés, tabac, jeux d’argent, l’extraction de charbon et la production d’énergie liée au charbon) et des paradis fiscaux.
2/ Puis la sélection des émetteurs les plus responsables au regard de leurs performances Environnementales, Sociales et de Gouvernance sur la base des données de Vigeo Eiris, avec la Méthode I-Score :
- surpondération des indicateurs de résultat dans la note ESG globale pour mesurer la performance réelle de l’entreprise – en opposition à son discours – dans une perspective de gestion des risques. Par exemple : les émissions de CO2 par Mwh par an ; les taux de fréquence et de gravité des accidents du travail dans la construction etc. ;
- surpondération de 4 critères à fort impact ESG à travers la Touche Ecofi : équilibre des pouvoirs ; relations responsables avec les clients et les fournisseurs ; responsabilité fiscale ; non-discrimination.
3/ Enfin la gestion des émetteurs controversés, en excluant ceux qui font face à des incidents majeurs (pollution, atteinte aux droits de l’Homme, environnement…).
Les controverses sont évaluées par Ecofi Investissements sur une échelle de 1 (controverse faible) à 5 (controverse importante), en fonction de leur impact et sur la base de 3 critères : la gravité, la fréquence et la réaction de l’entreprise. Ecofi Investissements retravaille les données fournies par Vigeo Eiris à travers sa propre méthodologie interne, qui considère que la réaction de l’entreprise est plus importante que la fréquence : notre méthodologie pénalise donc les sociétés qui ont été impliquées dans peu de controverses mais qui n’ont pas démontré de volonté de s’améliorer.