L’Astuce

Pour un nouveau système de retraite : l’ouvrage qui a présidé au projet réforme des retraites françaises

par | Sep 3, 2019 | Actualités

Un opuscule qui, il y a onze ans déjà, définissait la réforme aujourd’hui en débat
Dans les milieux économiques et politiques, Antoine Bozio est connu pour être l’inspirateur, puis le conseiller d’Emmanuel Macron pour dessiner les contours et le contenu du projet de réforme du système de retraite français. Onze ans auparavant, le discret ouvrage (3) (que les auteurs eux-mêmes qualifient d’ « opuscule ») posait tous les éléments du débat actuel. Un système unifié, par répartition, avec des comptes individuels et un équilibre notionnel (4). Et « offrant les mêmes droits et les mêmes règles à tous les travailleurs (public, privé, non-salariés) ».

Les principes fondateurs de la pensée des auteurs
En onze ans, la baisse des taux d’intérêt n’a pas démenti les auteurs : « l’objectif premier d’un système public et obligatoire de retraite par répartition est d’offrir des garanties que les marchés financiers ne peuvent pas offrir (5) ». L’épargne retraite reste indispensable pour s’assurer une retraite au-delà de ce que prévoit le système public. Comme beaucoup, les auteurs considèrent le système actuel comme peu lisible et peu adapté à la mobilité croissante des travailleurs.

Une inspiration affichée
Les auteurs affichent leur inspiration : le système de retraite suédois. Ce dernier « a l’avantage de mieux prendre en compte les carrières longues, et de s’adapter à l’allongement de l’espérance de vie ». Et de « permettre des retraites progressives, d’offrir des garanties solides à long terme sur la viabilité du système de retraite – et ce pour l’ensemble des générations, y compris les plus jeunes ». Les auteurs indiquent aussi que «  les comptes individuels sont globalement plus favorables aux carrières salariales modestes et aux petites retraites » (6).

Compte individuel ou système par points
L’un des aspects de la réforme envisagée en 2019 ne figurant pas dans l’ouvrage de 2008 est l’usage d’une accumulation de droits par des points. Le sujet est abordé dans l’opuscule (p.13) : « Le système de comptes individuels de cotisations est proche du concept de système par points ». Mais le système de comptes individuels « facilite la transparence de sa gestion à long terme ». On peut imaginer que l’usage de points a été retenu pour la réforme, car déjà utilisé par les régimes complémentaires obligatoires.

Une nécessaire et longue transition
Si MM. Bozio et Piketty n’ont pu prévoir les rebonds du processus de réforme (à ce jour loin d’être achevé), ils prévoyaient que le processus serait long. Leur anticipation (pertinente) concerne tant le débat que la mise en place du nouveau système, une fois adopté. Ainsi (p.59), « Outre les nombreuses années de débat et de concertation nécessaires avant son adoption, l’application de la réforme devra s’échelonner sur une période relativement longue ».

En conclusion, une vision précise et optimiste a prévalu à la rédaction de cet ouvrage qui, plus de dix après sa parution, retrouve une singulière actualité : « les difficultés liées à la transition entre l’ancien et le nouveau système sont réelles, mais surmontables, pourvu qu’existe une volonté politique de préserver l’avenir à long terme du système public par répartition ».
Qui, en 2019 dit ou pense le contraire ?

 

(1) Le Centre pour la Recherche Economique et ses Applications (CEPREMAP), fondé par l’économiste de la régulation Robert Boyer et désormais dirigé par le non moins célèbre Daniel Cohen.

(2) Economiste franco-genevois, normalien, professeur associé à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Antoine Bozio est le directeur de l’Institut des Politiques Publiques (un partenariat entre l’Ecole d’Economie de Paris (PSE) et le CREST  – un centre de recherche qui réunit la crème des écoles françaises de l’économie quantitative et de la statistique : ENSAE, ENSAI, Polytechnique).

(3) Mais pas confidentiel : en 2016 en paraissait déjà la 3ème édition.

(4) Cette notion est définie dans notre article du 15/07/2019, à l’occasion de l’interview exclusive du Président du Conseil d’Orientation des Retraites.

(5) Cette vision était aussi celle du Président Franklin D. Roosevelt quand il créa le Social Security, le plus grand régime de retraite du monde, universel, gouvernemental et par … répartition, Et ce, dès 1935.

(6) Précisons que l’Italie a aussi mis en place un système de comptes notionnels, que les auteurs mentionnent, en critiquant le manque de débat et de réflexion, dans le cas de la Péninsule (p.78).

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