La rupture
Ces générations qui, selon les auteurs, ne veulent pas vieillir et souhaitent garder le pouvoir. Elles possèdent l’essentiel du patrimoine, de la connaissance et de l’expérience et ont désormais du temps. Cela pourrait tourner au cauchemar et empêcher toute évolution. Les jeunes ne pourraient plus émerger et un conservatisme néfaste s’imposerait à l’ensemble de la société. Ce serait une première dans l’histoire de l’humanité. Selon les auteurs : «les jeunes seraient exclus et condamnés à nourrir les rentiers ».
La survie par l’harmonie entre générations
L’harmonie s’obtiendrait en renonçant à l’erreur de Faust, qui voulait rester jeune tout seul (entraînant tout de même la pauvre Marguerite). La « Société du Vieillissement harmonieuse » imposera à chacun une activité socialisée. Dominée par le « souci de soi », elle offrira des conditions de vie décente pour les seniors, en imposant une forme de contrainte altruiste. Selon les auteurs : « Le souci de soi favoriserait la longévité en retardant jusqu’à cinq ans l’âge d’entrée dans la dépendance et même prolonger l’espérance de vie en bonne santé ». Pour Jean-Hervé Lorenzi et ses co-auteurs, la « Société du Vieillissement est fragile ». Elle peut être « épanouissante ou harmonieuse » ou si l’on réduit fortement la place faite aux jeunes, « plonger toute la société dans une angoisse de mort ».
Au-delà de la réforme des retraites
Les trois économistes abordent le vieillissement comme un phénomène global et non en séparant par exemple, les retraites, la santé ou la concentration du patrimoine. Ils se penchent sur les systèmes de retraite existants en France et choisissent 20 critères pour les rapprocher. Ils estiment qu’il faut 15 ans pour aligner les retraites du seul secteur privé. Un régime ne peut être universel qu’en prenant en compte la pénibilité et les inégalités d’espérance de vie. Les régimes actuels sont classés en quatre catégories : commerçants, artisans et travailleurs agricoles, les salariés du privé, la fonction publique et les professions libérales.
L’altruisme, l’engagement comme gages de longévité
« Passer un tiers de sa vie à ne rien faire est absurde et suicidaire ». Le bénévolat, l’activité socialisée « ont des effets très marqués en termes de santé et de retard dans la perte d’autonomie ». Les retraités devraient être « systématiquement » engagés dans des associations, les besoins sont considérables : éducation, santé, social, environnement…. Tant la société que les individus seraient gagnants.
Leurs propositions : « une société d’activités continues permettant l’émergence de la prospérité et du bien-être à toutes les étapes de la vie ».
Les auteurs formulent cinq propositions :
1) la convergence des retraites et une épargne collective financée par 2 à 3% de tous les revenus. Maintenir un pouvoir d’achat évolutif des retraites ;
2) favoriser les activités socialisées des seniors, avec par exemple trois mois de formation gratuite à l’université et/ou des avantages pour les retraités bénévoles ;
3) favoriser la prévention des maladies chroniques, améliorer les conditions de travail et développer la culture du « souci de soi » ;
4 Prévenir la perte d’autonomie par une assurance obligatoire et investir dans le statut des aidants ;
5) favoriser la vente par les ménages de leurs biens immobiliers en en conservant l’usage à vie, pour pouvoir ainsi aider leurs enfants et petits-enfants.
Un projet d’avenir
L’ouvrage nous permet d’aborder la question du vieillissement sous plusieurs angles en mettant en avant le souci de solidarité entre les générations. Les auteurs nous conduisent à réagir et montrent leur réel souci de formuler des propositions concrètes. Formulant peut-être ainsi la version « 21ème siècle » du positivisme d’Auguste Comte. Ce dernier soutenait que la connaissance humaine devait se limiter à ce qui est scientifiquement constaté. Et qu’au « pourquoi ? », devait se substituer le « comment ». Ici aussi, d’une certaine manière, les auteurs cherchent surtout à proposer des solutions concrètes.
La sociologie aussi
Mais même positivistes, les économistes ont peut-être encore à apprendre de la sociologie. Qui, comme science humaine, observe. Beaucoup d’économistes vont un peu vite en matière de causalité et en viennent à dessiner un monde comme il devrait être. La thèse des auteurs n’est pas démentie, mais alors se relativise. Les plus riches de la planète c’est vrai, ne sont pas tous jeunes. : Warren Buffet par exemple, d’ailleurs toujours actif et curieux, George Soros qui fait de la lutte contre le passéisme et les dictatures son combat. On compte aussi des entrepreneurs assez récents comme Ellon Musk ou Jeff Bezos, pas vraiment sclérosés, voyant même au-delà de notre planète ! Bill Gates n’est pas jeune mais partage sa fortune.
N’oublions pas enfin les seniors dépourvus de capital financier, et des privilèges d’une bonne santé. Au-delà de l’image de la génération senior aisée et « accapareuse de richesses », il existe aussi une classe âgée qui relèverait plutôt de Pierre Bourdieu. Le sociologue écrivait : « la jeunesse n’est qu’un mot ». ll savait aussi que la vieillesse regroupait des situations très disparates, vivant sur chacun des bords de la « violence symbolique ». Même si le constat est juste d’une situation économique où les seniors, au global, sont plus riches que les actifs. Les seniors les moins pourvus de capital financier et/ou intellectuel peuvent avoir peur des jeunes et d’un monde où ils perdent leurs repères. Si l’âge est la plus aisée des mesures, il n’en reste pas moins un critère insuffisant pour saisir toute la réalité présente. Mais cela ne doit priver personne d’imaginer, avec brio comme en l’espèce, un avenir d’interaction intelligente entre les classes d’âge.
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