L’Astuce

L’âge pivot et ses enjeux

par | Avr 23, 2019 | Actualités

La DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, des Evaluations et des Statistiques du ministère des Solidarités et de la Sant) a émis en mars 2018 une note confidentielle, envisageant la possible instauration, d’un âge-pivot pour le départ en retraite. En voici, en résumé, les contours et les enjeux.

 

Qu’est-ce que l’âge-pivot ?

L’âge-pivot se distingue de l’âge légal de départ à la retraite. Ce dernier, en 2019, dans le régime général des salariés du secteur privé est de 62 ans. Pour une prestation à taux plein, il faut avoir cotisé au moins 167 trimestres ou 41 ans et 6 mois

L’âge pivot est celui où, pour une carrière pleine, le départ à la retraite en-deçà diminuera le montant de la pension (c’est la décote) et au-delà, l’augmentera (c’est la surcote).

 

Exemple

Pour un salarié du secteur privé âgé en 2019 de 62 ans (âge légal) ayant cotisé 167 trimestres (soit 41 ans et 6 mois = durée pour pension pleine)  :

  • sans l’âge-pivot, pension = 100% de la pension pleine.
  • si introduction d’un âge-pivot de 63 ans, pour la même durée de cotisation donnant droit à la pension pleine :
    • la pension versée à 62 ans (âge légal, mais un an avant âge pivot) = 90% du taux plein, donc décote de 10% ;
    • la pension versée à 63 ans (âge légal + 1an = âge-pivot) = 100% du taux plein, âge pivot = césure entre décote et surcote) ;
    • la pension versée à 64 ans (âge légal + 2 ans = âge-pivot + 1an) = 110% du taux plein, donc surcote de 10%.

(La loi de 2003 dite « Loi Fillon » a instauré un système de décote et de surcote mais pour les départs à la retraite sans carrière pleine. Le but est d’inciter un départ au moins à l’âge légal et la convergence, dans une certaine mesure, des régimes du secteur public et du privé. La CNAV, reprise par le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) en mars 2019 observe que le nombre de  » surcoteurs  » du Régime Général a bondi de moins de 10 000 en 2004 à 80 000 en 2016. Les  » surcoteurs  » sont surtout des hommes, alors que les  » décoteurs  » sont d’abord des  » décoteuses »)

 

Les enjeux

Pourquoi l’âge-pivot revient dans le débat : d’une part, pour renforcer la situation financière du régime, dans l’hypothèse d’une disparition du décompte des annuités. D’autre part, il permettrait, sans modifier l’âge légal de départ à taux plein, d’inciter les cotisants à retarder leur départ à la retraite (sous peine de décote). Qui prend sa retraite au-delà de l’âge-pivot reçoit une pension augmentée (surcote). Sur le plan économique, l’âge-pivot – en retardant la liquidation des droits – réduit les dépenses du régime considéré, en augmentant les cotisations (si les cotisants proches de l’âge-pivot continuent de contribuer). En principe, la surcote n’est pas une charge supplémentaire pour le régime car elle suppose un bénéfice du service retardé de la pension compensant le coût additionnel pour départ tardif.

 

L’âge-pivot existe depuis le 1er janvier 2019 dans les régimes complémentaires du secteur privé AGIRC et ARRCO, en vertu de l’accord du 30/10 2015, instaurant l’unification de ces régimes. Nommée « coefficient de solidarité », la décote vise à retarder les départs à taux plein, diminuant la pension de 10% pour une durée limitée à 3 ans, pour un départ avant 67 ans. Et s’annule pour qui retarde son départ d’un an. Pour un retard de deux ans s’applique au contraire une surcote de 10%, de 20% pour trois ans et de 30% pour quatre ans. Pendant une telle période, les salariés qui prolongent leur activité, augmentent en outre leurs droits à la retraite et peuvent bénéficier aussi d’une surcote dans le Régime Général des salariés du secteur privé (CNAV).

 

Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, travaillant au consensus avec les partenaires sociaux, a indiqué que la note confidentielle de la DREES de mars 2018 n’est qu’une hypothèse parmi d’autres. Le Haut-Commissaire souhaite d’abord conserver l’âge légal à 62 ans. En cas d’instauration d’un âge-pivot, il ne souhaite que la seule surcote. Chez les partenaires sociaux, le MEDEF rejoint la DREES, privilégiant l’instauration d’un âge-pivot pour l’équilibre des régimes. Son Président évoque même la nécessité de reporter l’âge légal à 64 ans. Les syndicats, pour la plupart, ne sont guère favorables au système de l’âge-pivot pour le Régime Général : ils y voient une augmentation déguisée de l’âge légal.

 

M