Durant de nombreuses années les pensions de retraite étaient indexées sur le niveau de l’inflation. C’est-à-dire que chaque année, le montant des pensions augmentait au même rythme que la hausse des prix. Le mécanisme permettait d’assurer aux pensionnés un maintien de leur niveau de ressources. Cette revalorisation constituait au minimum une protection contre les effets de l’inflation, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle permettait de garantir le niveau de vie (hausse de la fiscalité, etc…). Sous le précédent quinquennat, le Gouvernement a décidé dans le cadre d’un plan gouvernemental d’économies de geler la hausse des pensions (2014-2015-2016). Sur cette période, l’inflation étant quasiment nulle, les retraités n’ont pas subi de pertes importantes et les économies réalisées ont été faibles.
Au début de ce nouveau quinquennat, le Gouvernement a proposé dans ses premières lois de financement de la sécurité sociale, de mettre en place une « modération » de la progression des dépenses sociales. L’idée était dans un premier temps de revaloriser les allocations, et les pensions de retraite, de manière fixe et prédéterminée de 0,3% par an, sans prendre en compte les niveaux d’inflation escomptés ou constatés. Cette décision marquait la fin de l’indexation des retraites sur l’inflation, elle venait rompre avec les règles et mécanismes jusqu’ici appliqués, dans le but de réaliser des économies.
Avec une inflation qui avoisine les 1,6% en 2018, si les économies escomptées par l’exécutif sont plus importantes, de l’ordre de 3,2 milliards d’euros, la perte de pouvoir d’achat est aussi plus lourde pour les retraités que lors des années d’inflation quasi nulle. En parallèle, il faut rappeler que le climat social s’est particulièrement tendu. Avec la crise des Gilets Jaunes, le Gouvernement a dû revoir ses ambitions, notamment en ce qui concerne les retraités, puisque le Président a déjà décidé de revenir partiellement sur la hausse de la Contribution Sociale Généralisée. De plus, dans le cadre du grand débat national et de ses propositions, le Secrétaire Général de la République en Marche vient de formuler une nouvelle proposition relative au mode de revalorisation des retraites. L’idée serait de ne plus désindexer les retraites de l’inflation…. pour les plus modestes. Deux taux de revalorisation seraient alors appliqués autour d’un seuil de revenus, il est question de 1.200 euros par mois. Il s’agit du niveau de revenus qui divise à peu près les retraités en deux catégories à peu près égales en nombre, 7 millions de personnes se trouvant en dessous.
Il ne s’agit donc pas d’une réindexation des retraites, mais c’est plutôt une réindexation partielle qui est envisagée. La proposition appelle plusieurs questions, tout d’abord le conseil constitutionnel qui a déjà censuré la sous indexation des retraites (pour 2020) pour des raisons de forme mais qui pourrait être de nouveau saisi au nom du principe d’égalité devant les charges publiques comme ce fut le cas pour la Contribution Sociale Généralisée. Autre aspect, budgétaire, la pérennité financière du système de retraite est toujours sous la pression du vieillissement de la population. Gérald Darmanin, Ministre des Comptes Publics a déjà fait savoir qu’il ne fermait pas la porte à une telle mesure, mais il pose une condition, celle de « trouver des économies ailleurs ».
La désindexation des retraites reste un sujet particulièrement épineux à la confluence de la rationalité économique, de l’équilibre des finances publiques et de la justice sociale. Cette tendance néanmoins devrait renforcer la prise de conscience des nouvelles générations de la nécessité de constituer un second pilier de retraite.