L’institut de sondage Ipsos a réalisé pour le compte de la Banque ING une étude1 internationale consacrée à la préparation financière de la retraite. L’enquête a été réalisée entre octobre et novembre 2018, elle concerne 15 pays : les principaux pays d’Europe, les Etats-Unis et l’Australie. L’intérêt d’une telle enquête est de pouvoir sortir de la vision franco-française des retraites et de comparer les situations et les habitudes des ménages des différents pays observés. Nous vous en restitutions les principaux enseignements.
61% des Européens, 62% des Américains et 59% des Australiens sondés expriment la même inquiétude ils craignent de manquer d’argent à la retraite. Dans le détail, la moyenne européenne enregistrée est délimitée d’un côté par l’optimisme hollandais (40%) et le pessimisme espagnol d’un autre (69%). En ce qui concerne les seuls Français, le niveau est supérieur à la moyenne européenne (67%), ce qui fait de la France la nation la plus pessimiste après l’Espagne. Autre particularité mise en avant par l’enquête, les femmes sont plus inquiètes (66%) que les hommes (56%), ce qui peut s’expliquer entre autre par les différences de rémunération au cours de la vie active et des systèmes de retraite qui ne disposent pas toujours d’un mécanisme de pensions de réversion comme c’est le cas en France. Une fois à la retraite, un européen sur deux pense que son niveau de vie a diminué. Les actifs européens semblent avoir intégré cette donnée puisqu’ils sont 54% à penser qu’ils devront trouver une source de revenus supplémentaire pour compenser cette perte.
Si l’épargne apparaît abondante dans ces pays développés – plus de 4.000 milliards d’euros en France notamment – à peu près un européen sur quatre (27%) déclare ne détenir aucune épargne. Un tiers de la population n’aurait donc pas « mis de l’argent de côté » pour l’avenir. Un constat qu’on pourrait rapprocher de la perception de l’accroissement des inégalités. En réalité, il est presque normal que l’épargne, qui suit le cycle de vie, ne soit pas également répartie et « distribuée » entre les différentes catégories, d’âges notamment. Les publics les plus jeunes qui sont en étude, ou au début de leur carrière professionnelle, doivent faire face à des dépenses qui monopolisent l’ensemble de leurs revenus. Par ailleurs, la hausse du coût de l’immobilier (zones urbaines) pénalise les jeunes ménages qui doivent différer la constitution d’une épargne, faute de ressources mobilisables. C’est ce que souligne le sondage, 66% des européens qui n’ont pas d’épargne le justifient par un manque de revenus. 51% des européens reconnaissent être souvent à court d’argent avant le versement de leur paye. Au final, dans des sociétés où l’espérance de vie a progressé, l’épargne se concentre dans les catégories de population les plus âgées. L’épargne française est majoritairement détenue (60% du stock) par les aînés (plus de 60 ans), ce qui apparaît disproportionné au regard de leur poids relatif dans la société.
L’enquête illustre également que même pour les ménages détenant une épargne, son montant est considéré comme insuffisant. 42% des européens concernés ont une épargne qui ne dépasse pas les trois mois de salaire net. Là où il est traditionnellement recommandé de détenir entre trois et six mois de salaire net dans le cadre d’une épargne de précaution. Il apparaît indispensable de repenser, et favoriser, le développement d’une épargne de long terme. Autre idée, un report de l’âge de départ en retraite permettrait la poursuite d’une activité professionnelle, donc l’accumulation de revenus et la constitution d’une épargne. Selon l’enquête, les Français pensent partir en retraite à 63,1 ans, ce qui est proche de la réponse européenne 63,4 ans, mais encore éloigné de l’âge de départ moyen à la retraite des pays de l’OCDE qui avoisine les 66 ans. Cette logique a toutefois une limite, celle du maintien en bonne santé et en emploi des individus, ce qui demande une adaptation des missions professionnelles à la personne (formation, prise en compte de la pénibilité, etc…).
Cette épargne nécessaire à la période de retraite, sans cesse retardée dans sa constitution du fait du décalage dans le temps des grandes étapes du cycle de vie, pourrait être rattrapée dans les dernières années d’activité. Par ailleurs, une telle initiative aurait pour effet de réduire les prestations de retraite versées et donc de soulager le système de retraite.
1/. https://think.ing.com/reports/saving-woes-stretch-retirement-outlook/