Dans le système de retraite français, il existe un dispositif appelé « pension de réversion ». Il s‘agit de reverser à un individu une partie de la retraite dont bénéficiait son conjoint à son décès, sous réserve de conditions qui différent selon les régimes. La future réforme des retraites qui vise notamment à fusionner les différents régimes de retraite et règles y afférant, pose donc la question de l’évolution de ce mécanisme. L’évolution des modes de vie invite également à repenser le dispositif.
Les pensions de réversion concernent aujourd’hui 4,4 millions de bénéficiaires (fin 2017), très majoritairement des femmes (89%), qui ont une espérance de vie plus longue et des revenus plus faibles (conditions de ressources) que les hommes. Avec 33,8 milliards d’euros de réversion, le dispositif pèse 11% de la masse totale des pensions versées, ce qui n’est pas neutre dans un système dont la pérennité financière n’est plus assurée. De nombreux observateurs y voient une source d’économies possibles qui vont de l’harmonisation des systèmes à la suppression pure et simple. La simple évocation de cette éventualité a déclenché un incendie médiatique. Le Président de la République était alors sorti de sa réserve à travers un tweet : « Mise au point sur les pensions de réversion : aucun bénéficiaire actuel ne verra sa pension de réversion diminuer ne serait-ce que d’un centime ». Désormais, Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire en charge de la réforme, représentant l’exécutif sur le sujet suit une ligne identique à la réforme des retraites dans son ensemble qui se résume à : pas de suppression, pas d’économies recherchées en première intention, mais une volonté d’harmonisation.
C’est là l’une des problématiques du dispositif : selon les différents régimes il existe une très grande hétérogénéité des règles d’attribution. La Cour des Comptes1 avait écrit sur le sujet qu’« elles créent ainsi des disparités sensibles entre des veuf(ve)s placé(e)s dans des situations comparables ». Ce qui est contradictoire avec la volonté présidentielle d’offrir les mêmes règles et mêmes droits aux assurés. Les conditions d’âge minimum oscillent généralement entre 50 et 65 ans, et la fonction publique ne fixe pas d’âge seuil. Le régime général fixe des conditions de ressources, la fonction publique ou les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO ne le font pas. Le taux de réversion diffère, il est en moyenne situé entre 50% et 60%. On comprend mieux le désir d’harmonisation et le besoin de réformer.
Pour le Conseil d’Orientation des Retraites qui a travaillé sur le sujet il existe plusieurs scénarios possibles : un premier où on prolonge le système et on supprime les différences ; un second où on restreint les droits constitués pendant la période de vie commune, un troisième où l’on bascule dans un dispositif de solidarité qui permettrait de ne plus faire supporter en partie le poids des pensions de réversion aux assurés non mariés, un quatrième qui partage les droits entre époux, un cinquième qui crée une assurance veuvage publique.
Le sujet étant particulièrement sensible, il apparaît difficile d’aller au-delà des scénarios de base. La Cour s’était justement déjà prêtée à quelques recommandations dans cet exercice d’harmonisation. Elle proposait alors d’introduire une condition d’âge dans tous les régimes, à 55 ans qui est celui du régime général (puis 57 ans), d’introduire des critères de ressources dans les régimes de la fonction publique et des régimes spéciaux. La Cour conseillait également de retenir une logique de prorata à la durée du mariage sur celle de la durée d’assurance et enfin de fixer des taux de réversion à 54%, celui du régime général. Ces propositions devront aussi tenir compte des évolutions de la société moderne dans l’organisation des ménages.
1/. Rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale 2015.