L’Astuce

Epargne : quand l’indice des prix remonte…

par | Jan 22, 2019 | Actualités

L’année 2018 a marqué une reprise de l’inflation. En France, elle devrait s’établir en moyenne à +1,8% sur l’année. Cette hausse des prix a de quoi réconforter la Banque Centrale Européenne (BCE) qui rappelons-le s’était fixée un objectif d’inflation à atteindre de 2%. La BCE a développé toute une série de mesures jugées non-conventionnelles, notamment le fameux quantitative easing, visant à éviter l’enclenchement d’une spirale déflationniste. La nouvelle devrait être moins bien accueillie par les épargnants.

En effet, l’inflation pénalise directement la performance réelle des produits d’épargne. Ainsi, alors que les rendements restent très faibles, la quasi-totalité des produits d’épargne ne protège plus l’épargnant des effets de l’inflation. Selon l’association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV), le gel du taux d’intérêt du Livret A à 0,75% aura fait perdre aux épargnants sur l’année 2018 une somme représentant 3,6 milliards d’euros d’intérêts. C’est-à-dire 3,6 milliards d’euros d’intérêts supplémentaires qui auraient été versés si le Livret A avait généré un taux d’intérêt égal à l’inflation. Comme le calcul de son taux le permettait par le passé. Les épargnants n’ont pas pour autant abandonné le Livret A. Entre janvier et novembre 2018, le Livret A a enregistré une collecte cumulée de 9,5 milliards d’euros. Les encours de Livret A (et Livret de Développement Durable et Solidaire, LDDS) sont importants puisqu’ils culminent désormais à 386,9 milliards d’euros (fin novembre 2018). 0,75% c’est mieux que 0%, mais pas pour tout le monde…

La durée de détention des Livrets, l’absence de produit alternatif offrant les avantages de la liquidité et la sécurité du placement, rendent les épargnants moins réactifs que des opérateurs de marchés, c’est évident. Mais cela ne va pas dire qu’ils sont totalement insensibles à ces changements. Et de fait, nous voyons émerger depuis quelques années un nouveau comportement : la hausse des dépôts à vue. Selon une étude réalisée par Kantar TNS pour le compte de BPCE, l’argent des Français dormant sur les comptes courants s’élevait à 390 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2018, un niveau en hausse de 130 milliards d’euros sur les cinq dernières années. Les Français laissent de manière régulière chaque année d’importantes liquidités supplémentaires sur leurs comptes, autour de 33 milliards d’euros pour 2018 et 2017. La baisse de la performance de l’épargne observée lors de cette période récente de baisse des taux a pu encourager la pratique. Si cette dernière n’était pas extrêmement pénalisante dans la mesure où l’inflation avait disparu (0% en 2015 ou n’avait progressé que de 0,2% en 2016), la hausse récente des prix, à savoir 1% en 2017 et 1,8% en 2018, change sensiblement la donne. Ces importants dépôts à vue condamnent l’épargnant à une perte sûre et relativement importante.

Plus que jamais, les ménages doivent donc se poser la question de la gestion de leur épargne. En 2018, ces derniers ont continué de privilégier l’assurance-vie : entre janvier et novembre 2018 la collecte nette représente 23,1 milliards d’euros, il s’agit d’une « bonne » année. Les encours d’assurance-vie atteignent désormais 1704 milliards d’euros soit plus de 40% du patrimoine financier des Français. Les dernières estimations réalisées par le cabinet Good Value for Money anticipent un rendement moyen pour 2018 des assurances-vie en fonds euros à 1,6%. A la lecture de ce chiffre on comprend aisément que l’assurance-vie traditionnelle réussit de moins en moins à protéger l’épargnant de l’inflation. Bien entendu, cette moyenne cache des écarts de rendements entre compagnies d’assurance et contrats parfois au sein d’une même compagnie. Par ailleurs, la part des unités de compte au sein des contrats d’assurance-vie a progressé ces dernières années. Entre janvier et novembre 2018, ce sont 36,6 milliards d’euros qui ont été versés sur les supports en unités de compte, soit 28 % des cotisations. Les unités de compte offrent des rendements variés, si bien qu’un grand nombre de contrats peuvent surperformer les 1,6% attendus pour les fonds euros.

Cette année, la baisse des prix du pétrole par rapport à l’an passé, pourrait limiter la progression de l’indice total des prix, par ailleurs tiré par d’autres facteurs. Comme nous l’avons déjà souligné précédemment, on ne peut attendre un ajustement rapide des contrats d’assurances-vie dans leur partie en euros. Car quand bien même les taux remonteraient, l’inertie antérieure liée à l’accumulation ces dernières années d’emprunts à très bas coupon, impliquerait un délai avant d’enregistrer une répercussion sur la performance. Par ailleurs, la correction récente des marchés et la plus forte volatilité observée ces dernières semaines sur les marchés financiers tend à limiter les possibilités de performance, du moins à court terme, pour les non-initiés. Encore une fois, la conjoncture pousse l’épargnant à repenser son épargne à long terme. La future loi Pacte, débattue au Sénat au premier semestre 2019, aura pour objet d’apporter les solutions et des produits d’épargne attendus aux ménages français, à savoir une « nouvelle » épargne retraite, plus flexible et plus dynamique, et une assurance-vie remaniée (eurocroissance) qui combinera performance et garantie dans un cadre temporel déterminé. Dans tous les cas, la publication des performances des contrats est certainement un moment opportun pour faire le point sur ses objectifs et ses horizons d’épargne et de placement, comme sur la nature et la répartition de ces derniers.

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