L’Astuce

Perspectives 2019 : entre euphorie et alarmisme, le retour à la raison

par | Jan 15, 2019 | Actualités

Même si l’on prévoyait un ralentissement, 2018 s’est avérée décevante. D’une part parce que la croissance sur laquelle on comptait – dans la foulée de 2017 – a été bien plus médiocre et plus dispersée qu’attendue ; d’autre part parce qu’elle fut chaotique, émaillée de tensions sociales et politiques.

Les incertitudes économiques croissantes, la montée des tensions politiques et commerciales qui ont émaillé l’année 2018, ont durement pesé sur les marchés financiers. L’année boursière 2018 s’est avérée la plus mauvaise depuis près de 10 ans pour pratiquement tous les pays du monde. Seule a varié l’ampleur du recul : ainsi la bourse américaine a relativement mieux résisté en 2018 (-7% pour le S&P 500 sur un an[1]), face aux marchés européens et japonais (entre -14% pour l’indice CAC40 et -19,7% pour le DAX allemand et -15,5% pour le Nikkei japonais[2]), ou encore au marché boursier chinois en recul de plus de 26% sur un an[3]. Les vents contraires qui se sont levés, ont attisé les inquiétudes des investisseurs, parfois même exagérées par des liquidations forcées de positions spéculatives en toute fin d’année.

S’agit-il d’un assainissement salutaire ou d’une correction plus durable ? Au-delà des soubresauts des marchés, examinons les fondamentaux économiques et politiques. L’activité économique s’est globalement ralentie. Cette inflexion devrait se poursuivre en 2019. Aux Etats-Unis, la remontée des taux d’intérêt de la Réserve Fédérale, aussi graduelle et limitée est-elle, a détourné les investisseurs de marchés risqués alors qu’ils voient le coût de l’argent augmenter. Le coup de fouet budgétaire de l’Administration Trump, au travers des baisses d’impôts décidées fin 2017, a porté les profits des entreprises en 2018. Ce soufflé est en train de retomber et les perspectives bénéficiaires des entreprises américaines sont désormais revues à la baisse. Aussi sur-gonflée soit-elle, l’Amérique ne peut contenir à elle seule le ralentissement de l’activité économique en Chine et en Europe. La montée des tensions commerciales sino-américaines, les sanctions douanières américaines infligées à ses partenaires commerciaux, font craindre un repli du commerce mondial, et ce quelle que soit l’issue des négociations en cours entre Washington et Pékin.

L’économie chinoise ralentit : les indicateurs de confiance des entreprises signalent même une contraction de l’activité. Les ménages se serrent la ceinture, les ventes automobiles ont reculé pour la première fois depuis 10 ans. La remise en ordre du système financier et le désendettement forcé des entreprises financières et administrations publiques locales, le reliquat des excès immobiliers, pèsent sur l’activité. De plus, la Chine aborde sa transformation industrielle sous la pression des oppositions extérieures face à sa politique commerciale expansionniste.

En Europe aussi, la croissance faiblit. L’automobile freine, le pouvoir d’achat des ménages a été obéré par la hausse des prix de l’essence. L’Allemagne affiche un repli de son activité à 1,5% en 2018, en deçà des prévisions initiales. La perspective d’une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union Européenne, commence à inquiéter les acteurs économiques de part et d’autre de la Manche. Les citoyens européens se rendront aux urnes en mai prochain, dans un contexte marqué par la montée des mouvements anti-européens et nationalistes, ce qui pourrait conduire à une redistribution des forces au sein du Parlement européen, jusqu’ici largement dominé par les alliances de centre-droit et de centre-gauche.

La France fait face à ses propres défis, dans un contexte intérieur extérieur moins porteur. L’agitation sociale qui perdure pèse sur la croissance du pays, ce que montre le recul des indices de confiances des entreprises et des ménages. Le gouvernement entend préserver son agenda de réformes notamment sur le système de chômage et de retraite, tout en l’intégrant dans le cadre d’un grand débat national du printemps. La perspective des élections européennes en mai cette année et des élections municipales l’an prochain, limite néanmoins une marge de manœuvre devenue très étroite.

En conclusion nous pouvons mettre en avant les points suivants :

  • Le ralentissement de l’activité économique globale en 2019 marque la fin d’un cycle de reprise de près de 10 ans, qui solde en quelque sorte la crise de 2008.
  • Cette tendance est conforme à l’ajustement de la croissance réelle à son rythme potentiel, après l’accélération de 2016-2017. Elle devrait donc se poursuivre.
  • Les investisseurs ajustent leurs prévisions de croissance bénéficiaire à cette nouvelle donne.
  • La baisse des prix de l’énergie, le maintien de l’emploi à un assez haut niveau, préservent en revanche le pouvoir d’achat des ménages.
  • Sur le plan politique, il semble bien qu’Etats-Unis et Chine aient à cœur de trouver un accord commercial.
  • Les entreprises continuent d’investir dans un contexte de transformation et d’innovation technologique en expansion.
  • Enfin, alors que le cycle monétaire se restreint, les politiques budgétaires sont un peu partout un peu moins restrictives.

Que peuvent retenir les épargnants de cette situation ?

Sur le plan conjoncturel, le repli des marchés boursiers peut offrir des opportunités d’investissement et des perspectives de rendements. Comme toujours, la sélection des valeurs et la mesure du risque que l’on peut supporter sont la clé d’un investissement durable.

En France, le projet de loi PACTE devrait venir compléter et renforcer les dispositifs visant à encourager l’épargne longue des ménages. Les principes qui sous-tendent la loi sont ceux de la flexibilité et de l’agilité : portabilité des contrats, abondement par l’employeur, choix des modalités de sortie des contrats. Les modalités fiscales et les contours de la loi restent à déterminer. Nous pensons que les dispositifs d’encouragement de l’épargne complémentaire de long terme doivent répondre à plusieurs conditions :

  • Etre plus lisibles et agiles afin d’encourager la constitution d’une épargne complémentaire plus tôt dans la vie active des personnes ;
  • Compléter les produits d’épargne existant, tels l’assurance-vie, qui conservent leur intérêt, notamment en matière de transmission.
  • Sanctuariser les modalités fiscales de cette épargne, afin d’assurer la lisibilité des contrats et leur intérêt sur longue période et permettre le déploiement et la diversification des produits d’investissement proposés.

Au-delà de la conjoncture immédiate, il ne faut pas perdre de vue les tendances longues de notre société qui sont marquées par le vieillissement et l’amenuisement de la population active, qui n’est plus compatible avec le seul système de retraite par répartition. Y adjoindre une part de retraite complémentaire, c’est dès à présent accepter d’être plus attentif à son épargne et plus tôt qu’auparavant.

[1] Evolution de l’indice boursier en devise locale, sur un an, au 7 janvier 2019

[2] Idem ci-dessus

[3] Idem ci-dessus

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