L’Astuce

Ménages français : recul de la détention de patrimoine

par | Déc 18, 2018 | Actualités, Non classé

L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) vient de présenter une note1 intitulée « Repli de la détention de patrimoine financier », qui détaille la composition et distribution du patrimoine des Français. Début 2018 les actifs financiers et immobiliers poursuivaient un cycle positif entamé il y a quelques années maintenant. L’épargne est abondante, et l’éclatement des bulles immobilières annoncées dans les grandes agglomérations notamment n’ont pas eu lieu. Le titre de cette étude qui laisse peu de place au doute, apparaît d’une certaine manière même contre-intuitive, qu’en est-il réellement ?

Début 2018, 92,9% des ménages détiennent un patrimoine, c’est-à-dire un patrimoine financier (88,3%), immobilier (61,7%) ou professionnel (14,8%). 12% des ménages possèdent même les trois à la fois. Les trois sous-catégories affichent un recul depuis 2015 : -1,8 point pour le patrimoine financier, -0,9 point pour l’immobilier et -0,2 point pour le professionnel. Le recul du patrimoine financier est le plus marqué, les produits d’épargne ont été impactés par les contextes réglementaires et économiques.

Les livrets sont toujours les produits les plus populaires auprès des Français, 83,4% des ménages en possèdent un. Ce succès résulte en partie du poids du Livret A qui bien qu’en recul est détenu par 72,8% des ménages, et 34,6% pour le Livret de Développement Durable et Solidaire dont les caractéristiques sont proches. Les livrets défiscalisés marquent le pas et affichent un recul de -2,3 points par rapport à 2015. Ce résultat s’explique par la baisse du rendement du Livret A observée depuis trois ans et qui a suscité de la décollecte. Il faut également prendre en compte les effets de la loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence qui a en quelque sorte poussé les institutions financières à toiletter leurs portefeuilles et vérifier que les détenteurs sont bien vivants ou au courant de la possession de livrets, entraînant la fermeture d’un grand nombre d’entre eux. Le Livret A génère désormais 0,75% d’intérêts, ce qui explique que les nouvelles générations soient moins tentées d’ouvrir un Livret A que leurs aînés (78,5% des moins de 40 ans, -3,6 points en trois ans), la performance peut être jugée peu attractive, ce dernier ne protégeant plus de l’inflation.

Si le Livret A est le produit d’épargne le plus populaire en nombre de livrets, l’assurance-vie est l’autre produit d’épargne de référence et culmine à plus de 1.700 milliards d’euros d’encours. 39% des ménages en possèdent au moins une. Il s’agit d’un chiffre en progression depuis 2004. Sur la seule période 2015-2018, ce sont 2,5 points supplémentaires, dans un contexte économique pourtant caractérisé par une baisse des taux. Cette croissance est tirée par la part des contrats dits multi-supports qui permettent aux assurés de placer leur épargne sur des produits en unités de compte (UC), qui, s’ils comportent davantage de risques permettent de générer davantage de performance. Ce sont désormais 11,4% des ménages qui en détiennent contre 9,3% en 2015.

Autre produit à bénéficier des dynamiques réglementaires et des modifications de taux : l’épargne logement est détenue par un ménage sur trois. Plus précisément, les Comptes Epargne Logement et surtout les Plans Epargne Logement (PEL), ont bénéficié d’un décalage dans le temps de leur baisse de taux, et d’un phénomène de report de flux d’épargne, si bien que la catégorie enregistre une hausse de détenteurs de +1,8 point depuis 2010, + 5 points pour le seul PEL.

Livrets, PEL, épargne réglementée et garantie semblent toujours autant plébiscités. La recherche de sécurité et l’aversion au risque des ménages demeurent. A l’opposé, la prise de risque est limitée et mesurée (assurance-vie dont une partie en UC) et la part de détenteurs de valeurs mobilières recule : 15,6% des ménages en 2018 contre 24,2% en 2004, la crise est passée entre temps (-4,9 points entre 2004 et 2010). Les actions semblent désormais réservées à une catégorie de la population dont l’éducation financière est plus importante, où les revenus et patrimoines (plus importants) permettent une prise de risque (cadres et professions libérales).

Bien que légèrement en recul, l’immobilier demeure au cœur de la stratégie patrimoniale des Français. 61,7% des ménages français sont propriétaires (résidence principale ou autre). Les propriétaires de leur résidence principale (57,8% des ménages) ont par ailleurs pu développer également une épargne (93,3%), ce qui s’explique par le cycle de vie. Les actifs travaillent et se constituent une épargne pour financer leur résidence principale, une fois l’acquisition réalisée ils peuvent dégager dans leur revenu de quoi se constituer une épargne. Ce qui explique – en partie – qu’en France, les personnes âgées de plus de soixante ans détiennent à peu près 60% du patrimoine immobilier et 60% du patrimoine financier.

Le rapport de l’Insee confirme donc que l’épargne de précaution si elle est nécessaire, ne peut constituer le seul socle d’une épargne de long terme. L’investissement immobilier reste une donnée fondamentale de la constitution d’un patrimoine en France. La hausse des prix dans les grandes agglomérations, malgré la baisse des taux d’intérêt ces dernières années, limite la capacité d’acquisition pour les primo-accédants, notamment les plus jeunes.

 

1/. https://www.insee.fr/fr/statistiques/3658937

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