Le 28 novembre dernier se tenait à Paris les 28èmes rencontres de l’épargne. L’événement qui réunissait les professionnels du secteur se divisait en trois sessions et thématiques : « Construire une épargne au service de l’économie », « Etat des lieux de la fiscalité de l’épargne » et « Donner du sens à son épargne ». Valérie Plagnol, Présidente du Cercle des Épargnants, était invitée à s’exprimer lors du débat portant sur la fiscalité, dans une table ronde présidée par Charles de Courson, député de la Marne et Vice-Président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale.
L’exécutif ambitionne à la fois de permettre aux Français de renforcer leur stratégie d’épargne et de contribuer plus massivement au financement de l’économie en orientant l’épargne des Français vers cet objectif. La fiscalité est un critère entrant au cœur de la stratégie d’épargne des ménages au même titre que la garantie du capital et de la liquidité, parfois même avant le rendement. Le gouvernement a donc pris, notamment lors de la dernière loi de finance, une série de mesures fiscales visant à déclencher ce mouvement. Ainsi, à travers la mise en application depuis le 1er janvier 2018 d’un Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), souvent résumé en une « Flat Tax » à 30%, l’exécutif a globalement harmonisé et allégé la fiscalité sur les revenus du capital (dividendes, intérêts et plus-values sur les valeurs mobilières). Dans le même temps, l’application de la « flat tax » à 30% sur l’assurance-vie a induit un relèvement de 1% de la fiscalité des contrats au-delà de 150 000 euros. Ces mesures n’ont pas pour le moment suffit à infléchir les préférences des Français.
Sur les 10 premiers mois de l’année 2018, l’assurance-vie, placement préféré des Français, a engrangé l’importante somme de 20,4 milliards d’euros de collecte nette. Le Livret A se porte bien lui aussi puisqu’il a collecté 8,9 milliards d’euros sur les 9 premiers mois de l’année, même si il a, le mois dernier, subi une importante décollecte. La performance reste plus que satisfaisante pour un produit qui génère 0,75% d’intérêts, ce qui se situe nettement en dessous du niveau d’inflation. Ces résultats ne nous surprennent pas pour plusieurs raisons : il est difficile de modifier les comportements d’épargne à court et moyen terme ; la simplification ou redéfinition de la fiscalité est incomplète, à savoir que l’épargne réglementée reste exemptée, les mesures concernant l’épargne retraite et salariale présentes dans la loi PACTE ne sont pas encore votées.
Le développement de l’épargne retraite et salariale est la seconde ambition de l’exécutif en la matière, et que le Ministre de l’Economie et des Finances porte à travers la loi PACTE. Le Ministre a rappelé à de nombreuses reprises que l’épargne retraite devait capter une partie des flux d’épargne actuelle, il vise notamment les cotisations destinées à l’assurance-vie. Ce dernier ambitionne même de réorienter vers l’épargne retraite la somme de 100 milliards d’euros d’ici la fin du quinquennat, soit 25% des flux annuels d’épargne. Pour se faire, la loi PACTE simplifie et allège les contraintes portant sur l’épargne retraite. Demain, les produits de retraite convergeront vers un produit aux caractéristiques communes où les versements donneront lieu (à l’entrée) à une déductibilité (fiscale) du revenu (dans la limite d’un plafond), une portabilité accrue (possibilité de transférer un contrat d’épargne à un autre), enfin la sortie offrira deux possibilités : en rente ou en capital. Deux options qui devraient entraîner des fiscalités différentes qui restent à écrire dans les futures ordonnances de la loi PACTE, où la logique voudrait que la sortie en rente soit, tout de même, « récompensée ».
Au-delà de la réorientation de l’épargne, du fléchage vers l’économie réelle, l’objectif est aussi d’encourager et préparer les Français à un autre défi majeur, celui du financement de leurs retraites. La généralisation d’un troisième pilier, supplément des systèmes de retraite actuels, s’entend dans la perspective du vieillissement de la population et de la nécessité d’assurer la dépendance. La difficulté et de permettre à tous, assez tôt dans leur vie active, de constituer et suivre ce capital. L’espoir est de mettre en adéquation les maturités d’épargne et d’investissement pour en garantir le capital et en assurer les rendements. La réforme des retraites fera l’objet d’un autre projet de loi, qui s’il se veut « systémique », à ce stade ne prévoit pas d’économies substantielles ni de ressources nouvelles. Ce qui signifie que les pensions baisseront dans le futur sous le poids de la démographie et de la hausse de l’espérance de vie.
Les épargnants attendent aujourd’hui une stabilité autour de la fiscalité. Souhaitons qu’après cette période de réformes importantes, le cadre fiscal soit sanctuarisé afin que les ménages puissent apprécier au mieux la situation et définir une stratégie d’épargne pérenne en adéquation avec leur situation et leurs attentes. Ils pourront alors, le plus en amont possible, préparer individuellement, collectivement (épargne d’entreprise), cette retraite qui pour beaucoup est encore bien loin.