Selon le calendrier arrêté par l’exécutif, la future réforme des retraites devra être bouclée, soumise au Parlement et votée l’année prochaine (2019). La phase de consultations menée par le Haut-Commissaire Jean-Paul DELEVOYE s’intensifie : partenaires sociaux, parlementaires, think tank, nombreux sont les acteurs publics et privés qui poussent leurs propositions ou visions du système de retraite. A ce stade, la réforme repose sur deux piliers : « un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous » d’une part, la fusion et convergence des nombreux régimes d’autre part. Il existe aujourd’hui plus de 40 régimes avec des spécificités qui au fil des années se sont accumulées, si bien qu’aujourd’hui les Français ne sont pas « égaux » face à la retraite. C’est justement ce qu’une récente étude1 menée par les cabinets Deloitte et Sapiendo tend à démontrer, en fonction des critères que sont les efforts de cotisations et les droits générés par le niveau de cotisation selon les régimes. Nous vous en restituons les principaux enseignements.
L’étude a calculé pour chaque régime et pour des situations économiques différentes le niveau d’ « effort contributif », c’est-à-dire la part des cotisations retraites rapportées à la rémunération des individus ainsi que la « rentabilité des cotisations », c’est-à-dire les droits de pension (retraite) générés pour un euro de cotisation. En ce qui concerne les cotisations supportées par les individus, il est difficile d’établir des comparaisons entre les régimes tant ils différent dans leur fonctionnement. Les cotisations retraite reposent sur des cotisations payées par la personne, mais également par l’employeur, dans des proportions qui varient fortement. Ainsi un salarié du privé avec un revenu de 20.000 euros net annuel, verse des cotisations retraites de 7.200 euros par an, mais seulement 2.900 euros directement, l’autre partie revenant à l’employeur. Pour le même niveau de revenus, un artisan payera, lui, directement 5.000 euros de cotisations. A première vue son effort est plus important, mais si on prend l’ensemble des cotisations il est moindre. Les différences sont encore plus importantes avec les personnes travaillant dans le secteur public puisque l’Etat abonde très largement au système. Si bien que pour certaines catégories de fonctionnaires, la contribution de l’Etat peut approcher 75%. Au final, l’effort réellement et directement supporté est un indicateur imparfait qui ne reflète pas le niveau de cotisation totale mais a le mérite de mettre en lumière d’importantes différences entre secteurs.
En ce qui concerne la « rentabilité », au-delà des disparités liées aux règles qui régissent les différents régimes, nous constatons que la logique de redistribution et de solidarité largement majoritaire dans notre système de retraite, et plus généralement dans notre protection sociale, ne se retrouve que partiellement. Ainsi on pourrait penser qu’un euro cotisé ne génère pas les mêmes droits pour les individus appartenant à un même régime, que cet euro cotisé génère des droits dégressifs à mesure que les revenus augmentent. C’est le cas pour la plupart des statuts (salariés du privé, commerçants, exploitants agricoles et employés du secteur public). Néanmoins il existe des exceptions dont les logiques sont difficiles à comprendre. Par exemple pour la fonction publique d’Etat (prime 10%), à 20.000 comme à 50.000 euros de revenus annuels nets, la performance est de 2,17%, donc pas de dégressivité, peu importe le niveau de revenus les cotisations génèrent une performance identique. Pour les professions libérales relevant de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV), à 20.000 euros la performance est de 1,12%, à 50.000 euros elle descend à 1,06%, puis à 100.000 euros la performance monte à 1,22%, difficile ici encore de dégager une logique.
Des inégalités de traitement au sein des régimes, des différences entre les statuts, à la lecture de cette enquête nous comprenons mieux l’intention du Président de la République d’harmoniser notre système de retraites. Mais même si un grand nombre de règles sont difficiles à justifier, et donc facilement réformables, il ne sera pas toujours aisé de faire entendre raison aux publics concernés tant ces logiques sont ancrées dans les habitudes. Nous comprenons par conséquent les délais supplémentaires demandés par le Haut-Commissaire en charge de la réforme afin de poursuivre ses échanges et consultations avec les différents protagonistes. En effet, il faudra beaucoup de pédagogie pour faire converger tous ces régimes et règles en un système unique… ou presque. A ce stade, de nombreuses questions restent posées, nous verrons dans les prochains mois quel accueil l’opinion publique fera aux réponses apportées par l’exécutif.
1/. https://www.sapiendo-retraite.fr/content/45-etude-retraite-sapiendo-deloitte