Le Ministre de l’Action et des Comptes Publics et la Ministre des Solidarités et de la Santé ont présenté la semaine dernière le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 (PLFSS 2019). Dans un pays qui consacre à peu près 600 milliards d’euros à ses dépenses sociales, il s’agit d’un véritable temps fort qui nous renseigne sur la situation budgétaire de notre système de protection sociale, ainsi que sur les futures mesures que le Gouvernement entend prendre. Une phrase prononcée par le Ministre des Comptes Publics résume à elle seule l’exercice : « le socle de la Sécurité sociale sera excédentaire ».
Le régime général de la Sécurité sociale regroupe un ensemble d’administrations qui assurent les missions de protection regroupant la maladie, les accidents du travail et maladies professionnelles, la famille et la vieillesse. Autant de domaines qui correspondent à des « branches » dont le financement est voté chaque année par le Parlement. C’est le PLFSS ou projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le solde financier de la Sécurité sociale est structurellement et historiquement déficitaire, il faut remonter au début des années 2000 (2001) pour retrouver le dernier exercice équilibré et excédentaire. L’annonce d’un retour à l’équilibre formulée par le Ministre n’est donc pas anecdotique. Selon le Gouvernement, en 2019, l’excédent devrait être de 700 millions d’euros, en cumulant Sécurité sociale et Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV).
Dans les faits, pour 2018, c’est encore un déficit d’un milliard d’euros qui est attendu. A l’exception de la branche maladie toutes les branches du régime général sont excédentaires – le solde lui-même est positif (de 1,1 milliard d’euros) – mais le Fonds de Solidarité Vieillesse affiche une nouvelle fois un déficit de 2,1 milliards d’euros. Si le déficit perdure en 2018 nous sommes toutefois loin des pics de déficit enregistrés en 2010 notamment (près de 30 milliards d’euros). La situation n’est pas pour autant définitivement réglée.
Tout d’abord le financement de la protection sociale est particulièrement sensible à la croissance économique. Or le consensus des économistes table sur un ralentissement de la croissance dès l’an prochain, ce qui pourrait se répercuter négativement sur les ressources du régime. De plus, pour que les prévisions de 2019 se vérifient, il faudra que le Gouvernement maintienne la pression sur les économies menées au sein des branches. Les dépenses de santé et de retraite tendent à augmenter de manière naturelle sous l’effet du vieillissement de la population et de l’allongement de l’espérance de vie. D’ailleurs les prévisions d’Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) pour 2019 repartent à la hausse +2,5% contre +2,3% en 2018, soit le pourcentage le plus élevé depuis six ans. La branche maladie devrait être de nouveau déficitaire en 2019 (-500 millions d’euros) ce qui illustre les difficultés qu’ont les pouvoirs publics à répondre au défi budgétaire que pose le vieillissement démographique. Il faut par ailleurs ajouter que le Gouvernement vient de présenter un plan « Ma Santé 2022 » qui implique de nouvelles dépenses dont les effets vertueux ne se feront sentir qu’à moyen ou long terme. Le Fonds de Solidarité Vieillesse sera une nouvelle fois déficitaire (-1,8 milliards d’euros), il devrait néanmoins être selon les prévisions compensé par le solde du régime général. Au total, sous réserve d’économies vérifiées, l’excédent devrait être de 700 millions d’euros.
Pour arriver à ce résultat symboliquement fort, le Gouvernement compte sur une mesure déjà annoncée fin août par le Premier Ministre : la « modération » de la progression des dépenses sociales. Il s’agit en fait de revaloriser les allocations sociales de 0,3% en 2019 et en 2020. Tout d’abord il s’agit d’une rupture importante car jusqu’ici les allocations suivaient l’inflation (on parle désormais de désindexation). Si ce niveau de 0,3% est comparable aux niveaux de revalorisation et d’inflation des dernières années comme le rappellent les documents de travail de l’exécutif, il ne correspond plus aux niveaux actuels d’inflation constatés ou attendus. L’inflation se situe dans une zone davantage proche de 1,6% et ne devrait guère reculer l’an prochain, même si l’on espère une stabilisation voire un repli des prix du pétrole.
Après la hausse de la Contribution Sociale Généralisée (+1,7 points), cette désindexation des allocations devrait une nouvelle fois être mal perçue par les personnes concernées au titre de leur pension de retraite. Cet équilibre promis représente un risque politique important. Il pourrait s’avérer difficile à renouveler alors que s’ouvre un nouveau cycle électoral. A plus long terme, seules des réformes d’envergure permettront de répondre au financement de la protection sociale. Premier poste de dépenses (sociales), les retraites doivent faire l’objet d’une réforme systémique encore en gestation et promise pour 2019, l’occasion d’apporter une réponse pérenne à cette problématique budgétaire.