L’Astuce

Les Français et les crypto-monnaies

par | Juil 17, 2018 | Actualités

L’institut de sondage Ipsos vient de réaliser pour le compte d’ING (bancassureur hollandais) une enquête1 internationale consacrée aux crypto-monnaies et leur perception. La crypto-monnaie est une monnaie virtuelle alternative utilisable sur un réseau informatique qui a connu un écho médiatique important ces derniers mois à travers un épisode de forte spéculation qui a concerné la plus connue et la plus échangée de ces monnaies : le « Bitcoin ». Le Bitcoin, principale crypto-monnaie, a vu en 2017 son cours s’envoler, suscitant ainsi l’intérêt des investisseurs et des observateurs. Le Bitcoin a culminé à 18 675 dollars en fin d’année 2017, alors que quelques mois auparavant il valait à peu près 2.000 dollars. Cette bulle spéculative s’est soudainement dégonflée en début d’année, ramenant le cours du bitcoin à près de 6 600 dollars. Mais l’intérêt voire même la ferveur de certains pour les crypto-monnaies n’est pas totalement retombée pour autant. Entre tentatives d’organisation du marché (ouverture d’une cotation sur le marché de Chicago des matières premières), de réglementation voire d’interdiction pure et simple, les crypto-monnaies ont bien fait leur apparition dans notre paysage financier et suscitent de nombreuses interrogations.

Si les professionnels du secteur de la finance semblent mieux appréhender le sujet, le grand public reste lui très largement à l’écart du phénomène. Ainsi, selon l’enquête, seul un Français sur deux en a entendu parler. Plus frappantes encore sont les fortes disparités en fonction de l’âge ou du sexe : deux Français sur trois disent connaître la crypto-monnaie contre seulement une Française sur trois. Plus de la moitié des moins de 35 ans et deux tiers des 18-24 ans connaissent la crypto-monnaie. En Allemagne, ou en Italie, pays voisins et comparables, le sujet est davantage connu de la population puisque 70% des sondés de ces deux pays ont en entendu parler.

Au vu de ces sondages, il est assez facile de réduire le bitcoin a un engouement de jeune « geek », féru d’informatique et méfiant à l’égard des institutions, capable de prendre des risques sans pour autant en mesurer l’ampleur, et ne disposant que d’une faible capacité d’épargne. Et de fait, le caractère abstrait de cette monnaie (malgré des tentatives de popularisation et de « matérialisation ») fait qu’à l’heure actuelle, seuls 6% des français déclarent détenir des bitcoin ou toute autre crypto-monnaie. Là aussi, ces résultats dans le détail font apparaître des disparités en fonction de l’âge et du sexe. 9% des hommes et 3% des femmes en détiennent. La moitié de ceux qui en détiennent ont moins de 35 ans. Avec 6%, la moyenne française est l’une des moins élevées d’Europe (10% en Pologne ou en Espagne).

Les intentions d’achat, à savoir 17% en France, contre 21% aux Etats-Unis et 30% en Pologne ou Espagne démontrent que la France ne devrait pas à court terme rattraper le niveau des autres pays. Les Français boudent le produit en tant que moyen de « paiement international sans frais », 25% l’envisagent comme solution contre 30% en moyenne en Europe, encore plus comme produit d’épargne, moins de 10% des plus de 45 ans l’envisagent en tant que tel, etc…

Enfin, les motivations d’acquisition de crypto-monnaies révèlent un certain flou quant à leur perception et encore plus quant à leur fiabilité : moins de 30% pensent que c’est le futur des moyens de paiement en ligne ou de l’investissement, 30% pensent que les cours vont grimper. Cela veut dire à l’inverse qu’une grande majorité considère que le produit n’a pas d’avenir, et qu’il n’a pas d’intérêt économique (pas de rendement). Son mode d’acquisition et de détention n’est pas sûr et il est réputé pour servir à des transactions illégales et trafics en tous genres. Au pays du Livret A, de l’assurance-vie et de l’aversion au risque, il apparait presque normal de constater que le produit rencontre encore peu de succès auprès des épargnants traditionnels.

Et pourtant cela ne va pas sans ambiguïté ni contradiction car, 60% des Français pensent que les crypto-monnaies sont moins risquées que les actions (55% en moyenne pour le reste du monde). Ce qui démontre clairement que le produit est non seulement mal connu mais également mal évalué. Les fortes volatilités enregistrées ces derniers mois devraient alerter les épargnants sur le risque supporté en achetant ce type de produit. Le régulateur2 français a lui pris conscience du danger et plaide pour un strict encadrement des crypto-monnaies au niveau mondial. Simple vecteur de transaction dématérialisé, monnaie à part entière – mais alors strictement encadrée par le pouvoir régalien – on le voit l’hésitation est encore très grande.

1 https://info.ing.fr/crypto-monnaies-sont-encore-loin-etre-adoptees/

2 https://publications.banque-france.fr/lemergence-du-bitcoin-et-autres-crypto-actifs-enjeux-risques-et-perspectives

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