L’Astuce

Épargne et revenu des ménages, ce qu’ils nous disent de leurs incertitudes

par | Juil 3, 2018 | Actualités

L’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE), organisme indépendant de prévision, de recherche et d’évaluation des politiques publiques, rattaché à la Fondation Nationale des Sciences Politiques, vient de présenter une note1 sur « les liens entre taux d’épargne, revenu et incertitude » dont nous vous livrons les principales conclusions.

La théorie économique a démontré dans les années 1950 à travers différents modèles que les agents économiques répondaient à un cycle de vie. Pour résumer, les ménages épargneraient principalement durant leur période d’activité afin de lisser dans le temps leur niveau de revenus appelé à diminuer. Puis dans un second temps, une fois à la retraite ils puiseraient dans cette épargne pour maintenir un niveau de revenus et de consommation. Globalement cette observation se vérifie, mais la situation a tout de même évolué. Ainsi, dans les faits, nombreux sont les retraités qui continuent d’épargner une fois en retraite même si pour les personnes âgées de 60 à 69 ans la baisse du taux d’épargne est significative. Par ailleurs, les ménages actifs ont eu tendance à accroître leur épargne, en lien avec l’épargne de précaution notamment, pour s’assurer contre ce qu’ils perçoivent comme toujours plus de risques : retraite, dépendance, revenus, chômage,  etc…

Selon les travaux de l’OFCE, le taux d’épargne des ménages les plus riches aurait tendance à croître lorsque le revenu permanent augmente. Ce qui veut dire que la propension à épargner (pas seulement la capacité à le faire) soit plus importante. Ce qui fait dire aux auteurs du rapport que les ménages les plus aisés « épargnent davantage sur le cycle de vie ». En mesurant les relations entre épargne et revenus futurs l’OFCE a mis en avant également l’existence d’une épargne de précaution spécifique au risque de chômage. Ainsi le risque de chômage, ou la peur du chômage, engendrerait un « surplus de flux d’épargne de 7% » pour les ménages actifs. Le fort taux de chômage structurel en France finirait donc par influer sur le comportement d’épargne des ménages.

Observée graphiquement, l’épargne de précaution répondrait à une courbe en U inversée. C’est-à-dire que les ménages aux revenus intermédiaires épargneraient deux fois plus que les quintiles extrêmes : les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres. Les ménages les plus riches, généralement plus diplômés, occupent des professions moins soumises à la perte d’emploi et ces personnes ont de plus grandes chances de rebondir professionnellement en cas de perte d’emploi. Ils ont peut-être aussi accumulé un patrimoine jugé suffisant pour ne pas sentir le besoin de constituer une épargne de précaution dédiée. A l’autre extrémité, les ménages les plus pauvres dont les revenus sont consacrés dans leur quasi-totalité à assurer les dépenses quotidiennes ne peuvent se constituer de « matelas » de précaution ou tout du moins s’ils le font c’est dans des proportions bien moins importantes.

7% de la richesse globale, c’est également la part de patrimoine de précaution accumulée en raison de l’incertitude de revenu futur. C’est autant d’épargne au détriment de la consommation. On peut y ajouter des raisons conjoncturelles : une baisse marquée de l’inflation favorise l’épargne. Ces motifs, parfaitement légitimes, méritent d’être mieux considérés. D’une part, les mesures visant à faire baisser durablement le chômage seront de nature à rassurer ceux qui se sentent les plus exposés. D’autre part, encourager la constitution d’une épargne en vue de la retraite, pour compléter les dispositifs de redistribution semble de bon aloi. C’est l’ambition du projet de loi PACTE, qui en cherchant à mieux organiser et flécher l’épargne longue de retraite, pourrait permettre aux ménages d’envisager l’avenir un peu plus sereinement.

1 https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/OFCEWP2018-19.pdf

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