Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) vient de présenter son rapport1 annuel. Depuis la loi retraite du 20 janvier 2014, le COR a pour mission de réaliser chaque année, avant le 15 juin, un rapport consacré au système de retraite dans lequel il développe des projections à moyen et long terme du solde financier. Ce 5ème rapport était particulièrement attendu en cette année de préparation de réforme de la retraite.
Sur le plan méthodologique, le COR calcule un solde financier à partir d’hypothèses démographiques et économiques. Si les évolutions macroéconomiques sont très largement commentées et observées tout au long de l’année par la presse économique notamment, les hypothèses démographiques, pourtant capitales dans la détermination de la trajectoire budgétaire des retraites, trouvent moins d’échos auprès du grand public. Si tout le monde sait plus ou moins que le nombre de retraités augmente, l’ampleur et l’impact de ces évolutions sont plus méconnues.
Les hypothèses démographiques retenues par le COR dans ses travaux sont celles de l’INSEE (2016) et courent jusque 2070. Elles reposent tout d’abord sur un indice conjoncturel de fécondité, qui dans le scénario central est de 1,95 enfant par femme, avec des fourchettes basses et hautes de 1,8 et 2,1 enfants. Même si la fécondité observée a récemment reculé, se situant davantage au niveau bas de la fourchette, le COR a maintenu l’ hypothèse de son scénario central à 1,95. Dans les faits, la fécondité ne permet donc pas d’assurer le renouvellement des générations. L’hypothèse la plus probable est donc de voir notre système de retraite par répartition fondé sur un nombre d’actifs en diminution. Car ce sont les actifs qui permettent d’alimenter le système en ressources et payer la pension de retraite aux ainés.
Autre composante de l’estimation, l’hypothèse du solde migratoire qui est fixée à +70.000 personnes par an en recul de 30.000 par rapport aux années précédentes. Cela s’explique par le recul du solde migratoire constaté. A défaut d’une natalité suffisante, on aurait pu trouver par l’immigration le nombre d’actifs potentiels dont le système manque. Il semblerait là aussi que le solde migratoire en recul ne réponde pas complétement à cette problématique.
Dernier élément, l’espérance de vie, elle est projetée avec des hypothèses différentes en fonction du sexe : hommes et femmes. Elle serait pour un homme de 60 ans de 26,7 ans en 2040 et 31 ans en 2070, pour les femmes elle atteindrait respectivement 30,1 ans et 33,6 ans. En comparaison avec les projections réalisées en 2010, l’espérance de vie des hommes est revue à la hausse (+0,9 an en 2040, +1,6 an en 2060), en revanche celle des femmes est revue à la baisse (-0,3 an en 2040, +0,1 an en 2060). L’espérance de vie tendrait donc à s’allonger, à l’instar des rapports précédents.
Au final, à partir de ces éléments, il est possible de calculer un rapport démographique entre générations actives et générations en retraite. Si en 2006 on comptait une personne de 60 ans et plus pour 2,5 personnes âgées de 20 à 59 ans, ce ratio a fortement diminué pour atteindre 1,95 en 2017. Ce rapport devrait continuer à se dégrader sous la poussée d’arrivée en retraite des générations issues du baby-boom dont les effets se poursuivent. Ainsi à horizon 2070 on compterait 1,25 personne de 20 à 59 ans pour une personne de 60 ans et plus.
Tenant compte du recul progressif de l’âge de la retraite, le COR présente également un ratio sur les effectifs 20-59 ans et 65 ans et plus. Mais là aussi, la trajectoire serait la même, avec seulement un décalage dans le temps, dont il ne faudrait tout de même pas négliger l’importance pour l’ajustement des systèmes. Si le ratio était d’environ 3,5 en 2011, il est de 2,9 en 2017 et tomberait à 1,7 en 2070.
Fécondité inférieure à deux enfants par personne, diminution du solde migratoire, allongement de l’espérance de vie, autant d’éléments qui pèsent négativement sur le rapport entre les personnes en âge de travailler et les personnes en âge de retraite. Dans ce contexte, peu importe le scénario économique retenu (gains de productivité du travail de 1%, 1,3%, 1,5% ou 1,8%), le solde financier du système devrait être durablement négatif. Dans le scénario le plus optimiste (1,8%) le système redeviendrait positif à l’horizon 2036 seulement. Seules les deux hypothèses de croissance les plus favorables permettent à terme un retour à l’équilibre, les deux autres condamnent le système à un déficit permanent jusqu’en 2070.
Après tout, comme l’avait lancé l’économiste J.M Keynes : « à long terme nous sommes tous morts ». Alors pourquoi se soucier d’un avenir si lointain ? La réalité est que la détérioration durable des comptes de la retraite est perceptible dès à présent et qu’on ne peut attendre pour y remédier. Le rapport du COR souligne année après année le poids irrémédiable des tendances démographiques sur notre économie et la nécessité de trouver des solutions financières pérennes pour y faire face dès à présent, et ce, quelque que soit le contexte économique. Bien sûr la croissance économique allège le poids des efforts à fournir. Et cela rend plus urgente la réforme en profondeur de nos systèmes tels qu’ils favorisent une plus grande activité des personnes et une baisse durable du taux de chômage. Le rapport du COR nous rappelle donc l’importance de mettre en œuvre dès à présent une réforme dont les effets ne se feront sentir que très graduellement.