La semaine dernière, dans une interview au journal Le Parisien, le Ministre de l’Économie a précisé son plan d’action pour la croissance et la transformation, la future loi PACTE. Si le Ministre y réaffirme l’ambition gouvernementale de « réorienter l’épargne des Français pour doper l’économie » – ce dont nous avons traité dans un précédent article1 – il consacre également un long développement à la question de l’encouragement à l’épargne retraite. Cette démarche s’inscrit dans le cadre plus large de la réforme de la retraite. Le Ministre rappelle que l’épargne retraite avoisine les 200 milliards d’euros et estime que ce montant est faible en comparaison avec l’assurance-vie notamment. Au regard du volume des pensions de retraite, des besoins de financement à venir dans notre modèle, il est vrai que le niveau d’épargne détenu au travers de dispositifs de retraite paraissent faibles. 200 milliards c’est presque deux fois moins que les encours du Livret A et du Livret de Développement Durable et Solidaire (383 milliards d’euros). Pourtant selon notre enquête annuelle2, la retraite est la seconde motivation d’épargne, mais le meilleur placement pour la retraite aux yeux des Français (de très loin ) c’est : l’assurance-vie (1676 milliards d’euros d’encours).
Il entend donc grâce aux mesures annoncées porter cet encours à 300 milliards d’euros d’ici trois ans. Cela semble signaler un rééquilibrage des flux de l’assurance-vie vers l’épargne retraite, prévue spécifiquement pour préparer cette période de la vie. Pour se faire, plutôt que de casser et bouleverser complétement les dispositifs existants, Bercy compte modifier trois principaux paramètres :
- La portabilité totale : l’assuré pourra désormais transférer son épargne indépendamment de son entreprise notamment. Pour que cette épargne vive, et que la peur de la voir « bloquée » disparaisse, il était important de permettre aux épargnants de faire évoluer les comptes épargne retraite. Une épargne dédiée à la retraite développée dans le cadre d’une entreprise, et qui était par le passé liée à l’entreprise, sera désormais portable d’une entreprise à l’autre. La mesure va dans le sens du désir de liquidité souhaitée par les épargnants. De plus, les épargnants se verraient offrir la possibilité de transférer leur épargne d’un produit à un autre.
- Le libre choix de la sortie : il sera désormais possible de choisir entre une sortie en capital ou en rente3. Historiquement la majorité des produits proposent une grande partie en rente, et un pourcentage plus faible en capital. La sortie en capital répond à la préférence pour la liquidité exprimée par les épargnants, l’une des principales caractéristiques des critères de placements, et devrait ainsi rendre le produit plus attractif. Au point de concurrencer frontalement l’assurance-vie ? Cela reste à voir, et la question de la fiscalité sera clé sur ce point. Le Ministre laisse entendre que la sortie en rente pourrait bénéficier d’un traitement « fiscalement avantageux ».
- L’incitation fiscale : les versements sur le compte épargne retraite offriront une déduction sur le montant du revenu imposable (dans la limite des plafonds existants, 30.000 euros pour le PERP par exemple). Il s’agit là d’insister sur le caractère fiscal favorable de ces dispositifs. Ce qui n’est pas neutre, dans un contexte de « ras-le-bol fiscal ».
Dans le même temps, le Ministre a indiqué ne pas vouloir toucher à la fiscalité de l’assurance-vie. Ceci devrait rassurer les épargnants qui plébiscitent le produit, le meilleur produit à leurs yeux. Pour autant le ministre entend revitaliser les fonds euro croissance afin de permettre de les insérer plus aisément dans les gestions pilotées des contrats d’assurance-vie. La première mouture – jugée souvent trop complexe – n’avait pas rencontré de réel succès. Ces encours atteignant péniblement les deux milliards d’euros, le Ministre ambitionne de voir ce montant passer à vingt milliards dans les deux ans.
Par ces annonces, le Ministre semble bien aller dans le sens des attentes des personnes qui plébiscitent sondage après sondage la sortie en capital comme la garantie contre le risque. Il reste qu’à travers ces mesures, le Ministre prend acte de la nécessité de constituer un « troisième pilier » d’épargne permettant au plus grand nombre de compléter les revenus issus de la répartition, menacés par les évolutions démographiques.
1 https://www.cercledesepargnants.com/orienter-lepargne-francais-vers-entreprises-voeu-pieux/
2 https://www.cercledesepargnants.com/sondage-2018-les-francais-lepargne-et-la-retraite/
3 https://www.cercledesepargnants.com/epargne-retraite-sortie-en-rente-ou-capital-le-debat-relance/