L’Astuce

La popularité du Livret A ne se dément toujours pas

par | Mai 1, 2018 | Actualités

Janvier, février, mars, le Livret A enregistre trois mois consécutifs de collecte positive. C’est-à-dire que les épargnants ont effectué plus de dépôts sur leur Livret A que de retraits. La dynamique en ce début d’année est particulièrement positive, elle se traduit par 7,38 milliards d’euros pour les Livret A et Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) agrégés. Le Livret A compte pour l’essentiel, soit 6,38 milliards d’euros de collecte, contre 5,90 milliards d’euros sur la même période en 2017. La performance mérite d’être saluée, quand on se souvient que 2017 fut déjà une année particulièrement faste pour le Livret A : 10,24 milliards d’euros de collecte (12,4 milliards avec le LDDS), sa meilleure performance depuis 2013. A fin mars, les encours de Livret A et LDDS atteignent ainsi 383,3 milliards d’euros. Loin devant, l’assurance-vie culmine à 1676 milliards d’euros (au 31.12.2017).

Derrière cette popularité jamais démentie il y a la conviction des épargnants que le Livret A offre de par son statut, une stabilité, une sécurité et une liquidité sans équivalent, sans parler de l’absence de fiscalité. Le placement préféré des Français (55,8 millions de livrets à fin 2016) semble insensible aux évolutions réglementaires, fiscales, etc… Ou peut-être même au contraire, il bénéficierait par ricochet des nombreuses modifications intervenues sur le marché (contexte économique, fiscalité, etc…). Les Français semblent avoir acté que le monde a basculé dans une période de taux bas. Selon notre enquête annuelle, 78% des sondés pensent que les taux d’intérêt sont bas. Dans ce contexte, les ménages se tournent de nouveau vers l’éternel Livret A qui est tout de même un peu mieux que le compte courant pour y parquer ses liquidités.

Le Gouvernement a entrepris au travers de mesures fiscales et réglementaires (prélèvement forfaitaire unique, future loi PACTE, etc…) de réorienter l’épargne vers le financement de l’économie en rendant les produits d’épargne destinés à cet objectif, plus attractifs, ou encore détourner les épargnants d’autres supports. Pour ce qui concerne le Livret A, le Gouvernement introduit de nouvelles règles de fixation de son taux. A partir du 1er février 2020, le taux du Livret A sera obtenu par le biais d’une nouvelle formule, à laquelle un taux plancher de 0,5% sera appliqué. Le taux actuel est de 0,75%, il est fixé jusqu’à cette échéance. Ce taux plancher est plutôt bienvenu, car au regard de la formule de calcul du taux de rémunération qui prend en compte le taux de l’EONIA (actuellement négatif) et le taux d’inflation, son taux aurait été largement sous ce seuil. Au-delà de cette date, si comme nous le pensons l’inflation est plus élevée qu’actuellement et le taux EONIA au moins à zéro, voire un peu plus, la formule de calcul du taux du Livret A devrait le ramener au-dessus des 0,75%. Si le passé est un guide, rien n’est moins sûr. Il se pourrait très bien que le gouvernement choisisse de maintenir le taux au même niveau. Garanti à la baisse, le taux de rémunération du Livret A n’est plus une garantie à la hausse.

Aujourd’hui limité à 22.950 euros, le plafond de dépôt peut lui aussi poser question. Pour rappel, ce dernier a connu un important relèvement de 50% entre 2012 et 2013. Dans le même esprit (réorientation de l’épargne) on pourrait imaginer que le plafond de dépôt soit abaissé. Aujourd’hui, en théorie, un couple avec deux enfants peut placer 91.800 euros sur le seul Livret A. Dans les faits, les encours du Livret A sont concentrés dans une minorité, ainsi à peu près 80% des encours sont détenus par 11% des Livrets A, et 50% des épargnants détiennent moins de 150 euros sur leur livret. Le Livret A dont le rôle principal est de garantir une épargne sûre aux ménages modestes, ne saurait devenir une forme de niche fiscale pour les plus aisés. D’autant plus que les premières mesures d’orientation de l’épargne mises en œuvre concernent les ménages dont la propension à épargner est plus grande.

L’enjeu est de taille. Le Livret A deux fois centenaire, s’est ainsi forgé une solide réputation d’incitation et de protection des épargnants. Au-delà, l’apport de nouveaux produits d’épargne, dont le risque est accru, pourra séduire les épargnants qui auront la possibilité de placer une partie de leur épargne à plus long terme en espérant un retour sur investissement plus significatif, tout en gardant une bonne visibilité sur son évolution. En bonne gestion de marché, ceci implique une moindre liquidité à court terme.

Rappelons que ce sont plus de 430 milliards d’euros (2017) qui dorment sur les comptes courants, en plus des produits réglementés. Rappelons-le une nouvelle fois cet argent ne rapporte rien, il est exposé à une inflation faible mais de retour. Le Livret A conservera certainement son aura et la notion de protection des épargnants les plus modestes doit aussi être préservée. Cela n’empêche pas pour autant de tenter de diversifier l’offre d’épargne sur le long terme.

M