Vous avez forcément entendu parler de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) portée par le Ministre de l’Economie. Elle sera prochainement présentée en Conseil des Ministres avant d’être soumise au débat parlementaire. La loi s’intéresse à notre épargne et notre retraite : d’une part elle consacre un chapitre entier au financement des entreprises et à la réorientation de l’épargne en ce sens. Elle ambitionne le redéploiement d’une partie des flux d’épargne vers l’économie dite réelle. D’autre part, le texte prévoit en substance de « développer et simplifier les produits d’épargne-retraite, pour les faire converger autour de caractéristiques communes ». L’intention semble louable et se comprend dans une démarche globale de simplification et de clarification des régimes de retraites comme de l’épargne des ménages. Mais elle risque de se heurter à quelques réalités qui semblent aujourd’hui difficiles à concilier. En effet, faire converger l’épargne-retraite vers un produit aux caractéristiques communes, pose la question centrale du choix de la sortie en rente (PERP, Madelin, etc…) ou en capital ? Et delà de cette question, peut-on décider de ce qui est le mieux pour assurer les revenus des futurs retraités ?
Dans un sondage intitulé « Demain, quelle retraite ? » et réalisé par l’Audirep pour le compte de Natixis et Amundi, les épargnants français semblent manifester une préférence pour la sortie en capital dans le cadre de leur épargne retraite. 77% des sondés aimeraient « disposer librement de l’intégralité du capital (et des futures plus-values), avec retrait possible à tout moment, plutôt que d’une rente viagère ». Présenté de la sorte ce n’est pas une surprise. La préférence pour la liquidité est une caractéristique principale des critères de placements des épargnants français. Selon notre baromètre 2018, c’est même le deuxième critère (76%) juste après la garantie du capital (79%) mais assez loin devant la « fiscalité avantageuse » des produits (68%). Ainsi une modification des produits d’épargne semble au moins en partie converger avec une de leurs motivations. C’est ce que plaident notamment les gestionnaires d’actifs, intéressés par le marché.
D’un autre côté, transmettre la totalité du capital le jour de sa retraite à son bénéficiaire, revient à le priver du revenu complémentaire qui devait garantir ses vieux jours. C’est le discours développé par les assureurs et la Fédération Française des Sociétés d’Assurance. Ils rappellent ainsi la promesse initiale et l’essence même de l’épargne retraite, celle d’assurer cette période de la vie, qui d’ailleurs tant à s’allonger. Dans cette perspective l’épargne retraite est bien conçue pour compenser la baisse de revenus lors du passage en retraite. La baisse des pensions de retraite à venir ajoute du poids à cette idée.
Une épargne pour la retraite disponible intégralement en capital, cela existe déjà en réalité, c’est la fameuse assurance-vie. L’assurance-vie qui totalise 1676 milliards d’euros d’encours au 31.12.2017 (+3% sur un an), permet déjà de disposer d’un capital à la retraite. Les épargnants l’utilisent massivement en ce sens. Dans notre baromètre annuel, l’assurance-vie est considérée comme le meilleur produit d’épargne pour préparer sa retraite (45%) loin devant le Plan Epargne Retraite Populaire (12%) pourtant prévu pour.
Le débat semble se diriger vers une issue qui pourrait satisfaire toutes les parties… ou aucune. Interrogé jeudi dernier dans la matinale de BFM TV, Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie, plaidait pour une sortie au choix en rente ou en capital. Cette annonce refermera-t-elle définitivement le débat ? Ce n’est pas sûr. Avec l’annonce d’une baisse programmée du taux du livret A (0,5% à partir de 2020), il est clair que le gouvernement entend favoriser une épargne longue plus rentable et permettant de prendre un peu plus de risque sur la durée.
Alors qu’en parallèle démarrent les consultations sur l’harmonisation des régimes de retraites, on peut penser que les prochaines années seront marquées par un certain tâtonnement législatif, afin de trouver un équilibre acceptable entre solidarité et assurance privée.