L’Astuce

La place du principe de redistribution dans la réforme des retraites ?

par | Avr 10, 2018 | Actualités

Le système français de retraite est un système dit par répartition, les actifs payent aujourd’hui des cotisations qui alimentent le versement des pensions aux retraités actuels. Notre système français se caractérise par ailleurs par d’importants mécanismes de solidarité et de redistribution. A l’heure où le Gouvernement prépare une réforme des Retraites d’ampleur, nous pouvons nous demander si les principes de redistribution tels que nous les connaissons seront maintenus. C’est par ailleurs l’objet de la dernière réunion du Conseil d’orientation des retraites1 (COR), ce qui n’est jamais neutre.

Tout d’abord, rappelons que le projet de réforme est issu d’une proposition de campagne d’Emmanuel Macron, alors candidat à la Présidence de la République, dont la philosophie pourrait être résumée par la simplification et l’équité, au travers des règles suivantes :

  • un euro cotisé donne les mêmes droits pour chaque assuré,
  • la distinction entre public et privé sera supprimée,
  • les 37 caisses de retraites seront fusionnées.

A première vue, la réforme semble simple. En réalité, elle va bien au-delà des récentes réformes, qui traditionnellement reposaient sur des ajustements, bien souvent l’allongement de la durée de cotisations ou le report de l’âge de départ en retraite, dans le but de répondre à un problème de financement du système. La future réforme implique un changement de paradigme.

Selon le COR, il y a redistribution « lorsque l’effort contributif est inégal selon les assurés ». Force est de constater qu’avec ses multiples règles et régimes, le système français l’est. Cette recherche de simplification et d’unité poserait donc la question de la place de ces mécanismes de solidarité et de redistribution.

Les mécanismes de solidarités « visent à corriger les inégalités des aléas de carrière ou à accorder des droits supplémentaires à la retraite à certaines catégories de la population,  sans  lien  avec  les  cotisations  versées » selon la DREES2. Ce sont les majorations de durée d’assurance et de pensions pour la naissance et l’éducation d’enfants, les assurances vieillesses et minimas de pensions pour les personnes qui n’ont pas cotisé ou pas suffisamment longtemps au regard des règles en vigueur, etc… Pour mesurer leur poids dans le système, pour l’année 2012, sur les 244 milliards d’euros de retraites versées (droits directs), elles représentent 46 milliards d’euros, soit 18,8%. Le poids de cette politique n’est donc pas neutre, particulièrement au regard de la situation financière du système de retraite. Même si selon les travaux de l’Institut Montaigne3 (2016), à terme les économies escomptées d’une convergence des régimes de retraite public-privé peuvent atteindre 8 milliards d’euros par an, cela sera insuffisant pour couvrir les sommes engagées dans la redistribution.

Les mécanismes de redistribution peuvent aussi être implicites, c’est-à-dire qu’ils sont présents dans les règles initiales et calculs qui déterminent les droits et pensions de retraite, et ne bénéficient pas toujours aux publics qui en auraient le plus besoin. Ainsi les règles demandant une durée d’assurance longue défavoriseraient les personnes à carrière courte, c’est le cas des femmes notamment et des personnes ayant connu des accidents de parcours professionnel. Les femmes qui par ailleurs sont également pénalisées durant leur carrière professionnelle par des salaires moins élevés que leurs collègues masculins. Elles subissent une seconde injustice à la retraite puisque le niveau de pension dépend directement du niveau de salaire. Nous verrons dans les prochains mois si le législateur apporte une réponse à cette problématique.

C’est donc un vaste « chantier » qui est actuellement en préparation et il ne pourra être réduit à sa seule dimension technique, car il couvre un champ philosophique comme économique plus large. Derrière cette simplification et cette équité, se prépare un véritable changement de modèle qui implique des modifications certaines pour les ayant-droits, avec des gagnants et des perdants. La question de la redistribution a toute sa place dans le débat, la solidarité semble techniquement possible, son harmonisation (régime unique) pourrait provoquer des remous.

 

1 http://www.cor-retraites.fr/article510.html

2 http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dss72.pdf

3 http://www.institutmontaigne.org/publications/retraites-pour-une-reforme-durable

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