L’Astuce

Melbourne Mercer Global Pension Index : le système de retraite français en comparaison internationale

par | Nov 7, 2017 | Actualités

Mercer, l’une des principales organisations mondiales du secteur des ressources humaines vient de présenter la neuvième édition (2017) du Melbourne Mercer Global Pension Index (MMGPI)1. Cette étude est menée par Mercer en partenariat avec l’Australian centre for financial studies, laboratoire de recherche de la Monash University (université australienne).

A partir de quarante indicateurs impactant les ressources des systèmes de retraite, chercheurs et consultants ont réalisé une évaluation de systèmes de retraites dans trente pays. Elle se focalise principalement sur l’équilibre financier et économique des systèmes. Ces indicateurs sont divisés en trois sous catégories :

« Adequacy » : La « capacité », le caractère adéquat des moyens, s’intéresse aux ressources et regroupe les niveaux d’épargne, la croissance des actifs, la fiscalité, les taux de propriétaires, les bénéfices, etc… Ces caractéristiques vont dégager des informations sur l’état des ressources, notamment des ménages. Elle contribue à hauteur de 40% de la note finale.

« Sustainability » : c’est la « soutenabilité » ou pérennité des systèmes qui est ici mesurée au travers des éléments de base tels que le niveau de couverture des pensions, la démographie, la croissance économique, l’endettement public ou la somme totale des actifs. Toutes ces données permettent de dégager des perspectives futures à moyen et long terme. Elle contribue à hauteur de 35% de la note finale.

« Integrity » : L’ « intégrité » est une troisième et dernière sous-catégorie relative à la sphère publique et réglementaire qui comprend la régulation, la gouvernance, la communication, etc… Selon l’enquête, ce troisième indicateur permet de mesurer la confiance du citoyen envers la puissance  publique, et in fine le système. Confiance sans laquelle ces systèmes assurantiels ne pourraient perdurer. Elle complète donc la note finale à hauteur de 25%.

Les lecteurs les plus assidus remarqueront que nos travaux, et la plupart des travaux nationaux tels que ceux du Conseil d’Orientation des Retraites, se focalisent bien souvent sur la seconde sous-catégorie, et plus précisément sur la croissance économique et sur la transition démographique.

Dans cette comparaison, il ressort que si les systèmes de retraite sont comparables dans la mesure où ils reposent sur des systèmes assurantiels –  cotisations/prestations – la part de financement public (par répartition) et la part de financement privé (par capitalisation) diffèrent d’un pays à l’autre. Au final, il existe deux logiques, avec d’un côté le modèle européen dans lequel le financement est très majoritairement public et collectif. D’un autre côté, le modèle des pays dits « anglo-saxon », dans lequel il existe une logique de constitution d’une épargne individuelle en vue de la retraite, autour des fonds de pension. Si bien qu’en fonction des pays dans lesquels nous nous trouvons, nous pourrions très bien intervertir le poids des deux sous-catégories dans la note finale. Ces indicateurs une fois analysés vont permettre de calculer une note globale par pays située entre 0 et 100, que l’étude classe en sept catégories :

A : pour une note supérieure à 80 (aucun pays cette année)

B+ : entre 75 et 80, c’est le cas du Danemark, des Pays-Bas et de l’Australie

B : entre 65 et 75, globalement les pays scandinaves, la Suisse

C+ : entre 60 et 65, Allemagne et Royaume-Uni

C : entre 50 et 60, où figurent la France, l’Italie, les Etats-Unis, la Pologne entre autres

D : entre 35 et 50, qui regroupe principalement des pays émergents tels que la Chine, Inde, Argentine. Mais aussi le Japon dont les perspectives démographiques expliquent en partie le résultat.

E : pour une note inférieure à 35 (aucun pays répertorié).

En tête du classement nous retrouvons donc le Danemark avec 78,9 points, qui descend (de peu) cette année de la catégorie A à B+. Et à l’opposé, l’Argentine ferme le classement avec 38,8 points.

La France obtient la note de 59,6 contre 56,4 l’année dernière. Cette progression s’explique par l’amélioration des conditions économiques. Par conséquent, la France passe cette année juste au-dessus de la moyenne générale qui est de 59,1, ce qui n’était pas le cas l’année dernière (56,4 pour une moyenne générale de 58,1). Malgré cette amélioration conjoncturelle, la France n’est que dans  la catégorie C, celle dont les membres ont de « bonnes caractéristiques », mais aussi des « risques majeurs » et où il existe des doutes sur la pérennité des systèmes à long terme. Cette appréciation recoupe à bien des égards les études dont nous nous sommes fait l’écho ici. En ce qui concerne l’ « Adequacy », la France obtient la note de 80,4, soit le meilleur résultat de l’enquête. La France a un important niveau de recettes, plus encore, les ménages sont à la tête d’un important stock de patrimoine. A l’opposé, la pérennité du système obtient une note peu flatteuse de 38,6 points (D). Ceci s’explique par l’évolution démographique (vieillissement de la population), par l’âge légal de départ en retraite au regard de l’espérance de vie, et donc au final par la hausse du nombre d’années passées en retraite.

Le rapport émet en conséquence une série de recommandations visant à améliorer la situation du système français :

  • Augmenter le niveau de capitalisation et donc le niveau et la valorisation des actifs au fil du temps ;
  • Reporter l’âge des retraites ;
  • Augmenter le taux d’occupation des individus en tenant compte de la hausse de l’espérance de vie, c’est la question du travail des séniors.

Dr David Knox, actuaire et senior partner de Mercer, rappelle dans son avant-propos que les systèmes de retraite qu’ils soient publics ou privés connaissent une pression inédite. La transition démographique en cours (vieillissement de la population) en est la principale explication, mais pas seulement : il cible la faiblesse de la croissance économique, les niveaux de dette publique, ainsi que les nouveaux modes de travail. Notamment la « gig economy » qui sort l’individu du modèle salarié pour l’amener vers un modèle qui ressemblerait à de l’entreprenariat individuel avec de multiples missions, mais aussi des interruptions et qui pose la question du financement de la protection sociale, fondé uniquement sur les revenus. Globalement, les tendances mondiales sont comparables, car le fait démographique y domine. Il ajoute que « des réformes importantes sont envisagées ». C’est justement le cas de la France, où sera débattu l’année prochaine la très attendue réforme des retraites, voulue par le Président de la République.  En ce qui concerne la France, le débat autour de la pérennité du système sera donc à nouveau posé et avec lui des choix centrés sur son financement (public ou privé mais aussi son assiette), sur l’harmonisation des systèmes et sur l’âge légal de départ à la retraite comme des conditions de l’augmentation de l’activité des séniors.

1 https://www.globalpensionindex.com/

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