Les dépenses de santé sont traditionnellement mesurées par un indicateur appelé « consommation de soins et de biens médicaux » (CSBM). La CSBM, pour l’année 2016 en France, s’élève à 198,5 milliards d’euros, un montant déjà considérable et en progression de 2,3% sur une année. Quand on mesure l’ensemble des dépenses liées à la santé, hors seuls soins, c’est-à-dire la CSBM complétée de la prévention, la gestion du système de santé, les subventions de recherche, etc… On obtient la dépense courante de santé (DCS). Le montant total de la DCS s’élève à 266,6 milliards d’euros. Au final, la France consacre donc à peu près l’équivalent de 11% de son Produit Intérieur Brut à son système de santé. Ce chiffre nous place dans le peloton de tête des pays de l’OCDE (à peu près 9% en moyenne), derrière les Etats-Unis qui occupent de loin la première place avec 17% de leur PIB consacré à la santé. La moyenne des pays membres de l’Union Européenne ( à 15) étant de 10%, la France ne fait pas vraiment figure d’exception régionale, mais tout de même, elle se situe au-dessus de la moyenne. Cette période d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) nous le rappelle, ces dépenses posent la question de leur financement. Pour rappel, le déficit de l’assurance maladie est de 4,1 milliards d’euros (2017).
Dans une note publiée au mois de Septembre, la direction de la recherche, des études et de l’évaluation et des statistiques (DREES) s’est attachée à déterminer les composantes de la hausse de la CSBM sur la période 2011-2015, à savoir une hausse de 0,2 point de PIB et +8,9%. Sans surprise, le bouleversement démographique que nous vivons, et que nous commentons régulièrement dans nos travaux consacrés aux retraites, expliquent en grande partie ces résultats. Ainsi, dans la mesure où, sur la période, la population a augmenté de 2%, et que la population a vieilli, les dépenses suivent. En ce qui concerne la hausse de la population, c’est mécanique, pour le vieillissement de la population, il engendre des dépenses liées à la dégradation de santé dues à l’âge. La part de la population de 60 à 79 ans représentait 17,7% de la population en 2011, elle représentait 18,7% en 2015. En 2015, la dépense moyenne de santé d’un homme de 70 à 74 ans est près de huit fois supérieure à celle d’un homme d’un âge compris entre 20 et 24 ans.
Sur la période, la moitié des dépenses de santé (+8,9%) est donc due à l’accroissement de la population (+2 points) et à son vieillissement (+2,5 points). Le vieillissement entraine principalement des hausses de dépenses en auxiliaires de santé (+5 %), de transports de malades (+3,6%) et de soins hospitaliers (compris entre +2,8% pour l’hôpital public et +3% pour les cliniques privées). Si on ajoute à ces deux grands phénomènes, les affections de longue durée (ALD), on obtient même 60% de la croissance des dépenses de santé. Cette étude est précieuse, elle permet de traduire et mesurer ce qui d’ordinaire relève de l’intuition ou du sentiment.
Le reste, c’est-à-dire 40% de la hausse des dépenses de santé, serait imputable au comportement des Français, aussi bien du côté de l’offre que de la demande. Pour la demande, il s’agit d’une demande nouvelle de soins. Pour l’offre, elle concerne les pratiques de prescription ou les nouveaux traitements. D’une manière générale, le désir de l’accès à des soins de qualité, qui font appel ou proposent de plus en plus de technologie, va croissant. Les nouveaux comportements et besoins, les nouvelles technologies, le vieillissement de la population, autant de facteurs qui alimenteront dans les prochaines années les dépenses de santé.
La semaine dernière, se tenait à Paris la 2ème édition des matinales sur l’innovation thérapeutique. L’événement réunissait des parlementaires, des économistes, des professionnels de santé, des représentants de l’industrie pharmaceutique, tous spécialistes du système de santé. A cette occasion, Claude Le Pen, économiste de la Santé, interpelait les parlementaires présents. Pour l’universitaire, face aux enjeux (vieillissement, demande de soins, etc…), le financement de notre santé (PLFSS) ne pourra se contenter de traditionnels « rabots » budgétaires visant à économiser de manière diffuse l’équivalent de la hausse naturelle des dépenses de santé. Il plaide – notamment – pour une réforme structurelle du cadrage budgétaire. L’écart de financement des dépenses de soins en France par rapport à nos voisins, la progression des déficits contraint à un réexamen général de l’efficacité de la dépense et de l’optimisation de l’offre face à une demande qui ira croissant.