Le 28 septembre dernier, la Ministre des Solidarités et de la Santé, et le Ministre de l’Action et des Comptes publics, ont conjointement présenté, comme chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018. Cet exercice accompagne et complète tout en étant distinct, le projet de loi de finance général. A l’issue de la discussion parlementaire, une fois le texte adopté, les niveaux de dépenses sociales et de santé « visés » pour l’année 2018 seront ainsi fixés, en fonction de prévisions de recettes. La conférence de presse du 28 septembre marque le début de ce traditionnel marathon budgétaire, de la première importance pour la trajectoire de nos finances publiques et plus particulièrement du volet social.
Pour l’année 2017, le financement de la sécurité sociale enregistre une amélioration pour l’ensemble des branches (assurance maladie, accidents du travail/maladies professionnelles, vieillesse et famille), même si la situation de la branche « maladie » reste préoccupante (déficit persistant attendu à -4,1 milliards d’euros). Pour 2018, le déficit de la sécurité sociale devrait se réduire de plus de 3 milliards d’euros par rapport aux dernières prévisions (2017), si bien que le solde du régime général (hors Fonds de Solidarité Vieillesse) pourrait même redevenir positif (1,2 milliards d’euros), un véritable événement. Ce résultat repose toutefois sur deux hypothèses :
- La maîtrise des dépenses de santé. Compte tenu de la hausse naturelle des dépenses de santé, il s’agit de réaliser d’importantes économies afin de diminuer le déficit de la branche de -4,1 milliards d’euros en 2017, à -0,8 milliard d’euros en 2018.
- La poursuite de l’amélioration de la conjoncture économique qui détermine la croissance de l’emploi. Les cotisations sociales reposent en effet sur la progression de la masse salariale. Le Projet de budget table sur une progression de la masse salariale de 3,3% en 2017 et de 3,1 % en 2018, ce qui représente une nette amélioration en comparaison notamment au taux de croissance du Produit Intérieur Brut.
Pour que le solde de la sécurité sociale s’améliore durablement, il faudrait que les facteurs ci-dessus s’inscrivent dans le temps, de manière pérenne. Par ailleurs, toutes les branches ne connaissent pas les mêmes évolutions, si la branche maladie pose problème aujourd’hui, c’est aussi la branche vieillesse qui demain monopolisera l’attention.
La branche vieillesse (retraites du régime de base des salariés privés) a renoué avec l’équilibre en 2016, à savoir 900 millions d’euros d’excédent. Pour 2017, les prévisions laissent penser que la situation s’est encore améliorée, puisque la branche enregistrerait un excédent de 1,3 milliards d’euros. Il faut tout d’abord rappeler que ces résultats comptables ne tiennent pas compte du Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV). Pour appréhender au mieux la situation des retraites, il conviendrait de le comptabiliser. Sur les deux dernières années, le FSV est déficitaire de 3,6 milliards d’euros. Ce montant, rapporté au solde de la branche vieillesse, illustre bien que la situation financière globale demeure en fait déficitaire et donc déséquilibrée.
Mais les projections réalisées vont encore plus loin, puisque dès 2019, la branche vieillesse devrait redevenir déficitaire : à -0,8 milliard d’euros. Ce déficit devrait même se creuser à -2 milliards et -3 milliards d’euros pour les deux années suivantes. Ce qui traduit manifestement une dégradation du solde des retraites. Ces résultats tranchent avec l’optimisme affiché par l’exécutif en 2016 et 2017 sur le sujet. Ce n’est toutefois pas une surprise, rappelez-vous, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR)1 dans son rapport annuel (mois de Juin) annonçait un report du retour à l’équilibre.
Le COR prenait acte de la modification des données démographiques suite à l’actualisation des travaux de l’INSEE. C’est-à-dire que le solde migratoire annuel devrait baisser à +70.000 contre +100.000 auparavant. Elle notait également la hausse attendue de l’espérance de vie, en particulier des hommes. Ces deux modifications pèsent négativement sur les ressources et les dépenses. Mais ces deux facteurs ne produisent leurs pleins effets qu’à plus long terme. Immédiatement, il faut y voir la hausse des dépenses de pensions de retraite : +2,3% en 2018 (contre +1,7% en 2017). Ce qui s’explique d’une part par la « fin » des effets de la réforme de 2010 (report de l’âge légal de départ en retraite), et d’autre part par le retour de l’inflation. Dans la mesure où les retraites sont indexées sur l’inflation, cette dernière a un coût, que les Gouvernements successifs essaient de juguler, notamment en décalant les dates de revalorisation (Octobre pour cette année, Janvier en 2019). Enfin, un jeu comptable que dénonce la Cour des comptes dans son Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale2 (Septembre 2017) : « transferts prévisionnels de recettes entre branches », qui rend difficile la lecture des résultats.
La Cour des Comptes a plusieurs fois mis le gouvernement en garde, récemment elle insistait sur le fait que : « Cette dégradation fait apparaître l’urgence de mesures de redressement supplémentaires pour rétablir l’équilibre financier du régime de base des salariés du secteur privé, FSV compris… ». Les perspectives de long terme du cadre démographique, les prévisions négatives à court terme de la branche vieillesse, nous invitent effectivement à nous interroger sur les moyens qu’il convient de mettre en œuvre pour assurer la pérennité du financement des retraites. La prochaine réforme des Retraites, proposition de campagne du Président de la République, devrait être examinée en 2018. A cette occasion, il pourrait être utile de se replonger dans un autre rapport de la Cour des comptes, son Audit annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques3 présenté en Juin, dans lequel les Sages présentent toute une série de mesures qui permettraient d’améliorer durablement la situation financière du système des retraites.
1 https://www.cercledesepargnants.com/retraites-lequilibre-financier-a-nouveau-differe/
2 https://www.cercledesepargnants.com/securite-sociale-2016-on-loin-compte/
3 https://www.cercledesepargnants.com/retraites-diagnostic-de-cour-comptes/