L’Astuce

Allemagne : près d’un million de retraités en activité

par | Sep 12, 2017 | Actualités

Le 24 septembre prochain, notre voisin allemand renouvellera les 630 sièges du Bundestag, son Parlement. Ce même Parlement élira ensuite le Chancelier fédéral. A la tête du pays depuis déjà 12 ans, la Chancelière Angela Merkel, semble la mieux placée pour l’emporter et servir un quatrième mandat. Cela ne veut pas dire que la coalition conservatrice CDU-CSU qu’elle dirige, pourra se passer de former une coalition avec d’autres partis. L’immigration ou « Crise des réfugiés » a particulièrement monopolisé les débats durant cette campagne électorale. Mais la campagne a également fait émerger un autre sujet : la situation des retraités allemands. En effet, l’Allemagne, pays vieillissant fait face à une réduction de sa population active. Si la situation démographique est connue, si la nécessité d’une réforme future est souvent débattue, la campagne a mis plus particulièrement en avant la situation de retraités dans « l’obligation » d’occuper une activité professionnelle pour des raisons économiques.

Selon l’Institut fédéral de la statistique1, ce sont près d’un million (964.000) de retraités allemands âgés de plus 65 ans qui occupent une activité professionnelle. Ceci correspond à 6% de cette population. Le taux d’emploi grimpe même à 14% pour la tranche 65-69 ans. La très grande majorité de ces retraités en activité (72%) occupe une activité partielle. Pour 61% d’entre eux, la retraite reste la principale source de revenus, cette activité constitue donc un revenu complémentaire. Mais pour 35% des retraités en activité, le travail constitue désormais leur principale source de revenus. Aussi pour beaucoup d’observateurs il est clair que pour ces deux catégories la motivation budgétaire est loin d’être anecdotique. Pour les seconds, la situation est même critique, puisque la survie économique du retraité dépend directement de sa capacité à travailler.

En France aussi le travail des retraités est une réalité. Selon les statistiques de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, 368.504 retraités cumulaient une activité salariée et une pension de retraite en 2016 (hors indépendants). Si le volume est moins important, 2,8% des retraités, il faut souligner la dynamique : +50% entre 2009 et 2016. Deux observations sont nécessaires toutefois pour pouvoir réaliser une comparaison avec l’Allemagne :

  • l’âge moyen de ces personnes en France est de 67 ans, soit l’âge légal (voté) de départ en retraite en Allemagne ( pour les générations nées après 1964) ; 
  • si la moitié des « cumulards » déclare travailler principalement parce que leur retraite « ne suffit pas pour vivre aujourd’hui ». La raison économique n’est pas la seule et unique explication dans la mesure où les pensions servies aux retraités « cumulards » en 2016 sont en moyenne 20 % plus élevées que celles de l’ensemble des retraités de droit direct.

La retraite mensuelle moyenne en Allemagne avoisine les 1.100 euros brut, elle est donc inférieure à la moyenne française : 1.376 euros brut. De plus, elle marque de fortes disparités entre les individus (la retraite dépend de la carrière). Pour des raisons historiques et sociologiques, elle marque aussi d’importantes disparités entre les hommes et les femmes, l’Est et l’Ouest depuis la réunification.

En 2015, la Cour des comptes, dans son rapport annuel sur les comptes de la Sécurité sociale avait livré un intéressant comparatif France-Allemagne2. Elle estimait que les systèmes sont « aujourd’hui comparables dans leur conception d’ensemble ». Elle ajoutait cependant que l’évolution des systèmes diffère, principalement du fait de réformes plus marquées du côté allemand, et reconnait par opposition à la France un caractère « plus avantageux et solidaire ». Au final selon Eurostat, en prenant en compte les dépenses de pension de retraite et d’invalidité, publiques et privées, les dépenses représentent 15,2% du PIB en France et 12,3% du PIB en Allemagne.

Entre 2000 et 2014 l’assurance vieillesse a engrangé 16 milliards d’euros d’excédents en Allemagne, contre 65 milliards d’euros de déficits pour la France. C’est cette « rigueur » budgétaire qui est aujourd’hui décriée en Allemagne. La période électorale s’y prête tout particulièrement. Il faut y voir une offensive contre ceux qui envisagent déjà une nouvelle réforme des retraites pouvant porter l’âge de la retraite à 69 ans. Un projet de réforme qui émerge depuis quelques mois, essentiellement budgétaire, basé sur le constat de prévisions démographiques défavorables. Des prévisions qui pourraient toutefois être un peu atténuées par l’arrivée massive de migrants, qui à court terme pourraient générer de l’activité et des cotisations supplémentaires pour le système, et à long terme modifier et améliorer le ratio démographique.

Pour ce qui est de la France, les leçons à tirer de cette observation semblent de deux ordres :

  • l’importance des déficits de nos régimes de retraites appelle une réforme de fond dont les intentions ont été énoncées dans le principe d’une unification de nos systèmes de retraite, et la nomination d’un haut-commissaire aux retraites pour mettre en route cette réforme.
  • La solidarité s’accompagnera probablement aussi d’un relèvement de l’âge de la retraite qui correspond à l’allongement de la vie.
  • Le taux d’activité des personnes à la retraite devrait continuer d’augmenter dans les années qui viennent.
  • Enfin il semble aussi acquis que nos systèmes de solidarité s’accompagneront du renforcement des modes d’épargne complémentaires individuels. Le débat sur l’instauration de fonds de pension devrait bientôt refaire surface dans notre pays.

 

1https://www.destatis.de/EN/Publications/Specialized/Population/BrochureOlderPeopleEU0010021169004.pdf?__blob=publicationFile

2https://www.cercledesepargnants.com/les-retraites-allemands-mieux-traites-que-les-retraites-francais/

 

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