L’Astuce

Vaudra-t-il mieux prévenir que guérir ? Notre système de santé face aux défis conjoints du vieillissement et de l’innovation thérapeutique

par | Juil 18, 2017 | Actualités

En France, les dépenses sociales représentent 31,5 % du produit intérieur brut (PIB). Ce qui fait de notre pays le champion en la matière des pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques, dont la moyenne se situe à 21% du PIB. Le bouleversement démographique actuellement en cours a pour conséquence de fragiliser la pérennité financière de notre système de retraite. Le rapport de la Cour des comptes, dont nous vous avons restitué la semaine dernière le diagnostic et les propositions, les récents travaux du Conseil d’Orientation des Retraites, nous le rappellent. Les dépenses de retraite ont un pendant : les dépenses de santé. La hausse de l’espérance de vie, le vieillissement de la population, le coût des innovations thérapeutiques, tirent fort logiquement les dépenses de santé à la hausse. Là aussi, la trajectoire budgétaire de ces dépenses pose à terme la question du financement du système de santé. La Cour a justement formulé des propositions sur le sujet, nous vous les présentons.

Les dépenses publiques de santé représentaient 178,2 milliards d’euros en 2015. Toutefois, pour mesurer le coût des dépenses globales, il convient d’ajouter la part de dépenses prises en compte par les organismes complémentaires, à savoir les mutuelles, sociétés d’assurances et instituts de prévoyance, ce qui porte les dépenses de santé à un niveau de 194,6 milliards d’euros. Pour rappel, la dépense totale de santé, c’est-à-dire publique et privée, représente elle la somme totale de 262,5 milliards d’euros, soit à peu près 12% du PIB. La Cour des Comptes ne manque pas de nous alerter : ce taux de dépenses est « parmi les plus élevés du monde », « l’assurance maladie est constamment en déficit depuis 1989 », il est encore de -4,8 milliards d’euros pour l’année 2016 ; autant de raisons de mettre en place « une maîtrise plus rigoureuse et plus active de la dynamique des dépenses de santé ». Car outre les déficits qu’il engendre, ce niveau de dépenses n’est pas justifié par une espérance de vie largement supérieure aux pays auxquels la France peut se comparer (pour les français, en 2014, l’espérance de vie à 65 ans est de 19,7 ans, et de 24,2 ans pour les françaises, parmi les plus élevées du monde selon l’OCDE, avec l’Australie, le Japon, la Suisse et l’Islande, l’Italie, l’Espagne ou encore la Nouvelle Zélande pour les hommes).

Particularité nationale, la France confère à l’hôpital une place centrale dans le système de santé, l’hôpital est au cœur de son offre de soins. Si beaucoup d’actions ont été menées pour recomposer l’offre et réduire le nombre d’hôpitaux (en moyenne -17% sur 20 ans), cette tendance s’essouffle. Pourtant, les bassins de population ont évolué, les techniques et services de santé également, il serait donc possible et souhaitable « d’approfondir la recomposition de l’offre en fonction d’un critère de qualité et de sécurité des soins », comme le préconise la Cour.

Parmi cette offre, la chirurgie ambulatoire, alternative à l’hospitalisation traditionnelle, apparait comme source « d’économies considérables ». L’idée n’est pas nouvelle, elle représente déjà en 2015 47% des actes chirurgicaux, contre 28% en 2003. Si son essor est certain, la Cour estime qu’elle est « beaucoup moins développée en France que dans des pays comparables ». Elle y voit donc une piste pouvant rapporter 600 millions d’euros.

Autre constituante de l’offre de soins, les soins de ville représentent un important vivier d’économies. La Cour estime qu’il existe une « décorrélation » entre la densité de professionnels de santé (médicaux et paramédicaux) et la population. Concrètement cela signifie que certaines zones sont surdotées, qu’un « rééquilibrage des installations » est nécessaire et que les coûts peuvent être davantage maîtrisés par le biais « d’accords multi-professionnels ».

Dans la prise en charge du patient, une catégorie, celle des personnes en Affection de Longue Durée (ALD) est relativement importante. En effet, les personnes en ALD bénéficient d’une prise en charge intégrale. Aujourd’hui ce sont 30 pathologies qui sont concernées. Ces dépenses « constituent une part majeure et croissante des dépenses d’assurance maladie. » La Cour préconise l’instauration d’un « forfait global de rémunération » de la prise en charge de ces patients. Actuellement, le parcours de soins, le nombre de consultations, dans le cadre d’un paiement à l’acte, ne permet pas d’envisager sereinement le financement de ces dépenses. L’idée avancée serait de mettre en place ce forfait sur le modèle développé en Allemagne.

La Cour a également listé les « dépenses à fort enjeu » qui gagneraient à être maitrisées. Ainsi les dépenses de soins infirmiers et de masso-kinésithérapie en exercice libéral représentent 10 milliards d’euros. Elles enregistrent surtout une inquiétante croissance de +5,7% par an entre 2000 et 2014. Ce qui, selon les sages, « excède l’incidence normale du vieillissement de la population ». Ils préconisent donc un renforcement des contrôles et visent une économie de 300 millions d’euros par an. Autre sujet récurrent, le développement des médicaments génériques dont l’utilisation est « nettement plus faible que chez nos voisins ». En privilégiant le générique, les économies escomptées sont de 2 milliards d’euros sur une dépense totale de médicaments de 23,2 milliards d’euros (en 2015). L’imagerie médicale est également citée, en insistant sur la régulation et la pertinence de l’acte, c’est une économie annuelle comprise entre 200 et 500 millions d’euros qui est possible.

Enfin difficile de ne pas parler de la prescription d’arrêts de travail. Ils représentent 16,6 jours par an pour les salariés du secteur privé. La presse nous a récemment appris qu’un médecin généraliste des Hauts-de-France avait prescrit en 2016, sur une période de quatre mois, le total de 4200 jours d’arrêt maladie. Cet exemple illustre à lui seul le rôle du corps médical, et les marges possibles sur cette enveloppe qui représente 7,4 milliards d’euros. Sur le sujet, l’assurance maladie entend réaliser 100 millions d’euros d’économies pour l’année 2018. Il s’agit de l’objectif annoncé dans le dernier rapport annuel « Charges et produits », où elle détaille les 2 milliards d’économies qu’elle compte réaliser pour 2018, après les 1,4 milliards d’euros visés pour l’année 2017.

Le gouvernement présentera à la rentrée son projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si l’objectif national des dépenses d’assurance maladie est reparti à la hausse, 1,8% en 2016 et 2,1% en 2017, il entend réaliser 15 milliards d’économies sur le quinquennat. Nous savons que la hausse naturelle des dépenses est de +2,3% par an, et que pour équilibrer les comptes il convient de réaliser des économies, limitant la croissance des dépenses au moins au rythme de l’inflation (soit 0% en volume). Le Président avait fait de la soutenabilité financière un des piliers du volet santé de son programme.

Certains arbitrages commencent à être avancés : concernant le financement du compte pénibilité, la réintroduction d’un jour de carence dans le secteur public. Au-delà de la maîtrise des dépenses, le gouvernement devra réfléchir à la mise en œuvre d’une politique de prévention. Celle-ci a un certes un coût, mais mieux vaut prévenir que guérir.

M