La Cour des comptes vient de présenter son audit annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques. Pour 2017, le déficit public attendu est de -3,2 % du produit intérieur brut (PIB), contre un objectif affiché par la Loi de Finance à -2,8%. Cette différence s’explique par des dépenses supérieures sur le budget de l’Etat pour 5,9 milliards d’euros, et des recettes surévaluées pour environ deux milliards d’euros. La Cour porte un jugement particulièrement sévère sur l’évolution des comptes publics : elle met en lumière l’extrême lenteur de l’ajustement des comptes publics de notre pays, bien en deçà des engagements pris et par rapport à nos voisins européens (hormis l’Espagne, seule avec la France à présenter un déficit budgétaire encore supérieur à 3%). La Cour considère que la France n’a guère produit de réduction significative des dépenses publiques – dont l’essentiel a été le fait de l’amélioration de la conjoncture ou de la réduction du coût de la dette publique.
Dans le cadre de nos travaux, nous nous sommes tout particulièrement focalisés sur le volet consacré aux dépenses de retraite. Les dépenses de retraite représentent 330 milliards d’euros en 2015. Cet important niveau est porté par une dynamique générationnelle : l’arrivée en retraite des générations issues du baby-boom. Ce niveau de dépenses est supérieur de 37,3% au niveau enregistré en 2006, soit une hausse annuelle moyenne de +2,1%. Pour juguler le phénomène, notre système de retraites a fait par le passé l’objet de multiples réformes, qui modifiaient principalement les durées de cotisation et l’âge de départ en retraite. Ces réformes visaient essentiellement à garantir l’équilibre financier du système. Ce qui n’est pas garanti aujourd’hui1.
Si les sages sont toujours attentifs à cet objectif, ils insistent également sur un second objectif davantage méconnu de notre système des retraites, celui d’assurer « une équité accrue entre actifs, entre actifs et retraités et entre retraités en fonction des générations et des statuts professionnels ». Une volonté qui rappelle fortement l’idée centrale du Président de la République dans son projet de réforme des retraites, à travers l’harmonisation des méthodes de calcul des pensions de retraite.
Salariés du secteur privé : un important contingent
Les dépenses de pension de la Caisse Nationale d’Allocation Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS), qui gère les retraites de base des salariés du privé, et les dépenses de retraites complémentaires AGIRC-ARRCO représentent 191,8 milliards d’euros en 2015. Ce qui en fait la plus importante catégorie. En 2016, le régime de base enregistre un déficit de -2,8 milliards d’euros. De plus, les récentes prévisions réalisées sont plutôt pessimistes, puisqu’avec une croissance de la productivité de 1,3%, ce déficit devrait encore se creuser (0,8% PIB). Des corrections devront surement être apportées pour rétablir la trajectoire budgétaire à moyen et long terme. Ainsi la Cour des comptes présente différentes mesures telles que :
- Un report de l’âge de la retraite de 62 à 63 ans permettrait une économie annuelle de 2 milliards d’euros. Un passage à 64 ans, produirait 5 milliards d’euros d’économies par an.
- L’allongement de la durée d’assurance à 44 années, rapporterait elle 4 milliards d’euros.
- La sous indexation des pensions d’un point, rapporterait elle 0,3 milliard d’euros.
Le rapprochement des régimes de retraites
Sont visées ici principalement les retraites de fonctionnaires, qui représentent 63,8 milliards d’euros. Depuis la réforme de 2003, puis celle de 2010, des rapprochements avec les règles du secteur privé ont été introduits. Mais selon les sages, cette « harmonisation » demeure « incomplète ». La prise en compte des six derniers mois de traitement indiciaire dans le calcul de la pension de retraite, en comparaison aux vingt-cinq meilleures années du secteur privé, illustrent bien le chemin qu’il reste à parcourir. La Cour nous alerte sur le fait que « les pensions de retraite des fonctionnaires vont continuer à représenter une lourde charge pour le budget de l’État, tandis que la soutenabilité du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers n’apparaît pas assurée ». Autrement dit, considérant l’évolution des dépenses de retraite de fonctionnaires, la part de financement de l’Etat au regard de sa santé financière, le régime devra se réformer. Le rapport semble écarter une fusion avec les régimes du secteur privé et privilégie la poursuite intensive de la convergence. Il est mentionné un allongement de la période de référence retenue pour le calcul des pensions. A titre d’exemple, retenir les dix meilleures années contre les 6 derniers mois actuellement, représente une économie annuelle de 1 milliard d’euros (horizon 2040). Sont ciblés également les avantages ou bonifications liés à la situation conjugale et/ou familiale, et états de service (étranger), etc…
Les pensions de réversion
Elles ont souvent été « épargnées » par les différentes réformes. Elles représentent 33,5 milliards d’euros. Les pensions de réversion ne répondent actuellement pas vraiment au critère d’équité, tant il existe de très grandes disparités dans les conditions d’attribution entre secteurs privé et public, mais aussi à l’intérieur même des différents régimes. Selon les sages, il existe de « profondes disparités de situations comme de situations d’une grande complexité ». Ces pensions jouent toutefois un « rôle majeur » notamment dans la réduction des inégalités de niveaux de retraites entre hommes et femmes, héritage du passé et de la plus faible activité des femmes. Ces phénomènes tendent à s’atténuer avec les nouvelles générations et l’apparition de carrières complètes pour les femmes notamment. Dans certains cas même, celui de veuves à carrière complète, le système peut « porter leur niveau de vie à un niveau supérieur à celui antérieur à leur veuvage ». Ce qui n’est évidemment pas l’objectif initial de la pension de réversion, et illustre bien le besoin de mettre à jour notre système. Là aussi, un important travail d’harmonisation des conditions d’âge, des conditions de ressources, de taux de réversion, etc… mériterait d’être mené selon la Cour.
Plus d’équité et de transparence, c’est la promesse initiale de la réforme des retraites en cours de préparation. Le Premier Ministre dans son discours de politique générale a réaffirmé l’ambition de « le rendre plus juste et plus transparent », sur la base d’un euro cotisé ouvrant les mêmes droits pour tous. A ce stade, le gouvernement entend agir sur l’harmonisation des systèmes pour rééquilibrer les comptes, à durée de cotisation et âge de la retraite inchangés. Au regard des dynamiques démographiques décrites par le Conseil d’Orientation des Retraites, il n’est pas certain que cela suffise.
1 https://www.cercledesepargnants.com/retraites-lequilibre-financier-a-nouveau-differe/