Les Français sont à la tête d’un important stock d’épargne qui atteint 4500 milliards d’euros. Ce patrimoine financier pèse pour 43% de leur patrimoine total. Il existe dans notre pays une multitude de produits distribués par les banques et les compagnies d’assurances, qui permettent de répondre à peu près à toutes les attentes et motivations d’épargne. Des livrets réglementés tels le très populaire Livret A (78% de détenteurs), etc… ; ou des livrets non réglementés ; des Plans d’épargne en actions (PEA), Logement (PEL), Retraite Populaire (PERP), etc… ; des assurances-vie (49% de détenteurs) en fonds euros, et/ou en unités de compte ; des comptes-titres, etc… qui offrent des débouchés à cette partie du revenu non consommée (environ 15% en France) : l’épargne.
Si l’épargne est abondante et que la dynamique de collecte et d’encours est importante, de plus en plus d’observateurs s’interrogent sur l’utilité d’un tel volume d’épargne, et davantage encore sur sa finalité. En effet une grande partie de cette richesse finance la dette publique grandissante ou bien encore l’immobilier, et au final marginalement le tissu productif. Ceci s’explique par des raisons réglementaires, fiscales et sociales, qui ont un rôle central dans le choix de l’épargnant. Si bien qu’il serait possible d’influencer le flux de cette épargne, en intervenant sur ces différents leviers.
L’agence France Stratégie a publié une note1 d’analyse sur le sujet le mois dernier. Si on ne peut pointer du doigt le niveau d’investissements public et privé, et le niveau d’infrastructures dans notre pays. Il conviendrait, selon ses experts, d’apporter des « changements profonds » dans les modalités de financement de l’investissement. Ainsi on pourrait attendre une hausse du financement par fonds propres, et diminuer le traditionnel recours à l’endettement.
Le capital en infrastructures, ou le capital humain, deux facteurs de la compétitivité future ont pour caractéristique de s’inscrire dans une perspective de rentabilité de long terme. Le niveau d’endettement de l’État limite de plus en plus ses capacités d’intervention dans ces domaines. L’évolution réglementaire prudentielle réduit les moyens disponibles des investisseurs traditionnels (banques, assurances, etc…). L’épargnant, dont les motivations d’épargne répondent souvent à cet horizon lointain, devrait donc s’affirmer comme un des acteurs centraux de cet investissement. En effet, si la précaution, principale motivation de constitution d’une épargne2 (pour 41% des Français) ne présente pas de temporalité. Les trois autres principales raisons d’épargne que sont l’aide d’enfants et petits-enfants (33%), la préparation de la retraite (20%), et le risque de dépendance (13%) s’inscrivent davantage dans le long terme.
Dans cette note, l’institution préconise deux pistes :
- « Rationaliser et verdir les 54 niches fiscales et sociales ». L’idée serait à terme de supprimer des niches qui au fil des années auraient perdu de leur sens, ou seraient jugées moins pertinentes ou prioritaires. Ces niches pourraient être remplacées par de nouvelles incitations, répondant davantage aux préoccupations « modernes », telles l’écologie. Il suffirait par exemple de fixer une part minimale d’actifs verts pour en bénéficier, ce qui favoriserait la transition énergétique.
- « Déconnecter totalement l’incitation fiscale du support d’épargne ». Chaque actif serait mesuré et obtiendrait un score au regard des objectifs poursuivis indépendamment du support. Ainsi, seule la finalité serait prise en compte, le produit d’épargne ou support ne serait plus déterminant.
La réorientation de l’épargne est une préoccupation partagée par le nouveau Président de la République. Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle, a émis le souhait de réorienter l’épargne vers l’économie productive. Parmi les propositions avancées, il était question d’« un prélèvement unique sur les revenus du capital, de l’ordre de 30% ». L’attention s’est surtout focalisée sur l’assurance-vie. Dans ce cadre, le projet avait pour conséquence de provoquer une hausse du prélèvement forfaitaire à 30 %, contre 23 % aujourd’hui (prélèvements sociaux compris). L’accueil a été plus que mitigé. Pour rappel, l’assurance-vie c’est plus de 1600 milliards d’euros d’encours, et près d’un Français sur deux en possède une, le sujet est d’autant plus sensible que les épargnants tendent à renforcer leur comportement de précaution en cas de pression fiscale accrue ce qui peut finir par impacter la croissance de la consommation.
Si la campagne électorale ne permettait pas au Président de développer davantage son projet et ses mesures, la très large majorité parlementaire (Assemblée nationale) obtenue ce dimanche 18 juin, le calendrier électoral, devraient désormais lui permettre d’avancer sur le sujet. Nous devrions connaître, dans les prochains mois, les mesures que le Gouvernement entend prendre pour optimiser l’allocation de cette épargne et stimuler la croissance économique dont nous avons besoin. Ces mesures pourraient s’inscrire dans le cadre plus large de la convergence des réglementations et de la fiscalité européenne en matière d’épargne afin de faciliter la transparence des marchés, leur fluidité et leur liquidité en favorisant les investissement transfrontaliers. C’est donc en partie à l’échelle de l’Europe qu’il faut chercher les solutions de la relance de l’investissement privé, notamment vers la nouvelle économie.
1http://www.strategie.gouv.fr/note-danalyse/mettre-fiscalite-de-lepargne-service-dune-croissance-durable
2Selon l’enquête annuelle du Cercle des Épargnants (2017) : https://www.cercledesepargnants.com/sondage-2017-francais-lepargne-retraite/