L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) vient de publier une projection à horizon 2070 de la population active française. L’institut entend par population active l’ensemble des personnes de plus de 15 ans à 64 ans, susceptibles de contribuer à la production nationale. Elle représente donc le nombre total de personnes susceptibles de cotiser pour alimenter le système des retraites, c’est-à-dire les ressources indispensables au bon fonctionnement des régimes.
Le conseil d’orientation des retraites (COR) qui suit l’évolution des retraites a également pour habitude de raisonner sur le long terme. Le COR utilise d’ailleurs ces mêmes projections pour calculer le solde financier du système. Dans les précédentes études, la principale information retenue était la tendance globale à long terme (2060) de la diminution du ratio de dépendance. Pour rappel, cet indicateur mesure le rapport entre le nombre de personnes en âge de travailler et la population dite inactive (personnes âgées). Cette dernière projection est précieuse, puisqu’actualisée sur la base des toutes dernières hypothèses démographiques, elle prend également en compte les réformes des retraites de 2010 et 2014 et leurs effets sur le taux d’activité. Toutes ces données vont permettre au COR d’appréhender le plus fidèlement possible la nouvelle trajectoire financière du système.
Les hypothèses démographiques retenues par l’INSEE sont les suivantes :
- Un solde migratoire annuel de 70.000 personnes
- Une fécondité de 1,95 enfant par femme
- Une baisse de la mortalité au même rythme que par le passé.
Ces trois variables ne produisent pas les mêmes effets sur la population active. La baisse de la mortalité ne l’impacte pas directement, car elle concerne essentiellement les personnes en situation de retraite. Elle n’est pas neutre pour autant, car à terme elle dégrade l’équilibre des retraites par le nombre de futurs pensionnés. En ce qui concerne le taux de fécondité, il est stable, il aura une influence à partir de 2030, date d’arrivée sur le marché du travail des nouvelles générations. Enfin, le solde migratoire a un rôle immédiat sur la population active (majoritairement des hommes en âge de travailler). Le nouveau solde migratoire retenu est de 70.000 contre 100.000 auparavant, il est donc moins favorable en terme de progression de la population active. (Plus de précisions concernant ces nouvelles données démographiques sur notre site : https://www.cercledesepargnants.com/retraites-evolution-demographique-favorable/)
Quelle évolution de la population active ?
Selon l’INSEE, en France, en 2015, la population active est de 29,5 millions de personnes qui se divisent en 26,4 millions occupant un emploi et 3 millions en situation de chômage. La tendance moyenne observée ces dernières années est de 152.000 personnes actives supplémentaires par an. A horizon 2070, la population active serait toujours en croissance, mais à un rythme beaucoup plus faible : +45.000 actifs par an en moyenne. Dans le détail, sur la période 2015-2040 la croissance annuelle serait de +62.000 actifs, pour passer ensuite jusque 2055 à un rythme annuel de +22.000 actifs supplémentaires, avant de repartir légèrement à la hausse +39.000 jusque 2070. Au final, la population active projetée serait de 32,1 millions.
L’étude présente donc une évolution positive de la population active mais marque un ralentissement certain. Si d’ici 2070 la population des 15 ans ou plus devrait augmenter de 10,7 millions de personnes, dans le même temps les personnes de 70 ans ou plus devraient connaitre une hausse colossale de +8,4 millions, doublant ainsi leur nombre pour représenter 26% de la population en ménages ordinaires (15 % en 2015). L’évolution de la population active est relativement moins importante que celle des personnes en situation de retraite. Le ratio démographique va donc mécaniquement se dégrader. Dans les précédents travaux de 2011, l’INSEE aboutissait à un ratio cotisants/pensionnés de 1,5 en 2060 ( contre 1,9 aujourd’hui). Ces nouvelles projections dégradent un peu plus encore ce ratio pour le situer à 1,4 à horizon 2070.
Ces travaux prennent en compte également « l’occupation » de cette population. L’INSEE s’est focalisée sur les effets des réformes de retraite, notamment sur l’activité des 55 ans et plus. Le relèvement de l’âge de la retraite a pour effet de moduler les départs en retraite des 60-64 ans. Il semblerait que ces effets soient « précocement » ressentis et qu’ils aient déjà produit leurs effets les plus significatifs. Au final, le taux d’activité des hommes de cette catégorie progresserait entre 2015 et 2040 de 30% jusqu’à 70%, celui des femmes de 29% à 60%. Le taux d’activité des 65-69 ans qui représente 5% pour les femmes, et 7% pour les hommes passerait, en projection, à horizon 2070 à 10% et 20% respectivement. Sur la période 2015-2070, le taux d’activité global des personnes en âge de travailler (15-64 ans) augmenterait de 3,6 points. Mais élargi à l’ensemble de la population, et étant donné le poids relatif des 70 ans ou plus, le taux d’activité global enregistrerait une baisse de 4,6 points.
Cette étude renforce la perspective d’une révolution démographique qui aurait pour conséquence de dégrader un peu plus encore le ratio démographique. Sous le poids du ralentissement de la croissance de la population active, et du vieillissement de la population, ce sont les ressources qui se retrouveront sous tension, et les dépenses de pension qui augmenteront. La pérennité financière de notre système de retraites reste donc posée pour de nombreuses années.