L’Astuce

Quelle majorité pour le programme économique du nouveau Président ?

par | Mai 9, 2017 | Actualités

Le 7 mai 2017, les Français ont choisi Emmanuel Macron pour les représenter à la tête du pays. Le nouveau Président de la République a été élu avec une confortable majorité de 66,1% des suffrages exprimés. Le risque systémique tant redouté par les marchés est finalement écarté. Mais si la légitimité du nouveau président ne saurait être contestée, la capacité de son mouvement En Marche, à réunir une majorité absolue lors des élections législatives de juin reste incertaine. Car ce n’est pas tant l’absence de programme – dont on l’a longtemps accusé – que la perspective de réformes économiques ambitieuses voulues par le nouveau Président qui soulèvent de nombreuses inquiétudes et réticences.

Le score final de l’élection appelle de ce point de vue au moins deux commentaires : D’une part l’outrance des propositions de Marine le Pen, notamment sur la sortie de l’euro a clairement effrayé nombre d’électeurs. D’autre part, le taux d’abstention et de bulletins blancs particulièrement élevé laisse à penser que nombre d’électeurs restent méfiants sinon hostiles au programme économique et social du nouveau Président.

Ainsi, le résultat de l’élection a bien éloigné un risque politique majeur et permis de renforcer la confiance des épargnants et des investisseurs sur la France et même sur la zone euro. Place désormais aux réformes qu’Emmanuel Macron entend mener.

Sur le plan économique, le Président Macron a présenté un programme de réformes en plusieurs étapes :

 

  • il entend lancer tout de suite l’une des grandes réformes promises : « le projet de loi d’habilitation pour simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation ». Dans le prolongement de la loi dite El-Khomri, Emmanuel Macron veut s’attaquer à une réforme plus en profondeur du code du travail. Sa volonté est d’ouvrir la discussion autour de la flexibilité du temps et de l’organisation du travail, de la majoration des heures supplémentaires, en rapprochant la prise de décision au plus près de l’entreprise, ou de la branche. Il entend également relancer le projet de plafonnement des indemnités prudhommales. Allant au-delà des lois Macron/El Khomri, ces mesures visent à créer un choc de compétitivité en assouplissant le cadre actuel. Compte tenu de la difficulté d’adoption de ces mesures, le Président voudrait pouvoir procéder par ordonnance.

 

  • Le nouveau gouvernement devra ensuite s’attaquer à la réforme de l’assurance chômage et à la formation. Celle-ci passerait par l’élargissement de l’assurance chômage aux professions indépendantes et aux personnes qui démissionneraient de leur emploi, tout en instaurant un suivi des personnes au chômage par la mise en œuvre du principe « de deux  offres raisonnables ». La mesure représente un coût de 4,8 milliards d’euros. Cependant la situation financière de l’assurance chômage est fragile, en 2017 le déficit est de -3,6 milliards d’euros, et la dette accumulée atteint 33,6 milliards d’euros. C’est pourquoi il entend passer d’une logique assurantielle dans laquelle les actifs payent une cotisation chômage, à un modèle où l’ensemble de la population supporterait une hausse de la Cotisation Sociale Généralisée (CSG) qui permettrait d’équilibrer et d’étendre l’assurance chômage. Cette mesure aurait donc des incidences fiscales et budgétaires qui pourraient là aussi rencontrer des oppositions.

 

  • A plus long terme encore, le programme comprend une remise à plat du système des retraites. L’idée est de supprimer la distinction entre régimes public et privé, de basculer dans un système de retraite par points et de fusionner les 37 régimes de retraite existants. Bien que cette réforme soit proposée en échange d’un maintien au niveau actuel de l’âge légal de départ à la retraite et la promesse d’une montée en charge très étalée dans le temps, le gouvernement Macron devra s’assurer de larges soutiens dans et hors des Assemblées.

 

  • Afin d’améliorer les comptes publics et entamer une réduction de la dette, le Président entend arbitrer entre dépenses régaliennes et soutien à la consommation et à l’investissement par une réorientation des dépenses publiques (réduction du nombre de fonctionnaires hors augmentation des effectifs de sécurité, 15 mds d’économies sur l’assurance maladie 10 mds sur l’assurance chômage) ; et financement de 50 mds d’investissements et suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages, tandis que l’ISF serait cantonné au patrimoine immobilier.

 

Évoluant dans un contexte conjoncturel plus porteur, le nouveau gouvernement se fixe donc pour priorité la réforme du marché du travail dès l’été, réservant les mesures financières à la mise au vote du projet de loi de finance de 2018, cet automne.

Les commentaires au soir de l’élection, laissent à penser que la campagne des législatives sera menée par le mouvement de la majorité présidentielle sur cette plateforme, sans laisser place à des compromis d’avant-scrutin.

Bien que les sondages créditent le mouvement du Président d’au moins la majorité relative, celui-ci pourrait bien devoir trouver des alliances pour mettre en œuvre son projet. La formation d’une grande coalition – bien qu’inédite sous la Vème République – ne peut donc pas être exclue.

Sur le plan européen, la levée successive des hypothèques populistes aux Pays-Bas et en France a contribué à renforcer la confiance des investisseurs dans l’euro. Les élections allemandes de l’automne – au regard des sondages récents et des dernières élections régionales – ne présentent certainement pas le caractère aussi tranché que les deux précédentes. Reste à venir au plus tard au printemps 2018, les élections législatives italiennes. Bien qu’ayant perdu le référendum de novembre, le réformiste Matteo Renzi a regagné la tête de son parti et conduira sa coalition. Son programme économique réformiste – en partie mis en œuvre en 2014 avec le Job act – rejoint sur les principes, celui du Président Macron en donnant la priorité à la levée des rigidités du marché du travail et la réduction des dépenses publiques dans le cadre du projet européen.

Nous pensons que la France et l’Italie seront les prochains pays à engager les réformes, réalisées avant eux par leurs voisins européens, afin de revitaliser la croissance et réduire le chômage de masse.

 

 

 

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