Le 23 avril 2017, les Français ont qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle le candidat d’En Marche, Emmanuel Macron avec 24,01% des suffrages exprimés, et la candidate du Front National Marine Le Pen avec 21,03%. Si le score qui les sépare est faible, il existe bel et bien un fossé entre les deux projets défendus. Le volet économique illustre particulièrement ces différences.
Le lundi 24 avril, c’est avec bienveillance, que les marchés ont accueilli l’élimination de Jean-Luc Mélenchon (+4,14% pour le CAC) et l’éloignement du spectre d’un second tour extrême droite/extrême gauche. Ils ont pu également saluer la position de tête du candidat d’En Marche.
Tout d’abord les deux candidats ne se projettent pas dans le même espace économique et sont en opposition totale sur leur vision de l’Europe. Marine Le Pen, entend sortir de l’Union et de la zone euro. Même amendé par l’alliance avec N. Dupont-Aignant, il s’agit bien là du premier pilier de la stratégie économique de la candidate. Son objectif est de revenir au Franc en promettant de retrouver la pleine maîtrise de la monnaie, de s’affranchir ainsi des contraintes de Maastricht (niveaux de déficits et de dette) et de corriger par la dévaluation et la fermeture des frontières, la compétitivité des entreprises françaises face à ce qu’elle dénonce comme la « mondialisation sauvage ».
Outre les partenaires de la France, ce programme soulève la crainte des marchés comme des épargnants. Il pose notamment l’épineuse question du renchérissement du coût de la dette française, voire même d’un risque de défaut de la dette nationale, et d’éclatement de la zone euro. En ce qui concerne l’épargne des ménages, la menace qui pèse est donc celle d’une dévalorisation de l’épargne des Français à travers la dépréciation de la valeur des actifs détenus dans les différents portefeuilles (obligations d’Etat et des entreprises notamment). L’Institut Montaigne estime qu’une sortie de l’euro engendrerait une récession économique de -2,3% sur un an, et une perte de 9% de PIB à terme.
Emmanuel Macron a pris le parti de défendre les couleurs de l’Europe, ce que peu de candidats ont osé faire dans le climat eurosceptique ambiant. Son parcours professionnel, son âge, la place réservée à la société civile dans son équipe comme dans ses soutiens et son mouvement, tout pousse à présenter Emmanuel Macron comme le candidat de la mondialisation pour ses détracteurs ou plutôt d’une France ouverte à l’international pour ses partisans. Il souhaite « plus » d’Europe, plus d’intégration économique et politique. Ce qui se traduirait par la création d’un gouvernement économique et un budget propre à la zone euro, financé par transfert équivalent de budgets nationaux. La France pourrait ainsi bénéficier de la période de renforcement de l’activité économique en Europe et dans le monde pour mettre en œuvre un programme de réformes structurelles sans crainte de pression sur sa dette.
Au niveau domestique, dans la gestion publique, le Front national promeut plutôt les grands thèmes de la Gauche, à savoir un retour de la retraite à 60 ans, le maintien des 35 heures, la baisse des tarifs du gaz ou de l’électricité. D’un autre côté, les ressources sont, elles moins détaillées, et les prévisions de croissance retenues de 2018 à 2020 dans le cadrage économique s’échelonnent de 2% à 2,5% bien au-delà de la croissance constatée ces dernières années ou encore la croissance potentielle, estimée entre 1,0% et 1,5%.
Nous revenons sur une des mesures des programmes des deux candidats, celle concernant les retraites. La proposition 52 du programme de la candidate du Front National : « fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans avec 40 annuités de cotisations pour percevoir une retraite pleine », est chiffrée par la candidate elle-même à 17 milliards d’euros. L’Institut Montaigne table plutôt sur un surcoût de 27 milliards d’euros. Comme nous l’avons rappelé dans nos précédents articles, les études convergent pour montrer qu’étant donné le niveau actuel de la croissance, de la puissance de la révolution démographique que nous vivons et qui produit actuellement ses effets, le système des retraites montre d’ores et déjà des signes de fragilité (Branche retraite du PLFSS + Fonds solidarité vieillesse en 2016 = -2,7 milliards d’euros). Dans ces conditions, comment supporter un tel retour en arrière ?
De son côté, Emmanuel Macron entend se lancer dans une réforme plus globale du système des retraites. Pour des raisons d’équité, et de transparence pour les assurés eux-mêmes, il entend :
- Supprimer la distinction entre public et privé.
- Introduire un système de retraite par points, tel qu’un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé.
- Fusionner les 37 régimes de retraite existants.
Selon les travaux de l’Institut Montaigne (2016), qui a travaillé sur ce sujet de la convergence des régimes de retraite public-privé, le gain pourrait être à terme d’environ 8 milliards d’euros par an. L’Institut, sur la base de travaux du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), estime la réforme techniquement faisable, mais complexe administrativement. Les économies de gestion réalisées ne permettraient pas à elles seules à corriger la trajectoire du solde budgétaire. La question de la pérennité financière du système serait donc toujours posée bien que de façon moins urgente. L’unification des régimes de retraites aurait en revanche le mérite d’une plus grande lisibilité pour les cotisants et leur permettrait de mieux anticiper leurs revenus dans l’avenir. Dans un monde où beaucoup changeront d’employeur, voire de statut ou de pays durant leur carrière, plus de transparence et de visibilité pourraient soutenir la mobilité.
Au regard des études que nous avons présentées au long de nos précédentes chroniques, il ne fait pas de doute qu’un retour à 60 ans de l’âge de la retraite, même théorique (car conditionné aux 40 annuités, elles aussi revues en baisse par rapport au régime actuel), est à l’inverse des évolutions récemment constatées partout dans l’OCDE, et bien sûr à l’inverse de l’évolution démographique en cours. Elles ne pourraient que reconduire les régimes de retraites aux déficits croissants.