L’Astuce

Le « trou » de la sécurité sociale va-t-il se refermer ?

par | Avr 25, 2017 | Actualités

La dette de la France représente à peu près 97% du Produit Intérieur Brut (PIB), environ 2150 milliards d’euros. Cette dette est alimentée par d’importantes dépenses publiques, qui pèsent pour 57% du PIB (2015). A elles seules, les dépenses sociales représentent 31,5% de son PIB, ce qui place la France au premier rang des membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en la matière. La moyenne des dépenses sociales des pays de l’OCDE étant de 21% du PIB, cela signifie qu’il existe ici probablement des anomalies ou des économies potentielles selon le point de vue. Si on entre encore un peu plus dans le détail, les dépenses de retraite et de santé représentent l’essentiel de ce chiffre, à savoir respectivement 14,3% et 8,6% du PIB (contre 8% et 6% pour la moyenne des pays OCDE). Ces dépenses sont à l’origine du déficit de la sécurité sociale, le fameux « trou de la sécu ».

Le débat public en cette période de campagne électorale a vu la division en deux camps très opposés entre les engagements plus ou moins marqués de réduction des dépenses publiques, et les promesses elles aussi plus ou moins larges de dépenses accrues et d’impôts supplémentaires. Pourtant le communiqué de presse commun des ministres des Finances et des Affaires sociales du 16 mars dernier portant sur la sécurité sociale est passé quelque peu inaperçu. L’exécutif y annonce un redressement des comptes de la sécurité sociale pour 2016. Nous citons : « Le solde du régime général de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’établit à -7,8 milliards d’euros en 2016, en amélioration de 3 milliards par rapport à 2015… ».

On peut trouver de bonnes raisons de se féliciter de ce résultat. S’il s’agit d’un déficit, ce dernier est en nette diminution, c’est le niveau le plus faible depuis 2002. C’est la première fois depuis 15 ans que le déficit passe sous la barre des 5 milliards d’euros. Le résultat est même supérieur aux attentes initiales du vote de la loi de financement de la sécurité sociale, à savoir un déficit attendu de -9,7 milliards d’euros. La branche retraite repasse dans le vert, situation inédite depuis 2004, avec 900 millions d’euros d’excédent. La branche accidents du travail-maladies professionnelles est toujours excédentaire. Les déficits de la branche famille, de la branche maladie, et du FSV sont inférieurs à ceux enregistrés en 2015.

Mais il ne faudrait pas oublier que le régime général demeure déficitaire depuis plus de 15 ans. Le caractère structurel de ce déficit, les récents résultats, illustrent l’incapacité de répondre à la problématique du financement de la sécurité sociale. Pour 2016, la branche famille est encore déficitaire. Il en est de même pour la branche maladie, qui malgré les efforts entrepris (réduction d’un Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) à 1,8%, soit l’ONDAM le plus faible des 18 dernières années), continue de démontrer la difficulté à atteindre un équilibre budgétaire en ce qui concerne les dépenses de santé. Le comité d’alerte sur le respect de l’ONDAM dans son avis du 13 avril 2017 a pointé du doigt une situation « très contrastée selon les différents sous-objectifs de l’ONDAM. » A titre d’exemple, les objectifs de dépenses de soins de ville ne sont pas tenus. L’objectif initial de croissance était de les limiter à 1,8%, elles progressent de 2,3%. Les dépenses de prestation sont supérieures aux objectifs. Ce qui démontre la difficulté de contenir la demande, c’est-à-dire les dépenses.

La croissance prévue des dépenses de l’ONDAM pour 2017 a été fixée à 2,1%, ce qui peut être interprété comme une forme de relâchement de la pression budgétaire. Par rapport à l’année précédente, l’exécutif a donc assoupli cet objectif. Il faut dire que les personnels de santé ont manifesté à plusieurs reprises leur mécontentement. Autre information, le comité d’alerte dans son avis du 12 octobre 2016 avait déjà indiqué que le « respect de l’ONDAM 2017 serait soumis à de fortes tensions… ». Un ONDAM en hausse, potentiellement non respecté, ce sont deux indicateurs qui laissent à penser que les dépenses de santé vont continuer d’alimenter les déficits cette année.

Par ailleurs, et malgré les effets de la réforme de 2010, la situation du système des retraites s’apprécie à la lumière du FSV. Ce dernier étant déficitaire de -3,6 milliards d’euros, il manque donc toujours 2,7 milliards d’euros pour atteindre l’équilibre. A moyen et long terme, il faut garder à l’esprit que les générations issues du baby-boom n’ont pas fini de produire leurs effets sur le solde financier du système des retraites.

Fort logiquement, du fait de la hausse de l’espérance de vie, les dépenses de santé et les pensions de retraite sont difficilement contenables. Elles posent aujourd’hui, et demain plus encore, la question de la pérennité financière de notre système de protection sociale dans son ensemble. Un système auquel sont attachés les Français, nous l’avons enregistré dans notre dernière enquête1, et constaté lors de la campagne présidentielle lorsque le sujet a été abordé. La pression fiscale étant déjà relativement forte dans notre pays, il apparaît périlleux d’y voir les ressources supplémentaires permettant d’absorber notre choc démographique. Une croissance économique forte apparait comme la solution miracle qui permettrait de sortir de cette impasse (sans douleur), elle fait malheureusement défaut. Sans intervention, le risque est de voir à terme le reste à charge des dépenses de santé augmenter (8,4% en 2015), les pensions de retraite diminuer.

 

1 https://www.cercledesepargnants.com/sondage-2017-francais-lepargne-retraite/

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