Il y a deux semaines à peine, Michel PEBEREAU, ancien inspecteur général des Finances, ancien dirigeant du secteur bancaire, a présenté pour le compte de l’Institut de l’Entreprise un rapport intitulé : « Dépense publique : l’état d’urgence ». Ce rapport fait suite à celui rédigé par le même auteur et intitulé: « Rompre avec la facilité de la dette publique », commandé par Thierry BRETON, alors Ministre de l’Economie et des Finances, nous sommes en 2005.
Dans la préface du rapport de 2005, le Ministre précisait les grandes lignes de la mission qu’il a confiée à Mr PEBEREAU :
- Éclairer les Français sur l’origine et les conséquences de cet endettement.
- Proposer au Gouvernement des mesures qui permettront de retrouver les moyens de « mener une politique encore plus active de croissance sociale. »
Alors que la situation était déjà jugée très préoccupante en 2005, elle n’a fait que s’aggraver depuis.
- La crise de 2008 est certes venue accroitre l’importance de la dette publique supportée par la France.
- Le rapport constate également que la hausse continue des dépenses qui résultent de facteurs plus structurels, tels que la dépense sociale. Ainsi, les déficits enregistrés de la sécurité sociale depuis quinze ans, en particulier des branches maladie et vieillesse (retraites) s’expliquent davantage par des raisons démographiques – vieillissement de la population – que par la faillite de Lehman Brothers.
Lorsque le Ministre préface le rapport de 2005, l’encours de la dette publique est alors de 1117 milliards d’euros, soit près de 66% du Produit Intérieur Brut. En 2017, celle-ci atteint désormais 2150 milliards d’euros, soit près de 97% du PIB. C’est un quasi doublement sur juste un peu plus de 10 ans. En 2016, le déficit de l’Etat s’est élevé à 70 milliards d’euros. Les dépenses publiques représentent 57% du PIB en 2015.
Or cette augmentation a semblé presque indolore, car dans le même temps, la baisse sensible des taux d’intérêt a permis à l’Etat de continuer de se refinancer à des coûts si bas, que le coût total annuel des remboursement des intérêts de la dette n’a pas augmenté sur la même période, stabilisé à près de 42,1 milliards d’euros (en 2015).
Ces chiffres inquiètent de par leur volume, et ils font peur de par leur dynamisme. En 1974, la dette représente seulement 12% du PIB. Dans les années 60, les dépenses publiques pèsent 35% du PIB. Les dépenses publiques comme la dette françaises, apparaissent véritablement hors de contrôle.
On pourrait se rassurer en disant que nous ne sommes pas seuls. Ce n’est pas le cas. Force est de constater que bon nombre de pays, y compris les pays scandinaves réputés « dépensiers », au sens où la puissance publique intervient dans de nombreux domaines, ont su inverser la tendance, et diminuer leur niveau de dépenses publiques. La France se trouve isolée, elle est même visée par une procédure européenne pour déficits excessifs, au même titre que la Grèce et le Portugal. Sans même parler de notre voisin allemand qui lui affiche des excédents budgétaires et profitant de la formidable baisse des taux d’intérêt, devrait voir sa dette totale retrouver le seuil de 60% du PIB dès l’an prochain (contre encore plus de 70% récemment). En 2015, le déficit public français était de – 3,5 % du PIB, contre – 2,1 % du PIB dans la zone euro et – 2,4 % du PIB pour l’Union dans son ensemble. En 2016 il s’établit à 3,4% du PIB.
Le rapport PEBEREAU 2017, souligne également l’effet négatif de cette dette sur la compétitivité de notre économie. L’auteur met en avant les travaux de Richard RAHN qui estime qu’au-delà « d’un niveau de 30 %, la croissance du secteur public affecte négativement le développement économique ». Il est bien évident qu’à un certain niveau de dette et de déficits, les efforts mobilisés pour son remboursement se font au détriment de dépenses « productives ». Cela concerne bien sûr l’Etat dans son arbitrage budgétaire, qui peut reporter ou annuler des investissements stratégiques. Cela concerne également les entreprises, qui sous la pression fiscale, sont confrontées au même mécanisme. Cela concerne également les particuliers, qui selon le même modèle repoussent un investissement ou freinent leur consommation.
Nous l’avons vu, cette dette est aujourd’hui bon marché, un peu moins qu’hier déjà. Mais les taux se tendent actuellement :
- dans la perspective d’un relèvement des taux directeurs de la Réserve Fédérale, l’ensemble des rendements remontent d’une part,
- d’autre part, la dette française se voit pénalisée (bien qu’encore modérément) par le risque politique propre à son élection présidentielle prochaine. Ceci est assez nouveau et tient au fait que certains partis prônent le retrait de la zone euro, ou même une renégociation de notre dette publique, voir une augmentation des dépenses.
Alors que près de 60% de notre dette négociable est détenue par des investisseurs non-résidents, de telles perspectives ne peuvent qu’inquiéter nos créanciers.
Alors que nous flirtons avec le seuil de 100% de dette, M. PEBEREAU estime dans son rapport que la hausse d’un point de taux, représentera une surcharge de 16 Md€ à horizon 2026 et 2,1 Md€ dès la première année, sur le coup de la dette.
En conclusion, Michel PEBEREAU s’inquiète de l’absence de débat autour de la problématique de la dette dans le cadre de la présidentielle. Cette question était pourtant bien présente dans les élections précédentes. Même s’il est difficile d’obtenir l’adhésion des électeurs à un projet de réforme, bien souvent et trompeusement qualifié « d’austérité ».
Au-delà des raisons d’équité générationnelle, la maîtrise et la réduction de nos dépenses publiques apparaissent comme la façon la plus sûre de dégager les moyens nécessaires dont nous avons besoin pour donner un souffle à notre économie.