Le conseil d’orientation des retraites (COR), entité publique qui « suit l’évolution des régimes et fait des propositions pour assurer leur solidité financière et leur fonctionnement solidaire », vient de se réunir le 25 janvier dernier. Ses experts sont connus pour les projections qu’ils réalisent chaque année sur le système de retraite français à moyen et long terme. Leurs projections reposent sur des hypothèses économiques de croissance – fondées sur leur estimation de l’évolution de la productivité et du chômage – ainsi que sur des hypothèses démographiques. Historiquement, les données démographiques utilisées sont celles de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). C’est justement le critère démographique qui est au cœur de cette réunion, nous vous en livrons les principaux enseignements.
Dans ses derniers rapports, le COR utilisait les projections démographiques publiées en 2010. Entre chaque recensement, l’INSEE mène une enquête démographique tous les cinq ans. La dernière en date vient d’être présentée en fin d’année 2016. Dans ses travaux (scénario central), l’Institut estime que la France comptera 76,5 millions d’habitants au 1er janvier 2070 (+10,7 millions par rapport au dernier recensement de 2013). Cette croissance s’accompagnera d’un vieillissement de la population. En effet, à cette date, les plus de 65 ans représenteront plus du quart de la population contre 17,5% en 2013. Cette proportion devrait augmenter fortement dans les prochaines années pour se stabiliser au-delà de 2040. Il s’agit – à court et moyen terme – de la conséquence de l’arrivée en âge de retraite des générations issues du Baby-boom. La part de personnes âgées augmentant, ce sont des pensions de retraite en plus grande nombre qui devront être versées.
Le constat énoncé ci-dessus n’est pas nouveau. En revanche, les données démographiques qui viennent d’être présentées enregistrent des variations par rapport aux précédents travaux qui ne sont pas neutres pour le système des retraites.
Parmi les trois composants de la démographie, le taux de fécondité ne subit pas de modification, il est toujours de 1,95 enfants. Le solde migratoire lui enregistre une baisse et se situe à +70.000 personnes contre +100.000 précédemment. Ce résultat s’explique pas la hausse de la mobilité observée, par l’amplification du nombre de départs à l’étranger. Enfin, l’espérance de vie – principalement des hommes – est revue à la hausse. L’espérance de vie à la naissance des hommes en 2060 augmenterait de +2,5 années, et celle des femmes de +0,6 année. En 2070, l’espérance de vie à la naissance atteindrait respectivement 90,1 ans et 93 ans. Au final, en 2070, l’espérance de vie à 60 ans s’établirait à 31 années pour les hommes et 33,6 années pour les femmes. Cette hausse augmente mécaniquement le nombre de pensionnés, et le nombre d’années passées en retraite. De plus, un solde migratoire moins fort c’est également un nombre de cotisants plus faible. Ces deux dynamiques qui aboutissent à une augmentation du solde de dépendance, c’est à dire du « rapport entre le nombre de personnes âgées et le nombre d’adultes en âge de travailler », devraient donc aggraver le solde déficitaire du système des retraites.
Le rapport des « 60 ans et plus sur 20-59 ans » qui a oscillé entre 0,30 et 0,39 sur la période 1950-2006, passerait ainsi de 0,53 en 2020 à 0,78 en 2070, et le rapport des « 65 ans et plus sur 20-64 ans » évoluerait de 0,36 à 0,57. Par rapport aux dernières projections, c’est une hausse du rapport démographique de +3% à horizon 2040 et +6% à horizon 2060.
Le COR qui traditionnellement présente son rapport annuel au mois de Juin chiffrera précisément l’impact de ces nouvelles données démographiques sur le solde financier du système des retraites. D’après les informations données dans les différents documents de travail de la présente réunion, et des précédents travaux, nous pouvons estimer qu’il en résulterait un besoin de financement supplémentaire compris entre 10 et 15 milliards à horizon 2040 et 2060.
L’allongement de l’espérance de vie est de loin le facteur central de ces évolutions et celui qui donne ce caractère unique à l’évolution prévisible de nos sociétés au regard de notre histoire. Le fait que l’INSEE revoit en baisse le solde migratoire contribue à la détérioration supplémentaire du ratio de dépendance dans les années qui viennent. Ces éléments d’information supplémentaire ne pourront que renforcer le camp des partisans d’une poursuite nécessaire de la réforme des retraites. Les générations post baby-boom, seront des « classes creuses » et ne peuvent que se sentir plus incitées encore à préparer leur retraite, et ce le plus tôt possible. Les français, déjà champions de l’épargne, devraient ainsi rester dans le haut du classement mondial.