L’Astuce

Retour sur l’année 2016 : est-ce la fin d’un cycle ?

par | Déc 23, 2016 | Actualités

23 décembre 2016, permettez-nous de vous souhaiter à tous de très belles fêtes de fin d’année ainsi qu’à tous vos proches. L’année arrive à son terme, c’est l’occasion de revenir sur les faits marquants de ces 12 derniers mois du point de vue de l’économie et des marchés.

Sur le plan conjoncturel, après un début d’année décevant, la croissance globale s’est plutôt redressée au cours du deuxième semestre de cette année. Ainsi les Etats-Unis retrouvent un rythme de croissance proche des 3% au troisième trimestre. La croissance française devrait progresser cette année de 1,2% à 1,3%. C’est moins que les 1,5% prévus au début de l’année. Cela tient beaucoup au rythme chaotique de l’activité d’un trimestre à l’autre et au contrecoup des attentats qui ont frappé notre pays. L’Europe dans son ensemble a plutôt bien résisté aux différents moments d’incertitude politique et économique qui ont émaillé l’année, bien que progressant en moyenne à rythme encore très modéré. La Chine continue de ralentir, mais à un rythme contenu par des politiques publiques fortement interventionnistes. Du côté des pays émergents, bien qu’encore en récession, la Russie et le Brésil sont en phase de stabilisation, tandis que les pays producteurs de pétrole et de matières premières ont cessé de voir leur situation se détériorer grâce à la remontée des prix du brut.

Du fait de ce début d’année morose, la croissance mondiale manque d’accélérer cette année (3,1% selon le FMI) par rapport à l’an passé (3,2%), mais pourrait repartir de l’avant en 2017 (+3,4% attendus par le FMI).

Celle-ci se caractérise aussi par un net repli du commerce mondial, qui reflète en grande partie le ralentissement des importations en provenance de Chine et la baisse des besoins en matières premières. De plus des facteurs plus structurels sont à l’œuvre : alors que les 15 années qui ont précédé la crise de 2008 conjuguaient l’éclatement géographique des chaînes de production et une globalisation du commerce mondial avec depuis 2000 l’entrée de la Chine dans l’OMC, ces facteurs d’expansion marquent le pas et l’on peut craindre que n’apparaissent des tensions protectionnistes plus marquées.

On peut aussi noter qu’en dépit des fortes incertitudes politiques, que ce soit le vote en faveur du « Brexit » en juin dernier ou l’élection de Donald Trump en novembre, les économies ont fait preuve d’une assez grande résistance, du moins dans l’immédiat. Il n’en reste pas moins que certains mouvements de devises laissent présager des tensions à venir.

En effet, depuis le referendum du mois de juin au Royaume-Uni, la livre sterling a perdu plus de 15% de sa valeur face à l’euro. De même, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis a relancé le mouvement d’appréciation du dollar, déjà entamé ces dernières années. Ainsi la devise américaine s’approche du seuil de 1,03 euro, contre 1,10 en début d’année et en provenance de près de 1,40 au printemps 2014.

Depuis le début de l’année, les prix du pétrole se sont nettement redressés, passant d’un plus bas à près de 30$/baril à près de 55$/baril en fin d’année pour le Brent de la mer du Nord.

Enfin, l’année se clôt sur une divergence croissante des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique et du Pacifique : alors que la Banque Centrale Européenne et la Banque du Japon prolongent leurs politiques monétaires ultra accommodantes (qui se traduisent par des achats d’obligations sur les marchés) et de taux de rémunération à court terme négatif, la Réserve Fédérale américaine a relevé son taux directeur en décembre et a annoncé son intention de procéder à au moins trois nouvelles hausses en 2017.

Est-ce la fin d’un cycle ?

C’est dans ce contexte que les investisseurs se demandent si l’on n’a pas (enfin) touché le bout d’un cycle de baisse tendancielle des rendements obligataires, cycle entamé il y a presque trente ans, avec la politique de lutte contre l’inflation. En effet, alors qu’en début d’année on comptait près de 13 000 milliards de dollars de dettes dont les taux étaient négatifs, les rendements obligataires de moyen et long terme sont soudain remontés : le taux de l’emprunt d’Etat à 10 ans américain est ainsi passé de près de 1,40% en juillet dernier à près de 2,60% en décembre. Sur la même période le rendement de l’emprunt d’Etat Français de référence OAT 10 ans a frôlé le zéro, pour finir l’année à près de 0,7%.

Le contexte de taux très bas en Europe s’explique en grande partie par l’absence de pressions inflationnistes cette année encore, tandis que les achats d’actifs par la Banque Centrale Européenne raréfient l’offre et poussent les investisseurs vers la recherche de rendements notamment sur les marchés actions. De plus, l’accentuation des divergences de politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique, la perspective d’une relance budgétaire et fiscale d’ampleur l’an prochain aux Etats-Unis, accentue encore l’écart entre les taux obligataires européens et américains. Au total, et malgré le « non » au referendum italien, la fermeté de la Banque Centrale Européenne a plutôt dissuadé les spéculations de fin d’année.

C’est donc dans cette atmosphère un peu euphorique que les principaux marchés actions ont signé de nouvelles performances : l’indice Dow Jones frôle le seuil historique des 20 000 points juste avant la trêve de Noël, soit une hausse de plus de 14% sur l’année. L’indice CAC 40 termine sur une hausse plus modeste de 4%, une performance positive comme l’indice DAX allemand, ce qui contraste avec les baisses en Europe du Sud et en Suisse.

De ce point de vue, l’année 2016 se termine donc mieux qu’elle n’avait débuté. Ceci donne un élan plutôt positif à l’orée de 2017. Alors faut-il craindre ou espérer le retour de l’inflation ?

  • La remontée des prix du pétrole va mécaniquement pousser les prix à la hausse. En zone euro, où des capacités de production non employées subsistent, la transmission de ces hausses dans les prix finaux pourrait peser sur le pouvoir d’achat des ménages.
  • Aux Etats-Unis, et dans les pays où les capacités de production non employées ont baissé et alors qu’ils ont retrouvé le plein emploi (Allemagne, Royaume-Uni) on peut s’attendre à des transferts vers les salaires. Mais dans un contexte où ces dernières années ont vu l’investissement baisser, il reste à savoir si cette première poussée entrainera une reprise plus marquée de l’investissement ou si elle ne fera qu’amoindrir encore les gains de productivité.

Les incertitudes politiques continuent de peser sur la conjoncture globale. Les conflits ouverts ou larvés subsistent et à ceux-là s’ajoute désormais l’affirmation d’intérêts concurrents entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine, qui pourraient se traduire par des tensions tant politiques que commerciales.

L’année qui vient devrait donc se marquer sur le plan des marchés par un éloignement croissant entre les politiques monétaires menées aux Etats-Unis d’une part et celles poursuivies en Europe, au Japon, en Suisse, au Royaume-Uni et en Chine d’autre part. Ceci devrait se traduire par une poursuite du renforcement du dollar.

Les investisseurs parient d’ores et déjà sur ce scénario, attendant aussi de la part du nouveau Président américain Trump, une politique de soutien actif à la croissance sans que l’on puisse en déterminer encore l’ampleur et les contour exacts, car même avec une majorité Républicaine dans les deux chambres du Congrès, le Président n’aura pas tout à fait les coudées franches en matière budgétaire.

Plus généralement la rigueur budgétaire ne semble plus à l’ordre du jour, mais au contraire des politiques favorisant la reprise de l’investissement seraient encouragées. Il n’en reste pas moins que les états les plus endettés ne pourront échapper à des arbitrages plus drastiques dans leurs dépenses courantes s’ils veulent se recentrer sur des politiques d’innovation et les missions régaliennes de sécurité.

Sur le plan politique, l’année 2017 devrait débuter avec l’ouverture officielle des négociations de sortie de l’UE pour le Royaume-Uni. Celui-ci a revu en nette baisse ses prévisions de croissance, compte tenu de l’impact attendu de ces négociations sur l’investissement dans le pays. La France et l’Allemagne seront en campagne électorale et les risques terroristes pèseront probablement encore sur la confiance et l’activité.

Que peuvent attendre les épargnants ? Comme nous l’avons montré dans notre précédent article, une remontée des rendements obligataires – encore bien modeste – ne se traduira pas immédiatement dans le contrats d’assurance du fait de l’inertie propre à ces contrats. Les perspectives de soutien voire de ré-accélération de l’activité dans l’année qui vient sur fond de politique monétaire très accommodante, et de repli de l’euro, laissent présager d’une poursuite de la progression des marchés boursiers tirés par l’amélioration des marges bénéficiaires des entreprises.

Un retour de l’inflation devra être pris en compte dans le calcul du rendement des produits d’épargne, notamment réglementés qui ont tous été ajustés en fonction d’une inflation nulle. Une remontée sensible des taux d’intérêt pourrait aussi toucher le marché de l’immobilier, une moindre capacité d’emprunt des ménages pourrait peser sur les prix de vente.

Enfin, un calendrier électoral 2017 encore chargé devrait accroître la volatilité à court terme. Plutôt que d’essayer de suivre « les tendances » au jour le jour – exercice délicat, sinon impossible – les épargnants devront privilégier une stratégie d’épargne de long terme. Car derrière ces mouvements un peu erratiques se profilent des tendances de long terme plus profondes qui participent de la transition technologique et énergétique que nous sommes en train de connaitre.

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