L’Astuce

Âge de la retraite : principe de réalité

par | Déc 13, 2016 | Actualités

L’institut IPSOS vient de réaliser un sondage sur les attentes des Français concernant leur retraite. A partir de cette enquête réalisée fin novembre, l’institut a déterminé que l’âge « raisonnable » moyen pour partir en retraite était de 61 ans et demi selon les sondés. Derrière ce chiffre se cachent des disparités en fonction des différentes catégories socio-professionnelles, des âges, des niveaux de revenus et des affinités politiques, que nous vous restituons.

Les Français sont majoritairement (52% des sondés) favorables à un départ avant 62 ans, âge légal pour le départ en retraite. Dans le détail, les sympathisants de gauche (61%), les revenus modestes (60%), les catégories populaires (56%) et les jeunes de moins de 35 ans (56%), sont les plus attachés à un départ précoce en retraite.

18% se prononcent pour un niveau égal à 62 ans et semblent donc accepter l’actuelle législation. C’est le cas notamment des catégories moyennes et supérieures (22%), et des sympathisants du Front National (21%). 30% sont favorables à un âge de départ en retraite supérieur à 62 ans. Ce sont les sympathisants de droite (55%), les revenus élevés (42%), les diplômés (Bac +3 et plus), les plus de 55 ans (37%), les catégories moyennes et supérieures (35%).

Pour résumer l’âge de la retraite est jugé trop élevé pour la majorité des Français. Ce sentiment est particulièrement fort chez les jeunes générations et les publics les plus impactés par les réformes des retraites. Il semblerait que ces derniers soient pour le moment plutôt insensibles à l’idée d’un allongement de l’espérance de vie, qui reviendrait in fine à passer le même nombre d’années en retraite que leurs ainés. Les aspirations en matière de retraite sont également corrélées aux affinités politiques et reflètent fidèlement les propositions formulées par les candidats à la Présidence de la République des différentes familles politiques.

L’institut a également demandé aux Français (actifs) quel serait l’âge maximal pour lequel ils seraient prêts à travailler « s’il le fallait vraiment ». L’âge maximal moyen ainsi déterminé est de 63 ans. Il y aurait donc d’un côté le désir, travailler moins longtemps, et d’un autre côté le principe de réalité, un âge supérieur à l’âge légal actuellement en vigueur. Il faut y voir une possible marge de manœuvre pour les décideurs.

Si les Français sont prêts à travailler plus longtemps « s’il le fallait », c’est parce qu’ils sont davantage préoccupés par le montant de la retraite que par le nombre d’années passées au travail. Pour 63% des sondés il s’agit de la principale inquiétude. En comparaison la peur de « partir en retraite à un âge trop avancé » capte 30% des réponses. Ce sont les ménages modestes, les séniors et les femmes qui se montrent le plus inquiets. Cette peur n’épargne pas non plus complètement les ménages aisés, les jeunes et les hommes…

Nous le rappelons régulièrement dans nos travaux, la pression démographique, le vieillissement de la population, l’allongement de l’espérance de vie sont des phénomènes bien réels qui impactent notre système de retraite. Une réalité qui ne peut être éternellement niée. Faute d’augmenter les ressources, c’est-à-dire la cotisation, par son niveau ou par l’allongement de sa période, c’est la baisse mécanique de la pension qui est programmée. Ce que les Français ont bien assimilé. C’est la raison pour laquelle ils accepteraient à la marge de repousser l’âge de départ en retraite, « s’il le fallait ».

Pour rappel, en Allemagne l’âge de départ à la retraite passe progressivement de 65 à 67 ans, et le prochain relèvement y est déjà abordé. La réalité démographique n’est peut-être pas la même. La réalité économique non plus, sommes-nous tentés de dire. En Italie, pays que l’on compare bien souvent à la France, sur le terrain économique, politique et démographique, l’âge légal est de 66 ans (hommes). À 63 ans, la réponse formulée par les Français reste donc éloignée des niveaux de nos voisins. En moyenne, les Français passent en retraite cinq années de plus que les autres pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE). Seront-ils en mesure de préserver cette singularité ?

Sans réforme, il apparait évident que les pensions futures sont condamnées à baisser. Il faut donc penser à sa retraite et la préparer lorsque la situation le permet. Or la France fait face à un chômage de masse structurel qui rend la vie active de plus en plus « incertaine ». Ainsi selon l’enquête, seulement un tiers des actifs épargnent en prévision de la retraite. Faute de moyens, les jeunes de moins de 35 ans (74%) et les ménages les plus modestes (75%), soit moins de 2000 euros, ne développent pas d’épargne dédiée.

On ne pourra plus longtemps faire l’économie d’une réforme en profondeur de notre système de répartition et de solidarité, comme de réforme du marché du travail. Ce seront à n’en pas douter un des thèmes majeurs de la prochaine campagne présidentielle. Dans ce contexte, la constitution d’une épargne complémentaire restera aussi privilégiée par les ménages soucieux de préserver leur revenu de fin d’activité.

M