L’Astuce

Dépendance : mesurer l’ampleur du phénomène

par | Nov 29, 2016 | Actualités

L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) vient de publier un imposant « Portrait social de l’année 2016 ». Si cet ouvrage se veut être « un éclairage sur les jeunes en France », c’est la fiche thématique consacrée aux séniors qui a retenu notre attention.

A la lecture de cette dernière, nous apprenons qu’au 1er janvier 2016 la France compte 12,5 millions de personnes de 65 ans ou plus. Ce qui correspond à 18,8% de la population. Un pourcentage en hausse depuis le début des années 1990, où cette partie de la population représentait alors 13,8 % de la population totale. Lorsque l’on se penche sur le niveau du début des années 2000 (15,8%), nous mesurons l’accélération en cours.

Nous le savons, nous le rappelons régulièrement dans nos travaux, les « Baby-boomers » deviennent des « Papy-boomers ». Les générations d’après-guerre arrivent massivement à l’âge de la retraite. Ce qui provoque un vieillissement accéléré de la population, phénomène accentué par la hausse de l’espérance de vie. La part des séniors dans notre société va continuer de progresser de manière significative dans les prochaines années. Selon de récentes projections réalisées par l’Institut : en 2035, les personnes âgées de 65 ans ou plus représenteront 24,9 % de la population.

A la lecture des projections, nous mesurons les efforts que nous devrons accomplir pour assurer à la fois la pérennité de notre système de retraite, de santé et de dépendance. Autant de défis dans un contexte où notre système de protection sociale montre des signes de fragilité financière (déficits récurrents de la Sécurité sociale).

Le financement des retraites est un sujet prioritaire pour les Français, comme le révèle systématiquement nos enquêtes annuelles. En réponse à cette inquiétude, les ménages ont développé des modes de retraite complémentaire, constitué une épargne ou un patrimoine. Cet important niveau de patrimoine devrait permettre aux néo-retraités, au moins en partie, de compenser une diminution de leurs revenus.

Par ailleurs, l’espérance de vie diffère de l’espérance de vie en bonne santé. Si les Français vivent plus longtemps, ils rencontrent dans un âge avancé des problèmes de santé plus importants aussi. Il est observé que les « incapacités » se développent durablement au-delà de 70 ans. Dans la mesure où les plus de 75 ans représenteront 17,9 % de la population en 2070, contre 6,7 % en 1990, il serait judicieux d’étudier les moyens de répondre à l’équation budgétaire que cette transformation pose.

Seulement 8% des épargnants constituent une réserve pour préparer une éventuelle période de dépendance. Une prise de conscience qui s’accroit logiquement avec les années, puisque ce chiffre atteint 11 % pour les plus de 50 ans et 17% pour les retraités (Enquête du Cercle 2016). Au final, les ménages qui anticipent cette échéance sont peu nombreux. A ce niveau d’impréparation, la question du financement de la dépendance reste entièrement posée.

L’allocation personnalisée à l’autonomie (APA), l’aide la plus symbolique proposée aux personnes âgées dépendantes, illustre la situation : 6% des 75-79 ans en sont bénéficiaires, 13,5% des 80-84 ans et 40 % des plus de 85 ans. Plus on avance en âge, plus le nombre de personnes dépendantes est élevé, plus la part des bénéficiaires de l’APA est importante. De manière mécanique, lorsque la population vieillit, le coût que représente cette aide augmente lui aussi, et in fine l’ensemble des prestations de santé et médico-social.

Bien que son poids budgétaire soit relativement faible en comparaison avec les autres branches de la protection sociale, il nous semble important de mettre l’accent sur la dépendance, tant elle est ignorée. Elle représente bien souvent pour les ménages un effort budgétaire important et soudain qui doit être anticipé. Les dépenses de santé, d’assistance à domicile ou d’hébergement en établissement, d’une personne en situation de dépendance peuvent aisément dépasser ses revenus. A titre d’exemple, le coût mesuré d’une personne en établissement dont le niveau de dépendance est le plus élevé (GIR 1) représente trois fois le niveau moyen de retraite.

Avec le vieillissement de la population, il sera difficile de maintenir notre niveau de protection sociale, de financer les retraites, la santé et la dépendance, uniquement par de la dépense publique. A terme, une hausse de la part du financement privé apparait difficilement évitable. Les ménages français doivent s’y préparer. En parallèle, les pouvoirs publics doivent moderniser notre système et dégager des économies qui permettront de répondre (au mieux) à ce défi budgétaire.

 

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