L’élection surprise de Donald Trump, 45ème Président des États-Unis, a provoqué des réactions de marché particulièrement marquées : hausse des principaux indices boursiers américains, accompagnée d’une nette appréciation du dollar contre toutes devises et d’une forte remontée des rendements obligataires. Les marchés européens ont peu ou prou suivi la même tendance : hausses boursières initiales alors que l’euro reculait contre le dollar, remontée des rendements obligataires. Dans le même temps, les marchés émergents ont été durement touchés, notamment le peso mexicain ou encore le Yuan chinois, et les marchés boursiers de ces pays ont fortement reculé, tandis que le coût de la dette augmentait fortement. Cet accueil reflète les attentes comme les craintes des investisseurs à l’égard de la politique économique que pourrait mettre en œuvre le nouveau Président : promesse de relance de l’activité domestique par la baisse des impôts, allègement des réglementations notamment sur financières et dans le domaine de l’énergie, fin des blocages institutionnels au Congrès, fermeture des frontières commerciales et migratoires.
Aux premiers jours de la transition – le nouveau président ne prendra ses fonctions que le 21 janvier prochain – que reste-t-il vraiment des positions particulièrement extrêmes prises durant sa campagne par Donald Trump ? Jusqu’à quel point pourra- t-il compter sur l’appui du parti républicain majoritaire au Congrès ? Quelles implications pouvons-nous attendre pour les marchés et notamment du côté de la politique monétaire de la Réserve Fédérale et donc des taux d’intérêt ? Si beaucoup d’incertitudes demeurent, on peut tout de même dessiner quelques grandes lignes d’action.
- Que reste-t-il des promesses du candidat Trump ?
Depuis sa rencontre avec le Président sortant Obama, Donald Trump semble vouloir considérer l’idée du maintien de certaines des dispositions de l’Obamacare (« Affordable Care Act ») – le système de santé universel. Mais dans l’ensemble, le système d’assurance santé généralisé serait largement remis en cause. Touchant près de 20 millions d’américains il serait remplacé par un autre système d’assurance encore non précisé.
Pour le système bancaire, le Président Trump serait également décidé et en mesure grâce au Congrès, de tenir ses promesses et revenir sur une grande partie des dispositions de la loi Dodd-Franck, qui a durcit les règles prudentielles en matière bancaire.
Les mesures de baisses des impôts sur les sociétés mais aussi pour certains ménages sont particulièrement attendues et pourraient également rencontrer le soutien du Congrès.
Sur le plan extérieur il est d’ores et déjà clair que l’administration sortante ne pourra pas faire aboutir le traité transpacifique que le nouveau Président n’a aucune intention de voir adopter. De même, il a promis de remettre en cause le NAFTA (l’union commerciale avec le Mexique et le Canada). Quant au Traité transatlantique, qui rencontre aussi l’opposition de nombreux européens, il semble d’ores et déjà enterré. Bien qu’il dispose d’une large initiative en ce domaine, le nouveau Président risque tout de même de devoir prendre en considération les importants intérêts économiques américains en ce domaine.
Pourrait-il aller plus loin et imposer (ou faire voter) des sanctions à l’égard de la Chine ? (relèvement des tarifs douaniers, mise en accusation pour manipulation de la devise) : le Congrès pourrait suivre le Président sur ce terrain, mais le risque d’une guerre commerciale pourrait avoir d’importantes conséquences économiques. Reste à savoir comment la nouvelle administration pourra en réalité obtenir plus de réciprocité commerciale sans trop heurter les intérêts de son industrie.
Reste aussi l’encouragement donné au secteur des énergies fossiles – à commencer par la promesse de recourir au charbon – loin des accords de la Cop21. Là encore, bien qu’il ait tout pouvoir pour ne pas tenir les engagements du pays, le nouveau président semble faire face à une double impasse : sur le plan extérieur, beaucoup de pays y compris la Chine et l’Inde, appellent au respect de l’accord. Sur le plan domestique, la rentabilité de l’exploitation de ces énergies est plus que douteuse dans le contexte actuel de prix.
- La majorité républicaine au Congrès est-elle parfaitement acquise au programme de Donald Trump ?
Nombreux républicains s’étaient détachés du candidat Trump durant la campagne – à commencer par le speaker de la Chambre, Paul Ryan. Leur ralliement ne lui assurera pas d’avoir avec lui une simple « chambre d’enregistrement ».
Sur les questions budgétaires notamment, les difficultés de mise en œuvre d’un programme fiscal cohérent sont grandes. D’un côté une majorité souhaite bien la baisse des impôts et soutient un programment de grands travaux. Mais beaucoup se demandent comment financer de telles mesures sans aggraver les déficits budgétaires et la dette du pays, ce qui n’est pas du goût des plus orthodoxes en ce domaine.
- Quelles implications pour la politique monétaire ?
Les marchés anticipent désormais une action précipitée de la Réserve Fédérale, qui non seulement relèverait ses taux directeurs dès sa réunion de décembre prochain, mais encore pourrait continuer et même accélérer le rythme de sa normalisation monétaire l’an prochain.
Avec une accélération de l’activité, une remontée des prix, et une augmentation des déficits, la Réserve Fédérale ne saurait agir autrement, pensent aujourd’hui la majorité des opérateurs.
Bien qu’il n’a pas ménagé l’institution durant sa campagne, le Président Trump serait enclin à laisser madame Yellen à la tête de la Fed jusqu’au terme de son mandat en 2018. D’ici là, il pourra remplir deux fauteuils restés vacants au comité de gouverneurs. Il pourrait aussi laisser au Congrès l’initiative d’entamer une révision des statuts de la vénérable et centenaire institution. La menace d’une atteinte à son indépendance serait certainement de nature à perturber les marchés.
Sans conteste, la donne a fortement changé ces derniers jours vers plus d’incertitudes et ceci pour plus longtemps que prévu car non seulement le nouveau Président ne prendra ses fonctions qu’en janvier prochain, mais encore on compte que son comité de transition devra nommer au moins 1000 nouveaux fonctionnaires, en remplacement de l’administration sortante. Beaucoup dépendra aussi de la nature de ses relations avec la Congrès. Après les surprises du Brexit et de l’élection américaine, le poids des rendez-vous politiques risque de peser particulièrement lourd sur les marchés, à commencer par le referendum de décembre en Italie ou encore les élections aux Pays-Bas, en France et en Allemagne l’an prochain.