C’est officiel, selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), rendues publiques la semaine dernière, la France est devenue la championne du monde en matière de dépense sociale. Notre pays est historiquement un pays où la protection sociale est très développée, ce n’est pas une nouveauté. Mais elle atteint désormais des niveaux record. La période 1960-2016 se caractérise par une augmentation généralisée des dépenses :
- dans les pays les plus développés (principalement en Europe), les dépenses ont connu une montée continue. Dans un premier temps, ces pays ont proposé toujours plus de « services » et de protection à leurs citoyens. Ils doivent désormais faire face à l’accélération des dépenses du fait du vieillissement de la population.
- Pour les pays émergents, la tendance est également à l’augmentation des dépenses de protection de santé. Il s’agit davantage d’un phénomène de rattrapage, c’est-à-dire que ces pays ont mis en place une politique de protection sociale sur le modèle des pays les plus développés. A noter toutefois, que ces pays partent de plus loin, par conséquent ils se situent encore aujourd’hui au-dessous de la moyenne de l’OCDE.
- Enfin, certains pays ont réussi l’exploit budgétaire de réduire ce niveau de dépenses, entre 1990 et 2016. C’est le cas notamment des Pays-Bas, de l’Irlande, de la Nouvelle-Zélande, du Canada ou d’Israël.
En 2016, la France est désormais le seul pays, avec la Finlande, à consacrer plus de 30% de son PIB à sa protection sociale, 31,5% pour être précis. Pour rappel, la moyenne des pays de l’OCDE est de 21%. La France compte désormais plus de 10 points d’écart avec la moyenne, un écart considérable qui ne peut qu’interpeler, car les pays de l’OCDE regroupent des pays dont les structures économiques et même démographiques sont à bien des égards comparables. Si la plupart de ces pays ont connu des hausses de leurs dépenses sociales entre 1990 et 2016, elles ont été de moindre ampleur.
Depuis 2009, la moyenne des dépenses des pays de l’OCDE s’est stabilisée. Suite à la crise, les Etats ont mis en place des réformes pour contenir la trajectoire de leurs finances publiques, la protection sociale n’a pas été épargnée (retraites, santé, politique familiale). C’est la fameuse politique qualifiée de « rigueur », tant relayée par les médias. Le Portugal, l’Espagne et la Grèce sont cités à de très nombreuses reprises dans cette étude. La France a également réformé, mais pas suffisamment et enregistre encore des déficits. C’est donc la croissance relative de nos dépenses sur cette période (récente) qui explique le positionnement de la France dans ce classement.
Les dépenses de retraite et de santé, qui représentent l’essentiel de cet effort sont respectivement de 14,3% et 8,6% du PIB, contre 8% et 6% pour l’ensemble des pays. En ce qui concerne les retraites, les pouvoirs publics français ont voté une importante réforme en 2010. Cette dernière étant lissée dans le temps, a commencé à produire des effets en réduisant les déficits. C’est le même constat pour le récent accord AGIRC-ARRCO, qui concerne les complémentaires des salariés du secteur privé. Les dépenses de santé font également l’objet d’efforts depuis maintenant plusieurs années. Ainsi, l’objectif national de croissance des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), voté chaque année par le Parlement, est passé d’un niveau situé autour de 5-6 % au début des années 2000, à moins de 3 % vers 2010, et autour de 1,75-1,8% aujourd’hui. Le ralentissement de la croissance des dépenses est assez marqué par rapport à la croissance naturelle des dépenses de santé qui se situe à un niveau compris entre 3% et 4% (démographie et nouvelles technologies). Mais cet effort reste encore à confirmer, surtout au regard de l’inflation quasi nulle ces dernières années.
Alors que la crise de 2008 a contribué à pousser l’ensemble des dépenses sociales à la hausse (impact conjoncturel), les dépenses structurelles de retraite et de santé ne sont pas encore sous contrôle. Une reprise plus marquée de l’activité, une baisse du chômage sera de nature à améliorer le financement de notre protection sociale, mais le rétablissement de long terme des équilibres passe aussi par une amélioration plus fondamentale de la gestion de notre système de santé dans son ensemble.