L’Astuce

Retraites : une rentrée pleine d’enseignements

par | Oct 18, 2016 | Actualités

En août 2016, la direction du Trésor publiait une note détaillant le calcul des économies attendues de l’accord du 30 octobre 2015 dit « AGIRC-ARRCO ». L’objectif est de mesurer la trajectoire des finances des retraites complémentaires des salariés du privé (cadres et non-cadres). Les nombreuses mesures décidées lors de l’accord pour « sauver » les retraites complémentaires, dont les réserves s’épuisaient, sont essentielles pour l’équilibre général de notre système de retraites, puisque nous parlons de 0,3 points de Produit Intérieur Brut d’économies d’ici 2020.

En septembre 2016, la Cour des Comptes dans son « rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale » consacrait un chapitre aux retraites des salariés du secteur privé, intitulé : « Assurer la soutenabilité des retraites ». Elle y passe en revue les effets des réformes des 25 dernières années. La conclusion est la suivante : ces réformes sont la réponse à un vieillissement démographique, ainsi qu’à une conjoncture économique devenue moins favorable. Ces réformes ont permis de redresser « nettement » la trajectoire financière des régimes. Elles ont eu pour objectif de contrer ou freiner les effets du vieillissement de la population. Mais il existe toujours un problème structurel de déficit, notamment en ce qui concerne le Fonds de Solidarité Vieillesse qui est sous-financé, et alimente ainsi une dette déjà importante. D’une manière générale, la Cour est inquiète de la sensibilité des régimes de retraite à la croissance. La Cour prend soin dans ses travaux de nous présenter les mesures (du passé) les plus efficaces, pour le futur ?

Ce mois d’octobre 2016, la Cour des Comptes présente cette fois-ci un rapport sur « les pensions de retraite des fonctionnaires ». Les fonctionnaires concernés par le rapport sont ceux des fonctions publiques d’Etat (FPE), ainsi que des fonctions publiques territoriale et hospitalière. Nous parlons de 3,8 millions de fonctionnaires en activité et un peu moins de 3 millions de retraités. D’un point de vue budgétaire, cela représente 58 milliards d’euros de dépenses de retraite en 2014. Ces retraites sont gérées par le service des retraites de l’Etat pour les fonctionnaires d’Etat (41,3 milliards d’euros) ; elles sont gérées par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) pour les deux autres catégories de fonctionnaires.

La Cour détaille l’évolution des deux principaux régimes de pension des fonctionnaires en insistant sur la période post-2003. Pourquoi 2003 ? Il s’agit de l’année du vote de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites (« réforme des retraites Fillon »). Cette réforme a instauré des mesures visant à rapprocher les retraites du secteur public et celles du secteur privé, notamment l’âge de départ en retraite, l’indexation des pensions sur inflation, la durée d’assurance, etc… C’est la première du genre, puisque la réforme de 1993 avait « épargné » le secteur public. La Cour salue la réforme de 2003 et ses principales mesures qui ont eu pour effet de rapprocher, sur des « points majeurs » privé et public. Mais elle ajoute que « les progrès accomplis restent fragiles et partiels ». Si la Cour est inquiète, c’est qu’elle les analyse sous l’angle « de la soutenabilité financière des régimes ». Il faut en déduire, que le financement des retraites des fonctionnaires pose problème. Il faut dire que ces régimes doivent faire face à deux forces simultanées :

  • Tout d’abord nous observons une hausse du nombre de pensionnés. Ainsi sur la période 1990-2014, le nombre de retraités de la CNRACL a connu une hausse annuelle de +4,4%, et +2,7% pour la FPE. En ce qui concerne la FPE civile, la situation est telle que le ratio cotisants/pensionnés est inférieur à 1 (0,95 en 2014), et les dépenses de pension ont triplé sur la période 1990-2014.
  • De plus, il faut également prendre en compte un second phénomène, la hausse du niveau des pensions, lié à la hausse des salaires de références.

Pour répondre à cette situation, l’Etat a dû augmenter les cotisations employeur pour la fonction publique d’état (plus de 30% entre 2006-2014, soit bien au-delà des rythmes de croissance nominale sur la période). Ces cotisations sont au final supérieures d’un tiers à celles du privé. La situation est donc difficilement tenable à long terme, car elle exigerait un maintien de l’effort de l’Etat bien supérieur aux engagements budgétaires annoncés. Or, comme tout le monde le sait, la situation financière de l’Etat n’est pas des plus saines. La dette approche les 100% du PIB, et nous sommes toujours au-dessus des 3% de déficit public cette année, et peut-être même l’année prochaine. Il faut donc aller plus loin dans la réforme des régimes en question. L’harmonisation pure et simple du privé et du public, scénario défendu par plusieurs think tanks, est rejetée par la Cour des comptes qui se veut pragmatique. Elle juge un tel scénario « socialement sensible ». Elle préconise un rapprochement très progressif des règles applicables au public et au privé. Elle recommande notamment l’allongement de 5 à 10 ans de la période retenue dans le calcul du montant de la retraite, tout en intégrant le calcul des primes. Pour rappel, la retraite des salariés du privé est calculée sur les 25 meilleures années d’activité, contre les 6 derniers mois pour le public. Au final la Cour insiste surtout sur les économies à mener dans la gestion des retraites publiques en préconisant l’instauration d’un guichet unique.

Pour résumer, les administrations publiques viennent de produire trois rapports sur l’état de notre système des retraites, ce n’est pas anodin. Le message est clair : les réformes menées jusqu’à présent n’ont pas permis de répondre pleinement aux effets du vieillissement de la population, ni de faire face à la hausse des nouvelles pensions (effet de noria). De plus ces réformes n’ont pas anticipé le taux de croissance durablement faible de l’activité économique. L’équation est donc la suivante : renouer rapidement avec une croissance forte et réformer.

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