Le 28 juin dernier nous publiions un article dans lequel nous vous annoncions que la commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait une non revalorisation des retraites au 1er octobre. Cette « prévision » est confirmée, les retraites ne seront pas revalorisées cette année.
C’est le secrétaire d’Etat au Budget, qui a expliqué cette décision. Dans pareille situation, les pouvoirs publics se veulent discret. On ne convoque pas la presse pour faire une annonce, les ministères se contentent de répondre aux journalistes qui les interrogent. Le Ministre s’est prêté à l’exercice, il justifie la décision par le niveau d’inflation : « l’inflation est faible voire nulle ». Vous le savez la revalorisation annuelle des pensions est fonction de l’indice des prix à la consommation, auparavant était pris en compte l’évolution générale des salaires. La bascule est intervenue en 1993 avec le vote de la loi du 22 juillet 1993 (réforme « Balladur »). Plus récemment, c’est l’inflation constatée et non plus les prévisions qui est retenue.
Le Ministre évoque une inflation faible voire nulle. Ce qui entre nous n’est pas la même chose, si l’inflation est nulle il n’y a pas lieu de revaloriser les retraites. Si inflation il y a, il convient de revaloriser les pensions en conséquence. C’est l’un des arguments utilisés par les représentations syndicales dans le bras de fer engagé avec l’Etat depuis maintenant deux ans. Pour eux, l’inflation est de 0,2% sur un an, et de 0,6% au cours du deuxième trimestre. Ils ont donc manifesté le jeudi 29 septembre pour défendre leur « pouvoir d’achat ».
Cette action, ces manifestations, ne sont pas les premières, ni les dernières. L’an passé déjà, à la même période, le Conseiller social du Président de la République recevait les représentations syndicales (UCR-CGT, UCR-FO, UNAR-CFTC, UNIR CFE-CGC, FSU Retraités, FGR-FP, LSR et UNRPA). Ces dernières demandaient une revalorisation des pensions de retraites… ainsi qu’une indexation des pensions sur le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance.
A travers ce débat sur le niveau d’inflation (et la méthode de calcul), c’est en réalité une négociation sur le niveau des pensions qui se joue. Si le niveau de vie et le patrimoine des retraités sont aujourd’hui supérieurs à ceux des actifs (103%), cette situation est amenée à évoluer défavorablement dans les années à venir (Travaux du Conseil d’Orientation des Retraites). Les retraités entendent défendre leur situation. Les syndicats rappellent que le taux de pauvreté a augmenté chez ces derniers de 7,7% en 2012 à 7,9% en 2013 (en prenant soin de ne pas rappeler les chiffres pour l’ensemble de la population : 13,9%).
En fait, nous voyons ici clairement les effets concrets de décisions prises lors d’une réforme passée pour équilibrer le solde du système des retraites. La ventilation des mesures d’économies entre les différentes classes et générations de la population n’est pas tâche aisée. Ces effets concernent ici les retraités, mais les mesures touchent bien souvent (différemment) les actifs : les différentes catégories socio-professionnelles, les salariés issus du privé ou du public, etc… Sauf que ces derniers ne s’en rendent pas – encore – compte.
Le Gouvernement tient bon, il faut dire que les mobilisations sont pour le moment relativement faibles. Le prochain exécutif devrait lui aussi faire de même, car comme le rappelle le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) : entre 2003 et 2060, la baisse des pensions relative représenterait un quart des besoins de financement liés au vieillissement (hypothèse de croissance des revenus d’activité de 1%). Des économies dont le système a besoin pour survivre, difficile de trouver une alternative.
La conjoncture économique se caractérise par un faible niveau d’inflation. Plus grave pour la situation des retraités, des actifs, et l’équilibre du système des retraites, elle se caractérise également par un faible niveau de croissance. Une croissance qui fait cruellement souffrir l’ensemble de notre modèle de protection sociale. Une croissance qu’il faut à tout prix retrouver, si on veut éviter de nouvelles réformes et leurs externalités. Des réformes, qui souvent, produisent leurs pleins effets, bien des années plus tard, apportant leur lot de mauvaises surprises aux publics concernés.